katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

vendredi, mars 28, 2008

De la jouissance, encore et toujours


"Si dire c'est posséder, maîtriser, contenir le réel "dans les justes bornes de la vérité", alors rien jamais ne pourra être dit de la jouissance. Mais si dire c'est interpeller le réel, l'approcher, l'ouvrir, le féconder d'attentive présence jusqu'à la fulgurance de l'affirmation, le déploiement de la puissance, alors il y a à dire de la jouissance, et c'est seulement de la jouissance qu'il y a à dire."

Annie Leclerc, "Epousailles"

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mercredi, mars 26, 2008

Je l'ai retrouvé!!!!


Alors que j'étais sur le point de casser ma tirelire, parce que je n'en pouvais plus de passer à côté de photos qui me faisaient signe, il a refait surface!

Il était allé se cacher dans la voiture de mon oncle!

Une bonne surprise ne venant jamais seule, il y avait plein de petites merveilles qui ne demandaient qu'à venir mettre de la couleur par ici!

Je me suis dit que j'allais commencer par celle-ci, le soleil se devine, aura-t-il le dessus sur les nuages?

En attendant, l'instantané que nous offre cette amorce de bataille dans le ciel est somptueux, non?

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mardi, mars 25, 2008

Et si nous osions sourire, en choeur, de corps à coeur

Revenir sur les places de jeu de son enfance ressemble parfois à découvrir que la fraîcheur de l’eau, la douceur du vent et la tendresse des sourires se sont changés en un mélange informe de pierres et de terre retournée.

La semaine dernière, ma maman a garé sa voiture devant le jardin de ma grand-maman, minuscule et unique rescapé des trois endroits que mon grand-papa cultivait à l’époque avec passion et minutie. J’étais alors accroché à ses salopettes, effectuant les menus travaux qu’il m’estimait capable d’assumer, répétant dans ma tête ses précieuses astuces. L’écoutant me parler d’événements importants que je ne comprenais pas (je me rappelle quand il m’a mis la main sur l’épaule, le 10 novembre 1989, me montrant la télévision, m’expliquant que le mur qui était en train d’être détruit constituait « un moment d’Histoire »), mais peu importait, la considération qu’il me portait et les curiosités qu’elle a éveillées en moi font partie intégrante de la confiance qui, aujourd’hui, ne me quitte pas.

Regarde toujours le gens dans les yeux, Karim, toujours.

Ma maman a garé sa voiture. J’ai laissé quelques mots se faufiler entre mes lèvres. « Vas-y seulement, je vais faire un crochet vers les travaux, pour voir l’étendue des dégâts ». J’y suis allé tranquillement, sachant par avance que j’allais avoir envie de hurler.

Je me suis appuyé contre un arbre à qui le droit à la verticalité n’a pas encore été ôté. J’ai secoué la tête, longtemps, tristement.

Mon grand papa avait aussi un tout petit bout de vigne, il était situé tout près d’une famille de pommiers où nous avions pour habitude, avec plusieurs amis à crampons, de nous reposer entre deux parties de football effrénées.

Tout ceci n’existe plus. La saveur des fruits doit laisser la place à une banlieue dortoir que je préfère ne pas qualifier, puisque je n’arrive pas à me résoudre à la vulgarité. Même si c’est vraiment de cela qu’il est question, de vulgarité. De la vulgarité de l’argent, de la vulgarité de ceux pour qui toute place n’existe que par le profit qu’il est possible d’en dégager, de la vulgarité de ceux qui acceptent que le monde soit réduit à des contraintes administratives à régler, au plus vite.

Parvenir, malgré tout, à ne pas se résigner. Sourire. Continuer de chanter l’importance de maintenir en éveil un regard qui ne limite pas. Sourire.

Continuer d’offrir, au hasard, des paroles qui enveloppent, discrètement, les esprits hagards.

lundi, mars 17, 2008

« Ceux que tentent la religion devraient réfléchir à la poésie » Yves Bonnefoy

« Cher inconnu, bienvenue dans ce récit. Je dois t’avertir que si, avant de mettre un pied devant l’autre, il te faut distinguer le sentier incertain qui sépare les faits et la fable, le souvenir et la fantaisie ; si la logique et le sens te paraissent une seule et même chose ; si, enfin, l’anticipation est la condition de ton intérêt, ce voyage te sera peut-être insoutenable. »

J’avais une pressante envie, hier, d’une certaine sensation poétique, immersion dominicale dans des cathédrales de mots à la fascinante beauté.

Un livre avait retenu mon attention du fait de son titre « Le passé devant soi », fallait-il y voir un clin d’œil de son auteur, Gilbert Gatore, à mon romancier magicien ?

Lecture faite, il n’en est rien, mais cela ne diminue pas la sombre puissance de ce premier roman. Deux histoires s’entrecroisant sur fond de génocide rwandais, terrible réalité servie par une prose soignée à l’extrême.



