katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

vendredi, octobre 29, 2010

marcher mot à mot






"[...]
mais c'est vrai que pour aller au bout des souffles
il faut une musique au large de soi
qui vous insuffle et lente vous soulève
l'ange qu'elle offre est un chanteur

Je suis né poumon comme tout le monde
la grâce attendue tardait à venir
jusqu'au jour où pour mieux m'entendre
j'ai marché mot à mot sur des pages au hasard
voilà que d'un seul coup ça respirait tranquille
j'avais trouvé je continue j'inspire
j'expire calmement sous le vent des paroles."


Ludovic Janvier
, Dans respirer (La mer à boire)

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jeudi, octobre 28, 2010

Un goût de sel à l'ombre de certains mots






« Je vérifie que personne ne me regarde, je m'accroupis et, du dos de la main, je caresse la surface de l'eau: le battement de ton cœur, il ressemble à quoi?!? »


Quelques méduses qui enguirlandent des bancs de poissons, et c'est un flot de souvenirs qui s'écume contre mes falaises; des parois rocheuses au sommet desquelles des cormorans fantômes prennent leurs aises.


Pendant longtemps, j'ai confondu écume et cormoran. Une question de sonorité. Je trouvais que ses traînées blanches, à la surface de l'eau, s'habillaient bien d'un nom sonnant comme « corps mourants ».


Aujourd'hui, je me dévêtis dès les premières vagues de la nuit, je frissonne en humant l'écume qui accompagne le marchand de sable, j'écarte les bras pour faire le cormoran; je me sens merveilleusement bien dans mon corps vivant.


« Je vérifie que personne ne me regarde, je m'accroupis et, du dos de la main, je caresse la surface de l'eau: le battement de ton cœur, il ressemble à quoi?!?


Quand j'ai demandé à Maria si elle utiliserait le mot ruelle pour traduire beco, elle m'a répondu que sa prononciation lui inspirait quelque chose de plus étroit encore; elle pensait au bec d'un oiseau. Je lui ai dit qu'en Suisse, les becs étaient aussi des bisous.


Tout d'un coup s'invitaient, dans cette samba où français et portugais étaient mâtinés de vaudois, des étourneaux s'embrassant dans une brèche.


« Je vérifie que personne ne me regarde, je m'accroupis et, du dos de la main, je caresse la surface de l'eau: le battement de ton cœur, il ressemble à quoi?!?


La semaine dernière, pour me sentir moins minuscule, éperdu que j'étais entre sable et Océan, j'ai ramassé un caillou qui voulait hasarder quelques papouilles sur mes joue. Je l'ai laissé faire, je ne suis pas farouche.


Puis je l'ai gardé au creux de main. J'ai pensé à Eri De Luca, qui retourne certains passages de la Bible dans sa tête, toute la journée; comme il le ferait, dit-il, d'un noyau d'olives tutoyant sa langue.


Il s'imprègne de l'hébreu ancien, je m'aère avec la langue d'Herberto Helder.


Des olives, des pierres éparpillées en bord de mer. Un goût de sel à l'ombre de certains mots.


Et Julien Jacob, souvent, qui saupoudre de la douceur dans ma tête.



« Je vérifie que personne ne me regarde, je m'accroupis et, du dos de la main, je caresse la surface de l'eau: le battement de ton cœur, il ressemble à quoi?!?


Ce scintillement de tendresse, il est extrait de « Le soldat et le gramophone » de Sasa Stanisic; un livre qui est en fait un pot de miel sans fond, où plonger ses petites mimines, pour ensuite se lécher longuement les doigts; flottant entre passé et présent, étourdi par un futur niché dans un écho d'Océan.





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jeudi, octobre 21, 2010

Un air de Rien


Journée mondiale sans événements.


