katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

dimanche, mai 31, 2009

la vie qui pointe le bout de son nez










Lui aussi il quête un peu de fraternité, me lance des regards emplis de malice.


J’adore les geckos.


La nuit ayant déroulé un peu de fraîcheur bienvenue, il est rare que je résiste à l’appel des étoiles ; à cette heure-ci, qui plus est un samedi, bien des gens, à Lisbonne, n’ont pas encore mangé.


J’écoute la vie qui pointe le bout de son nez aux différentes fenêtres qui me survolent.


Un peu plus haut, la Grande Ourse se devine.


Le gecko slalome.


Il aime bien me chahuter, gentiment.


« Comment son amie t’a appelé déjà ? Espèce de hippie ? Si c’est pas mignon… »


C’est très taquin, un gecko, et câlin, aussi ; on ne dirait pas, comme ça, mais oui.


Personnellement, c’est une vielle histoire d’amour, commencée en Tunisie pendant les vacances d’été à Teboullba; il y en avait plusieurs qui tapissaient le plafond de ma chambre.


Celui-ci s’appelle Biboune, enfin c’est ce qu’il m’a dit.


Généralement, quand il arrête de déambuler, il vient se pelucher dans mon cou ; il s’endort toujours avec un petit air satisfait dessiné aux coins des lèvres.


J’adore les geckos.


« Tu peux me relire les lignes de Manoel de Barros que tu as copiées chez Rubens, STP ?!? »


« J’ai un désert énorme dans l’œil. C’est du fait de ce désert que je n’ai pas été un sale gamin. Maintenant, je ressens le manque de ce que je n’ai pas été. Je crois que ce que je fais aujourd’hui c’est ce que je n’ai pas pu faire pendant l’enfance ».


Je me dis qu’il va pour la énième fois me raconter sa rencontre avec José-Eduarda Agualusa, comment il en est arrivé à être un des personnages principaux dans « Le Marchand de passés » ; mais non, j’entends déjà sa respiration qui a changé, je sens qu’il rêve.


Mercredi, Luca s'en est allé; demain, Liliane arrive ; dans une dizaine de jours, il va y avoir, paraît-il, une orgie de sardines dans les rues lisboètes.


Ensuite, ce ne sera, en tout cas pendant quelque temps, plus au Portugal que je m’abreuverai de la voie lactée.


Je franchirai la frontière encore bercé par les histoires du Gecko, par toutes celles qui ont dansé autour de moi depuis le début de l'année; je reprendrai ma route, baluchon arrimé au cœur, avec une confirmation lumineuse:


C’est bon de permettre à ses rêves de prendre corps.

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mardi, mai 26, 2009

dimanche, mai 24, 2009

dans cette évasion la plus grande présence




Au mur, une photo magnifique de Romain Gary et Jean Seberg, arrivée jusqu’ici grâce à ma mamimourette.


Ils sont sur une plage, ils regardent au loin, Jean a ses chaussures dans la main droite, de l'autre elle tient le bras de son mari ; Romain qui a l’air perdu dans ses pensées, comme toujours.


"Un homme qui peut s'adapter à la réalité n'est qu'un enfant de pute", a-t-il écrit dans "Adieu Gary Cooper".



Des fleurs, un schtroumpf, un soleil,… Plein de fautes d’orthographes.


Ma maman m’a dit que, dans son prochain envoi, elle glisserait un dessin que j’avais fait pour mon grand-papa, quand je n'avais encore pas toutes mes dents ; tu seras content d’avoir ça, un jour, elle a ajouté.


J’ai à côté de moi une carte que ma grand-maman m’a écrite, illustrée par une aquarelle de Jean-Luc Berger, « Chemin du Chapon à St-Saphorin ».


St-Saphorin, Le Lavaux, un de ces nombreux endroits qui font de la Suisse un pays où on se réconcilie avec la beauté kitsch ; une beauté presque irréelle de propreté qui rayonne de partout ; une beauté qui suffit à expliquer pourquoi l’occupation du paysage, par certains propriétaires peu délicats, m’horripile.


Une beauté trop lisse qui est aussi un des moteurs de mon envie de me confronter à autre chose, de rendre mes yeux plus rauques.



« Dans le fond, je pars d’une source, je la connais, je la suis, trop d’artifices me répugnent, je ne veux pas m’inquiéter du béton. »


A main gauche, un livre d’entretiens entre Jean Quinodoz et Maurice Chappaz, transcrits par Corinna Bille.


Leurs voix se confondent, préciser quels mots sont de qui semble superflu tant leurs paroles s’harmonisent.