Je me suis ensuite laissé porter par les paroles de Nimrod, poète tchadien qui, expliquant combien à ses yeux la création littéraire est toujours tenue de faire preuve d’une certaine pudeur, « la monstration et la démonstration » étant de l’ordre de la barbarie que la plume vise à combattre, est venu donner son point de vue sur le contraste saisissant existant parfois entre la splendeur d’une évocation et les faits terrifiants qu’elle éclaire.

« Les rivages du Chari, l’énigme du monde gardée par devers soi, constituent ce phénomène qui, au souvenir des miens, m’arrachent des sanglots. C’est en eux que je suis fondé. J’ai reçu d’eux une mémoire qui m’a précédé. Elle détient ma formule. »



L’après-midi, c’est vers un écrivain « du terroir » que j’ai eu envie de me tourner. Il m’est difficile de dire à quel point les textes composant « Air de solitude et autres récits », de Gustave Roud, me procurent une sensation de plénitude, me bouleversent véritablement physiquement. Raison pour laquelle se sont des phrases que j’aime lire à haute voix, non pas pour me les approprier, mais pour donner à sentir, quand l’occasion m’en est donnée, combien ce sont des mots, une réalité souvent « campagnarde », qui font vibrer l’enfant jouant au milieu des bottes de pailles que je ne veux pas cesser d’être.

« Et moi j’écoute à travers le long frémissement de l’averse les deux notes creuses descendre, éveiller dans ce cœur qui s’ensommeille le miracle d’un jeune cœur perdu. »

« Il fallait perdre la parole pour découvrir le vrai langage de toutes choses ; par l’innocence offerte de la bête et de la fleur atteindre peu à peu la secrète innocence des hommes comme une déchirante certitude. »



Ma journée à errer entre livres et films (« Juno » et « Children of men ») avait commencé par la lecture d’un message magnifique de Benoît, il y était question des similitudes, dans cet « écrire vrai » qui me taraude, entre Annie Leclerc et Gary. Je laisse le mot de la fin à mon Benito d’amour :

« La longue confession de Momo qui nous parle à l’oreille, espérant enfin trouver cette terre offerte où s’avancer, elle ne se termine pas par Il faut de l’amour, ou Je veux qu’on m’aime, mais par Il faut aimer. »

samedi, mars 15, 2008

Aux âmes citoyens!

« Faire une expérience et tenter de se révéler : pour l’écrivain, il s’agit de concilier ces deux ambitions. »

Je ne sais jamais si c’est le battement de leurs ailes, leur manière de s’ébrouer en sortant de la rivière ou la partition azurée qu’ils m’offrent pendant que mes songes se déploient, mais je suis chaque matin infiniment heureux de sentir le ballet somptueux des oiseaux qui m’invitent à ouvrir les yeux de bonne heure.

Je dépose alors une échelle sur l’arbre de pages qui m’accompagnent partout, je monte doucement, prenant le temps de goûter tout ce qui se présente. Puis je cueille les mots les plus fruités pour venir les déposer dans la corbeille en osier qui chante près de votre porte, se réjouissant de vous accompagner au marché.

Jusqu’au stand des phrases qui apaisent.

« Tout l’art est de faire en sorte que l’âme se saisisse dans le plaisir de vivre. »

Hier après-midi, alors que je rentrais chez-moi, j’ai croisé une personne à qui j’avais dit en souriant, lorsqu’elle m’avait confié ne pas avoir aimé « La vie devant soi », que nous n’allions pas nous entendre. Il est difficile de mesurer l’ampleur que peuvent prendre certaines paroles dans la partie secrète de nos têtes.

En l’occurrence, je me suis vite rendu compte que mon affirmation amusée l’avait beaucoup peinée. Elle s’était sentie jugée sur une lecture, ce qu’elle trouvait terriblement triste. Elle m’a dit que je ne pouvais pas le savoir, mais qu’elle était une « éponge à émotions ». La profonde tristesse qui se lisait dans ses yeux a fondu jusque dans les miens. Je l’ai serrée dans mes bras en lui demandant de bien vouloir m’excuser, je n’avais pas du tout eu l’intention de la blesser, mais.

La curiosité qui enveloppe l’élan de mes jours s’attache à débusquer, imiter et limiter ces « mais », mais.

« Tout l’art est de faire en sorte que l’âme se saisisse dans le plaisir de vivre. »

Nietsche a affirmé, faisant référence à Montaigne : « Qu’un tel homme ait écrit, véritablement la joie de vivre sur terre s’en trouve augmentée. »

On m’a demandé dernièrement quel est mon souhait le plus cher.