C'est Foglia qui a lancé l'idée dans une de ses récentes chroniques. Je fais honneur à cette pensée depuis longtemps, il serait fier de moi le papy. J'ai rêvé de lui la nuit dernière. On a dormi, avec Raphu, dans une chambre qui ressemblait à la cabine d'un vieux bateau. Les toilettes y étaient aussi la douche. La télévision devait être un des premiers modèles arrivés au Portugal, l'écran était de la taille d'un livre de poche. Mais on avait l'Océan à trois longueurs d'Air Jesus. Ou de tongs dépareillées pour Raphu. Foglia s'est donc glissé dans mes rêves. Ce n'était pas très clair. Un moment nous étions à l'arrière d'un avion, en train de discuter avec Benoît. Ensuite nous faisions du vélo. Il me disait des choses très poétiques, mais ses pensées se sont évaporées lorsque j'ai quitté le sommeil. Il était, notamment, question de ses chroniques, qu'il me comparait à des petites feuilles qu'il allumait avec des bougies avant de les tendre autour de lui pour que les gens se brûlent les doigts. Ça le faisait beaucoup rire. Benoît et moi aussi. Autour de nous, plein de personnes qui soufflaient sur leurs mains en secouant la tête.


Journée mondiale sans événements.


Je suis donc allé discutailler avec lui, hier matin. L'Océan s'entend. Il y avait des goélands et des embarcations de pêcheurs qui prétendaient faire plus de bruit que moi. Ils ne savaient pas que j'ai des ressources cachées. Un de mes secrets, les youyous. Oui oui, les youyous. Vous savez, ces cris que font les femmes arabes pendant les mariages, avec une main qui tapote sur la bouche. Je suis un spécialiste. Je suis en train d'enseigner cet art à Arthur, une année d'altitude, pour la plus grande joie de ses parents. Ça vous ferait pas marrer de vous faire réveiller par votre gosse qui fait des youyous? Possibilité de me contacter pour du baby-sitting, via mon profil; youyoutage assuré. Je le fais tellement bien que, quand je me lâche, il m'est arrivé de me faire draguer par des chiens et des vieux alcooliques. Je leur caresse la tête en leur expliquant que, comme toute femme à barbe qui se respecte, il y a longtemps que je me suis débarrassé de ma libido. Normalement ils comprennent.


Journée mondiale sans événements.


Avant de me poser dans un café, j'ai un peu traîné ma silhouette dans les ruelles d'Ericeira. Il y a un moment, le matin, où les lampadaires décident qu'il y a assez de lumière; alors ils s'éteignent. Même chose, en « sens inverse », le soir. Un petit Rien, est tout à coup, c'est le jour; ou la nuit. Il semblerait que ce soit quelque chose d'aéRien.


Journée mondiale sans événements.


Pensées pour Gary dans le jardin botanique de Lisbonne, en passant près d'un séquoia. M'est revenu un passage de « La nuit sera calme ». Cet arbre immense lui procure une sensation de l'ordre de celle ressentie au bord de l'Océan, ce frère d'âme. Trente ans qu'il sera mort en décembre, le Romain. Il va sans doute être mis à toutes les sauces. Espérons simplement que cela donnera l'envie à certains d'aller y (re)voir, et qu'ils en sortiront avec le sentiment d'avoir vécu un moment spécial. Si Sarko en parle (il a bien réussi à mentionner Camus dans un de ses discours), je gagne une pizza (j'ai parié avec Céline). Si Sarko en parle, je me mets au vaudou, pis il va en chier le Nico. Non mais.


Journée mondiale sans événements.


Le WE dernier, différents journaux s'enthousiasmaient du fait que l'Allemagne, pour la première fois depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, a accepté en son sein une exposition sur Hitler et ses délires aRyens. Cela, analysaient les experts, n'aurait pas été possible il y a encore cinq ans. Dans le même temps, Angela Merkel faisait un discours dans lequel elle prétendait que la société multiculturelle avait prouvé qu'elle n'était pas possible. Ou à peu près. Ceci me tournait dans la tête pendant que je regardais le Real Madrid, mardi soir. Deux de ses principaux animateurs, au milieu de terrain, sont allemands. Leurs noms?!? Memet Özil et Samir Khedira. Le premier d'origine turc, le second tunisienne. J'aimerais bien que, du haut de leur statut et de leurs millions, ils prennent un jour position par rapport au tas d'inepties qu'on entend parfois sur le péril musulman. Ou qu'ils jouent de temps en temps avec un bandeau sur la bouche et une croix sur le cœur. J'aimerais voir l'écho de ce genre de non-événement.


Journée mondiale sans événements.


Découverte d'une librairie somptueuse dans le bairro alto. Sur le sachet dans lequel ils ont glissé mes acquisitons (« A sombra da memoria » d'Eugenio Andrade et un petit ouvrage bilingue: le texte de Voltaire sur le tremblement de terre de Lisbonne), figure cette citation d'Erasme: « Si vous avez peu d'argent, achetez des livres; s'il vous en reste un peu, achetez à manger. » Avec presque Rien s'offrir un avant-goût de presque Tout.