« Mon désir de paix, d’adaptation au monde était très net, mais je me suis trouvé dans l’impossibilité d’accepter et mon père et la société actuelle. Cette dernière massacre tout ce que j’aime. L’espace et le temps vus de l’intérieur se sont rétrécis au point de nous étrangler. L’écriture a été une seconde naissance. »


« Que le ciel et la terre se balancent » en est le titre, déjà après cela on ne peut faire que silence.


Dans ses lignes manuscrites, dont l’ourlé des mots suffit à me faire voyager dans le siècle précédent, ma grand-maman me dit que maintenant qu’elle est vieille, elle se rend compte qu’il y a un racisme contre les vieux.


Prenez un moment pour aller lire « Le clown triste » de Foglia, quand ses chroniques respirent comme celle-ci, je monte sur un tabouret, je m’oriente en direction de Montréal, et je hurle pour demander à sa plume de bien vouloir nous offrir un livre de ce tonneau, histoire de pouvoir avoir sa voix qui tonne toujours dans la poche.


« Qui dit vocation dit évasion et dans cette évasion la plus grande présence.


Une rupture mais une fidélité, car on part avec son origine. Il n’y a pas de cassure comme dans l’événement social appelé « le progrès » et qui s’achèvera par une cassure, un abîme. Et je veux dire cette origine. »


Un de mes problèmes avec la Suisse, c’est que j’aime trop ce pays, c’est aussi ce qui se dégage des lignes sur Béatrice, des lignes au sujet desquelles je n’ai pour l’instant pas de nouvelles.


Hier, j’ai eu pour la première fois depuis cinq mois une grande envie de fermer les yeux et de me retrouver entre Fribourg et la place de jeu de mon enfance ; envie de serrer bien des gens que j’aime dans mes bras.


Envie de laisser le sel de mes larmes devenir insignifiance en s’égouttant dans le lac de Neuchâtel ; envie de sentir ce duvet d’eau devenir mon plus beau déguisement, mon plus précieux « doudou ».


« L’évadé a la piété du passé, piété aussi vaste et ferme que le chalet. »


Je ne prie pas, enfin non, je ne prie plus ; j’ai longtemps pensé que Dieu était caché dans la paume de mes mains, alors le soir, dans mon lit, après que ma maman m’avait bordé, je les joignais, j’y glissais mon visage et, enivré par la chaleur de mon souffle, je discutais avec lui, je lui promettais plein de choses ; on riait beaucoup.


Je ne prie plus, mais avec ferveur.


Je ne prie plus, mais je reste attaché aux promesses que je nous faisais.


Je ne prie plus, mais, quand je me sens fantôme sans âge, quand je m’accroche à mes sourires, je crois que cela y ressemble tout de même beaucoup.


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vendredi, mai 22, 2009

l'engagement sensible


Hier, Luca est venu me retrouver avec de quoi improviser une petite revue de presse, excellente idée, cela me fatigue de lire les journaux sur mon écran. Pendant qu’il jetait un œil à son courrier électronique, j’ai préparé de quoi aller déguster une salade dans un des parcs tout proche.

Nous sommes passés chercher Marta, qui n’était pas chez elle, nous lui avons donc fait part de nos plans par téléphones interposés.

Le parc avec les animaux, a-t-elle demandé, non, celui avec les cas sociaux, ai-je répondu ; on se sentira dans notre élément, aurais-je pu ajouter.

J’aime bien cette ambiance joyeusement décalée, j’aime bien quand le type de la table d’à côté parle dans le vide, quand un autre, s’inquiétant de savoir si nous sommes Italiens, à qui nous répondons que non, que nous sommes Bulgares et Roumains, nous apprend qu’il sait comment demander une gâterie dans la langue de Ceausescu; tout content le gustion.

Les nouvelles ont caressé l’économie dans le sens du poêle, bien des petites gens qu’on continue de faire rôtir, sans oignons, mais avec beaucoup d’huile.

Un connard, vous excuserez cet écart de langage, mais il y des fois où il faut ce qu’il faut, un sombre connard, donc, qui explique sereinement que « toute réforme des systèmes éducatifs et de santé doit avoir pour objectif de maximiser le potentiel de croissance de l’économie ».

10 ans de vie permettrait de gagner un point de PIB ; même le traitement de la maladie d’Alzheimer est envisagé dans cette seule optique.

Juste à côté, encart du jour dans « Le Monde », « Les cahiers de la compétitivité, spécial seniors ».

Elle est pas belle notre information ?

Dans le numéro d’avril du « Matricule des anges », le dossier principal est consacré à Marie Cosnay, « L’engagement sensible » est écrit sur la couverture.