Que de nombreuses personnes, remplaçant « écrit » par « été », puisque je ne conçois pas d’écriture « vraie » qui s’éloigne d’une manière de s’offrir au monde, appliquent cette affirmation au saltimbanque des rivières que je m’efforce d’être.

« Tout l’art est de faire en sorte que l’âme se saisisse dans le plaisir de vivre. »

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samedi, mars 08, 2008

Mon nid de flocons

Cette semaine, la neige s’est brièvement offerte à nos regards éperdus, accompagnée d’un froid sauvage qui claquait sur le front et lacérait les narines.

J’aurais voulu alors que les phrases s’étoilent, mais elles n’ont réussi qu’à s’étioler, les pétales de blanc me proposant de m'imprégner sereinement de leur fugacité, sans la troubler par des mots trop bruyants.

Je m’étais donc résolu à mettre langue et plume dans la trousse de mes attentes veloutées.

Laissant à l’inexprimé le soin de se pelucher dans mon duvet de songes.

Aujourd’hui, l’ardeur du verbe a fait ployer ma promesse silencieuse.

Pulsations du sang poétique qui brûlait de dire son éveil à la déchirure de l’instant.

J’ai découvert mon nid de flocons.

Je n’y ai vu que la trace humide des larmes de glace déposées par le ciel.

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mardi, mars 04, 2008

A la poursuite du bleu

Les journaux d’hier me regardent, tout déconfits, leurs mille yeux, habituellement inexpressifs, sont chargés de reproches parce que je n’ai même pas réussi à les parcourir.

Au sortir d’un week-end à suspendre le monde par les pieds, que ceux qui prétendent qu’il n’en a pas besoin veuillent bien ne jamais remettre les leurs (de pieds) par ici, après des heures de féerie entre Berne, Lausanne et Fribourg, je peine à reprendre prise avec la réalité, cette entité bien floue que tout adulte qui se respecte doit manger sans sourciller, même si cela démange au niveau du nez avant de retourner l’estomac.

Ces moments de douce folie, comme plein d’autres vécus depuis quelques années, ont été rendus possibles par Romain Gary, ce clown lyrique qui se promène souvent dans mes pa(ra)ges.

« Teresina se tient à l’intérieur, et mon songe ne se risque jamais à ouvrir la porte du carrosse, car j’a toujours eu au plus haut point le souci du réalisme et je crains que, malgré tous les soins que j’ai apportés à mon œuvre, il n’y ait personne à l’intérieur. Je prends grand plaisir aussi en compagnie des Tziganes et je m’arrête toujours, le cœur serré, devant leurs roulottes, mais là non plus je ne me risque pas à entrer, car il faut savoir être prudent et habile lorsqu’on a affaire à la réalité et que l’on veut éviter ses rudes manières. »

Je me laisse porter par ce moment de songes soyeux, arrosant l’arbre de mes rêves, enchevêtrement de solitudes, livré aux livres, et de besoin de rencontres et d’échanges (Benoît m’a écrit, ce matin, après deuxième visionnement de « Into the wild », cette phrase dont il m’avait déjà parlé : « Happiness is real only if it is shared » / « Le bonheur n’est réel que s’il est partagé »).

Branches amies/ennemies qui se réconcilient dans l’écriture, ce prolongement de l'âme qui me brûle les doigts. A la recherche d'une bien-âmée.

Michèle Desbordes se cachait dans ma théière, hier après-midi, elle s’est immiscée en moi, accompagnée d’un Läckeril, pour mieux m’embraser le cœur. L’ouvrage (« Les Petites Terres ») qu’elle a confié, depuis sa retraite étoilée, aux caprices d’une hirondelle, va accompagner « L’emprise » dans le baluchon des livres qui me caresseront la nuque lorsque je me consacrerai plus sérieusement à faire vivre le papier. Bientôt, tout bientôt.

« […], il n’y aurait plus un dossier pour une chose ou une autre, des bribes, des morceaux d’écriture en attente dans des boîtes, des cartons à développer le moment venu, tels ces morceaux de moi qui parfois ont tant de mal à s’accorder, ma réticence et mon penchant tout à la fois pour la fiction ou malgré mon goût de la phrase courte et sèche cet emportement, cette façon de ne plus pouvoir s’arrêter une fois la phrase commencée car il semble bien qu’alors ce soit la seule façon de dire, le temps qui n’en finit pas, le temps immobile et tout ce qui sans cesse recommence. Il y aurait ce qui vient d’un coup, d’un seul tenant, moi soudain rassemblée, paroles et silences, comme une grande phrase que j’aurais envie de dire, ininterrompue malgré ses points, ses virgules, ultime concession au lecteur pour qu’il ne s’égare ni me maudisse trop, je veux le voir aller jusqu’au bout et qu’arrivé au bout il ait envie d’y revenir, de recommencer comme il m’a dit, il m’a écrit qu’il faisait. »

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