Journée mondiale sans événements.


Ce déblogage se voulait un lieu où plusieurs Rien pourraient déambuler en paix, l'air de rien, précisément. Je comptais y copier un extrait du dernier livre de Maryline Desbiolles, consacré à Zouc. Mais j'ai oublié, et la musaraigne est repartie pour Fribourg avec le livre. Alors si jamais, Anne, si t'as envie de nous l'écrire dans les commentaires, c'est tout à la fin, c'est un passage où elle explique que maîtriser la langue ne garantit Rien; et que pour écrire, elle devait accepter de ne plus être la première de la classe. Il me semble que pour vivre pleinement les Riens qui nous titillent, j'en ai un cortège, c'est la même chose.



jeudi, octobre 14, 2010

mardi, octobre 12, 2010



"Tu n'as pas réussi
A faire de tous les instants de ta vie
Un miracle.

Essaie encore."

Guillevic, Maintenant

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lundi, octobre 11, 2010

tout barbouillé de joie




Un café, un polar et un morceau de carton invitant les amis de l'église, ou les curieux, à y déposer de quoi lui permettre de se ravitailler; tranquille le gustion. Tellement peinard qu'il semblait sortir d'un rêve, du moins est-ce ce que je me suis dit, l'esprit encore (non-)sens dessus dessous par le zyeutage d'« Inception », le jour avant. Je m'en allais donc le pincer, histoire de voir de quoi il en retournait. Sur le point de lui choper un coin de peau, il a tourné tranquillement la tête dans ma direction:


« Dis donc, espèce de blaireau, si tu veux savoir si tu dors, c'est plutôt ton bras que tu devrais malmener, non?!? »


J'étais démasqué. Je lui ai présenté mes excuses les plus plates, on aurait dit une flamenküche anorexique, puis lui ai tendu des croissants.


« T'es pour la paix sociale, hein?!? Ton cadeau, tu peux te le planter au même endroit qu'on te met la retraite à 60 ans, non mais! »


Je les ai donc mangés, tout seul, tout déconfiture par son manque de délicatesse.


C'est « tout déconfit » qu'on dit.


Ouais?


Ouais.


Y a des jours comme ça.


Comme quoi?!?


« La beauté vient de l'abandon du refuge des formes anciennes pour l'incertitude du présent. »


C'est Mathias Enard qui a écrit ça dans « Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants »; un livre que je soupçonne d'être un exercice de style à même de lui gagner de nouveaux lecteurs. On peut déduire de cette affirmation que je ne l'ai pas aimé, eh bien ce serait erroné.


Hé hé hé.


« Et, plus que tout, le dessin, la blessure noire de l'encre, cette caresse crissant sur le grain du papier. »


Une autre petite louche, histoire de vous donner envie de remplir votre gamelle.


« Gamelle » est un mot qui me fait penser à Gargamel, j'ai passé une bonne partie de mon enfance à réaliser des défilés de Schtroumpfs dans ma chambre; et à « lugée » (probablement parce que « te tcheu c't'e gamelle! »), qui lui me remémore une sortie cavinesque - « Cavinesque » : mot devenu courant chez les étudiants passés par le Cessnov (une institution nord-vaudoise à la nocivité maintes fois prouvée), il renvoie aux propos d'un professeur de chimie, devenu avec le temps mi-tique/mi-saltimbanque; ses interventions étaient pour le moins acides, si vous m'autorisez la formule -. Jean-Christophe avait pour la première fois de l'année, peut-être de sa vie, osé répondre à une personne le malmenant. Il avait dit, très faiblement mais il avait réussi à extirper un son de son corps (objet difficile à qualifier): « non, j'étais allé luger » à Cavin qui lui demandait, lui rendant un travail catastrophique, s'il était allé skier, le jour avant l'interrogation.


Tout le monde s'était regardé. Avait-on bien entendu?!? J-C. avait répliqué quelque chose?!?


« Vous n'auriez pas dû vous déplacer pour cela, très cher, les lugées, vous les faites déjà chez nous. »


Voilà qui était emballé, pesé; envoyé. Au revoir, merci. Ils ne combattaient pas dans la même catégorie. Il y en avait un seul qui combattait, d'ailleurs, l'autre se débattait.