"[...] Il n'y a toujours pas beaucoup de différences pour moi entre lire et écrire. Avec traduire, c'est le même geste, le même désir, la même pulsion vers... Je me dis que je suis amoureuse des livres, de quelque chose d'intellectuel qui est devant moi, qui serait à savoir un jour. Ça donne beaucoup de joie ce sentiment."

On y trouve ceci, aussi, sous le titre « juste quelqu’un de bien ».

Engagement sensible. Engagement sensible. Engagement sensible.

Trois fois, comme une sorte d’exhortation pour sortir de ce système qui a définitivement pété les fusibles.

Allez, je retourne manger ma salade vers les cas sociaux, avec un bouquin; et une immense envie de solidarité dans l'humour.

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mardi, mai 19, 2009

Digressions routières, tricot de regards









De bien irrégulières écharpes, certes, mais avec cependant une application jamais prise en défaut. J’aimais beaucoup tricoter, je m’étais carrément essayé au crochet ; cela agaçait un peu mon paternel, parce que c’était tout de même fort peu viril ; tout comme le violon, instrument qui me fascinait, trop coûteux aux yeux de ma maman, conçu pour les filles selon mon papa.


Ces goûts sons restés, à peine voilés, dans ma manière d’évoluer, aussi bien balle aux pieds que plume à la main ou histoires au coin des lèvres.


Je tourne autour du pot, m’enflamme, invite l’orchestre à continuer, résiste parfois avec peine au doucereux, puis l’instant d’après me débats pour que ma voix et mon jeu ne deviennent pas trop agressifs.


Une maille à l’endroit, plusieurs à l’envers, j’apprécie l’idée de faire mes gammes, de refuser les idéogrammes, en tricotant des pulls de mots avec une imitation d’archet.


Ne pas savoir où on va est le meilleur moyen de ne pas se perdre, c’est en partie avec ce désordre d’idées que nous nous sommes lancés dans des digressions routières, avec Luca le flamboyant.


Nous avons intercepté Chloé et son chéri, puis avons mis le cap sur l’Andalousie, sillonnant l’Alentejo, embrassant des paysages qui s’imprimaient avec fougue dans mon âme campagnarde ; je reviendrai par ici, sac sur le dos, écouter plus attentivement les récits des troupeaux et des bâtisses de pierre délaissées.


Dormant sous tente dans des endroits fabuleux, délices dégotés grâce au flair du conducteur au chapeau de cow-boy, trônant notamment une nuit au-dessus du cours d’eau constituant la barrière naturelle entre Portugal et Espagne ; notre proximité nocturne offrant à mes camarades la possibilité de profiter des étreintes de fado et de flamenco qui se devinaient dans mes ronflements.


Après quelques heures à Séville, passage me confirmant que je ne suis pas fait pour les "visites-express", encore moins depuis que Lisbonne aimante mes regards, nous avons amorcé le retour, continuant de nous abreuver d’étendues qui déménagent la vue, qui interrogent les points de vue.


Luca avait intitulé une série de photographies « Comment dire ? », mettant ainsi le doigt sur l’importance des images qui questionnent, qui invitent à réfléchir. Ce qui fait écho à mon envie de toujours broder ma voix autour de l’expression figée « Je ne sais pas ce qu’il faut en penser », de coudre des paragraphes insistant sur le fait que, à tout propos, il ne faut rien penser de précis, mais qu’il faut y penser.


Je suis captivé par la manière dont les images, figées par essence, peuvent représenter, mentalement, une dynamique perpétuelle.


A une époque où les écrans écrasent les crânes, combattre cette crasse est un défi superbe que certains, comme Luca, relèvent sans concessions.


C’est avec leurs voix étoilées dans mes pas que je chemine.


Au risque de me répéter...



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mercredi, mai 13, 2009

mélancolie de fraternité


« L'histoire humaine ne serait que cette longue mélancolie de fraternité qui ne trouve jamais de réponse ici-bas. »


Recevant la pétition de « Charlie Hebdo » pour mettre fin au délit de solidarité, j’ai repensé à ces mots de Frédéric Boyer, ils sont tirés d’un magnifique petit essai intitulé « Comme des frères ».


« L'histoire humaine ne serait que cette longue mélancolie de fraternité qui ne trouve jamais de réponse ici-bas. »


« Mélancolie de fraternité », formulation lumineuse, douloureuse ; si seulement nous parvenions à la rendre boiteuse.


Je suis tonton depuis dimanche, je l’ai appris par courrier électronique, ce matin. Ma petite sœur a déposé un arc-en-ciel dans les bras d’Igor : Milan.


Prénommé comme un petit oiseau de proie, je me réjouis de voltiger à ses côtés, j’ai hâte de lui chanter l’importance de ne pas chasser, de ne pas rentrer dans la danse avec aigles, vautours et faucons.


Oublier le rapace, en soi, pour toujours privilégier le partage de sa besace.


Inventer de nouvelles traces en refusant d’être les dindons de la farce, en résistant pour que ne nous efface pas le néo-libéralisme, cette Farce de destruction massive.


S’en remettre à amour et imagination pour ne pas embrasser le marasme du désastre imminent.


Avec Luca, au centre culturel de Belem, j’ai découvert l’existence de la mission photographique de la DATAR, un acte d’aménagement du territoire qui a vu le jour au début des années 1980. Quelques photographes avaient été mandatés pour réaliser un travail photographique sur différentes régions, selon une approche thématique ou géographique.


L’idée était qu’ « il n’est pas possible de redonner à des paysages disqualifiés la richesse, la complexité et la cohésion qu’ils ont perdues sans une profonde action culturelle. Recréer le paysage, c’est d’abord recréer une culture du paysage. »


Concernant les termes en voie d’extinction mentionnés plus haut, concernant la possibilité d'une fraternelle solidarité, je crois que nous en sommes au même point ; à nous de faire en sorte que ce ne soit pas celui de « non-retour. »

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dimanche, mai 10, 2009

l'étincelle d'amour

« On vit dans un monde de privilégiés, faut pas gratter beaucoup, ni aller voir bien loin pour s’en rendre compte. Faut mettre ça au service de quelque chose auquel on croit. »


Je ne connaissais que son nom, avais vu bon nombre de ses photos, mais ne savais rien de l'homme et de sa vie.


Je n’avais pas imaginé cette tendresse dans les yeux, cet « ailleurs » chaleureux du regard, cette alchimie parfaite entre humour et gravité.


« Bon, allez, on va regarder papa. »


C’est ce que m’avait dit Luca.


Puis l’entretien a commencé, les frissons aussi, très vite.


Il est des livres qui, ouverts n’importe où, insufflent la confiance pour continuer ; des musiques également, des notes, des voix qu’il est nécessaire de laisser bouleverser nos tympans parce qu’elles aident à ne pas se résigner, à aiguiser sa vitalité ; des amis auxquels il suffit de penser pour recouvrer l’étincelle d’amour à même de faire la différence, de défaire l’indifférence.


Je sais que ces minutes avec Cartier-Bresson en feront désormais partie, qu’elles continueront longtemps d’attiser mon envie d’évoluer en dévisageant la « Vraie Vie » ; qu’elles m’accompagneront assez longtemps pour que, un jour, je puisse aussi faire miens ses mots :


« On peut être vieillard et révolté. »




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samedi, mai 09, 2009

quand ça balance









D’un côté, vaquant à leurs occupations entre des pierres serties de mousse, un ragondin et quelques crabes ; de l’autre, derrière la vitre, un moineau ne comprenant pas comment il est tombé dans ce traquenard.


Accoudé à la barrière de la terrasse tout en longueur des quais de Sodré, mon inattention alterne entre mes petits amis animaux et le flot d’humains que les bateaux larguent à deux pas.


J’ai hésité à écrire flop d’humain, je m’en suis gardé, je me contente de les regarder s’égoutter, flic, floc.


Au bord de l’eau, on distingue à peine mes potes qui clapotent, c’est leurs déplacements qui les dévoilent; lieutenant Fontaine avait raison, dans la nuit, c’est le mouvement, sa vitesse, qui trahit l’explorateur.


Réminiscence militaire qui me fait sourire, d’autres s’y ajoutent, je repense à caporal GI Joe, blaireau chargé par mon lieutenant de m’apprendre les saluts formels puisque lui n’arrivait pas, ma tête le faisait trop rire.


Ce brave homme m’avait appris par la suite que, bon Suisse qu’il était, quand il avait vu mon nom dans la liste de sa section, il avait eu une appréhension ; puis j’avais débarqué, étais allé directement lui demander où est-ce que je pouvais lire les journaux, le matin.


Deux minutes plus tard, j’étais nommé « Chef info », gagnais ainsi le privilège de me lever plus tôt pour écouter la radio, puis je « faisais le topo », rapidement, devant la Compagnie, juste après l’appel.


Au milieu de près de deux cent pelés, ce qui me donnait l’impression d’exister, c’est que l’on savait qui j’étais, le petit bout de papier lu en souriant m’individualisait ; exactement le principe contraire de l’armée.