Et nous, lamentablement, on riait.


Ah ben bravo.


Je suis de nouveau lisboète depuis vendredi soir, je me suis tout barbouillé de joie en slalomant entre les souvenirs, ce week-end.


Hier matin, je suis allé courir au bord du Tage; les quelques kilomètres que je parcours ne sont pas franchement folichons.


Tout suintant, la respiration rendue difficile par des émanations dont il vaut probablement mieux que je ne connaisse pas la provenance, j'ai eu le privilège de lire ceci, sur une affiche:


« Il y a plus, dans la vie, que les promenades du dimanche. »


Il s'agissait d'une publicité pour une voiture.


Quel talent.


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vendredi, octobre 01, 2010

esquisser des audaces




Ils sont quatre, assis invariablement sur un banc, au terminus du tram; trois sont chapeautés, « bérêtés », même; le quatrième pense probablement l'être également. Mais non. Ils parlent, parfois; il arrive que quelqu'un qu'ils connaissent les salue. La plupart du temps, ils sont là, simplement, me remémorant mon incompréhension, enfant, quand je voyais, pendant les vacances en Tunisie, des personnes âgées passer l'intégralité de leurs journées au même endroit. Nous partions à la plage, le matin, ils étaient là; nous revenions en début de soirée, ils n'avaient pas bougé.


Je leur fais signe en passant, ils s'installent pour un moment dans mes ruelles cérébrales, ils s'inscrivent dans l'arrière-saison de mes regards, peu importe mon angle de vue; ils se superposent aux propos de Michel Lusseau, un géographe, au sujet du travail photographique de Depardon, il dit qu'il a un œil éminemment politique, parce qu'il interroge le fait de « trouver place », un des plus décisifs dans une existence humain.


« [...] Nos vies sont tendues entre « je traverse » ou « je prends place ». Le travail de Depardon est dans cette tension. Tout en montrant les lieux où prendre place, il nous invite à l'expérience de la traversée. »




Il cite aussi Perec: « Vivre, c'est passer d'un espace à un autre en essayant de ne pas se cogner. »




J'avais envie d'aller voir « Miel » ou « Poetry », cette semaine. Je suis allé jusqu'au cinéma Utopia, je me suis posé sur un banc situé devant le bâtiment, j'ai sorti « L'homme seul » d'Atxaga – un moment que je voulais me frotter aux basques de ce Basque -, mais j'ai vite préféré suivre les aventures de deux petites filles qui, sur cette placette, s'inventaient un univers en mutation permanente, se mettaient à genoux pour tenter de converser avec des moineaux, parlaient à de sympathiques fantômes grâce à une cabine téléphonique que la plus audacieuse atteignait sur la pointe des pieds, escaladaient une statue.



Il faisait bien trop beau pour me planter devant un écran, alors je suis rentré chez Maud et Pablo, j'ai rêvassé sous le figuier, puis suis allé courir vers Bègles-lac, espérant retrouver les gosses avec qui j'avais tapé dans le ballon le jour d'avant. Mais personne, donc petite sieste dans l'herbe.


Dimanche dernier, l'Atlantique, aidé par ses intrépides choristes, les vagues, nous hélait; nous avons donc mis le cap à l'ouest, nous avons dévalisé quelques arbousiers, en passant.


A marée basse, on peut, cueillant quelques reflets, marcher dans des coins de ciel qui fredonnent une mosaïque sur le sable. On peut aussi se faire surprendre par l'Océan, quand il décide de tirer de nouveau la langue en direction des terres. Pas d'autres choix, alors, que de se « désaquer », histoire de sauver ses pantalons et ce qui alourdit ses poches.




Une déculottée, c'est d'ailleurs ce que l'on a mis à nos adversaires, hier soir, avec Peyo l'inclassable. On leur a déplié notre panoplie d'amoureux du futsal: petits ponts, sombreros, une/deux, frappes instantanées,...


Traverser; prendre place; tresser des murmures; esquisser des audaces.




Je serai dimanche en fin de journée à Pau, nous allons papoter avec vue sur les Pyrénées, Céline, Louis, Thomas et moi.


Puis, dans la nuit de jeudi à vendredi, ce sera Lisbonne.


J'en suis déjà tout chose.


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