Les bateaux continuent d’arriver, les gens de se bousculer.


Stylo noir dans la main, je ne sais par où commencer ; depuis que Luca est là, c’est une effervescence de tous les instants, pouvoir partager nos questionnements sur nos moyens d’expressions respectifs, sur nos petits jardinages introspectifs, n’a pas de prix.


L’écriture est un état d’esprit et Lisbonne génère, dans les regards, un coup d’état, difficile donc d’assurer la transition entre le fleuve des pensées et la mise en mots de frère Océan ; je me laisse alors flotter dans mon delta imaginaire, pêchant ça et là quelques éclairs pas toujours débonnaires.


Ariane, la semaine dernière, m’a fait comprendre que j’étais souvent bien sévère ; Lise, de superbe manière, m’a redonné un peu d’air.


Au questionnaire Proust, à la question « Le fait militaire que j’admire le plus », Gary avait répondu la fuite.


Est-ce que mon départ est une fuite ?


Fuir, c’est refuser de se confronter ; si j’ai pris l’option de cheminer dans l’ailleurs, sans plan, évitant ainsi de rester comme deux ronds de flanc, c’est précisément pour affronter mes limites, pour interroger ma confiance et mes ressources.


Ce que j’ai fui, c’est une certaine complaisance, une rengaine de la plainte dans l’opulence, un génie dans l’invention de nouvelles souffrances.


Je balance donc ma patte aux sons d’autres danses, y aiguise mes irrévérences, y défie le règne de la méfiance, le royaume de la défiance.


Déjà fait de lumineuses connaissances venues confirmer qu’il fallait saisir chaque chance.


J’aime quand ça balance.



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lundi, mai 04, 2009

tellement d'impossibles qui s'effacent











A quelques mètres, on les voit passer de temps en temps, les Elevadores da Bica. Depuis en haut, c’est une des ruelles les plus connues de Lisbonne, figées qu’elle est sur bien des cartes postales. Ceux qui la descendent dans un de ces petits véhicules jaunes où rayonne un peu de l’âme lisboète se retrouvent déposés à quelques enjambées du Tage.


Derrière nous jouent au foot les deux petites filles qui, un peu plus tôt, avaient laissé leurs silhouettes se découper dans une des fenêtres qui nous surplombent.


S’accompagnant à la guitare, un des habitués pousse la chansonnette, les voisins donnent le tempo, hasardent leur voix aussi.


Nous laissons des frémissements de bonheur pur envahir chacune de nos respirations ; enlacés par l'instant, le verbe trébucher semble ne plus exister ; le mot productivité pas davantage; nous buvons à la santé de toutes les paroles tellement plus fabuleuses, celles qui scintillent dans les pupilles, qui frétillent sur la langue ; qui glissent le long de mon bras pour se déposer sur vos écrans.


Océan, étoiles, Moscatel, …


« Vous la sentez, là, Lisbonne qui se répand dans tout votre corps ? » demande Maxime à Luca et PO, les deux colinets de passage.


Maud et moi sourions. Nous savons, oui, il y a un moment que nous savons combien cette ville s’immisce dans vos entrailles, avec quelle douceur elle souffle sur vos entailles ; sable émouvant où, très vite, on se retrouve pris jusqu’à la taille.


Pas embourbés, non, mais embrouillés, oui, embrouillés, tellement d’impossibles qui s’effacent.


Caressé par la musique, je me dis qu’il y a une semaine que j’aimerais écrire sur la « trace », comme m’y invitaient Benoît et Marie-Chrsitine, mais Luca a débarqué, appareil photo et cœur en bandoulière, prenant un malin plaisir à détraquer mon rythme de pépé.


J’y pense et je souris, je nous revois, quelques jours plus tôt, jouer au foot avec trois petiots, sur la plage ; défilent également dans ma tête quelques unes des images découvertes l’après-midi, pendant que nous parcourions l’exposition « Archive universelle – Le document et l’utopie photographique ».


Des traces, à emprunter, à éviter, à dessiner.


S’accrochent à mes paupières tous les livres, manifestement composés de poussière, découverts près de la place de la joie, dans une sorte de grenier donnant sur le jardin botanique ; tous ceux que j’ai lus, aussi, et dont souvent me restent surtout des impressions, des odeurs et des couleurs.


Tracer, tisser, tresser.


"Tends avec grâce de petites trousses de survie à ceux guettés par la détresse, et refuse qu'on te mette une laisse, ne prétends à rien d’autre", me murmure à l’oreille la Vie, cette insatiable Maîtresse.


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