katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

vendredi, novembre 11, 2011

ça délire dans la tirelire







Bientôt dix ans – depuis que la TV et Radio Framboise ne font plus partie de mon quotidien – que je n'ai plus de slogans imposés à ma mémoire, ces « jingles » publicitaires qui pourrissent dans un coin de notre cerveau, générant un tapis moussu rendant plus difficile la ventilation du dit organe ; le voici « champignonné » par des envies se réalisant grâce aux sous-sous.



Il m'a suffi d'une journée dans un call-center pour avoir à nouveau une pleine platée de ces immondices s'accrochant dans ma caboche. Des choses du genre :



Et vos envies prennent vie.



ou, mieux encore :



Tout vous sourit, à la boîte à outils.



Dans mon premier travail suspendu au téléphone – je proposais des révisions de porte-feuilles d'assurances -, quand je n'en étais qu'aux prémisses de mes désillusions universitaires, je m'étais choisi un nom de scène, pour faire pseudo-pseudo, qui avait à voir avec ces pollutions mentales.



Bonjour c'est Mike sur radio Framboise



J'avais opté pour Mike Dupasquier, un pseudonyme alors que l'écriture n'était que projet latent – parce que ça a changé, maintenant ?!? - ; j'étais tombé, une fois, chez un gars qui était certain qu'on avait fait les 400 coups ensemble, voire plus. J'avais confirmé le délire du gustion, j'avais même ajouté quelques détails qu'il semblait malencontreusement avoir oubliés. Je lisais déjà Gary, eh oui ; et puis je n'allais pas refuser une amitié, même complètement fantasmée.



Réussi à faire de chaque phrase une petite aventure. Quelqu'un a dit cela, quelque part dans mes oreilles ; une citation dont la provenance m'échappe. Peu importe. Réussir à faire de chaque phrase une petite aventure. C'est tellement vrai que mes doigts, de trop se précipiter pour graver cette nécessité, trébuchent sur le clavier.



Parfois un mot, lors d'un appel pendant mes journées ultra chiantes, suffit à sauver la mise. La semaine dernière, un type d'une réception marchandise quelconque, qui avait un phrasé assez loin d'être châtié, m'a dit :



« Les palettes bleues ?!? Je vous rassure, elles ne me submergent pas. »



« Merci monsieur !!! »



« Pardon ?!? »



« Je vous remerciais juste pour cette attention langagière, j'ai envie de rester là-dessus, alors je vous salue. »



Tit tit tit.



C'était le téléphone que j'avais raccroché. Je précise, n'étant pas le roi de l'onomatopée ou du bruit familier dactylographié.



L'habitude de cheminer, au petit matin, avec des émissions rythmant mon déplacement, je l'ai remise au goût du jour. Et parfois, dans des endroits mettant à l'honneur le bleu d'avant le jour – j'ouvre alors grand la bouche et je l'engloutis sans demander mon leste-, le petit matin n'en est plus un, il grandit, grandit, grandit ; puis disparaît quand la lumière se fait plus pressante.



Wouawiwawou.



C'est le bruit quand on regarde la grenouille-matin se prendre pour un boeuf-soleil.



Et puis pour couronner le tout, et surtout pour me réconcilier avec Vivaldi, dont je ne pourrai plus jamais écouter les quatre saisons sans penser aux innombrables fois où j'aurai été mis en attente avec son printemps me couinant dans le récepteur, je me laissais porter par son Stabat Mater. Quelle puissance.



M'accompagnent, dans mes pérégrinations bureautiques, deux images :



  • une affiche d'Uzak, le film par lequel, il y a une dizaine d'années, j'avais découvert Nuri Bilge Ceylan ; des minutes où l'on se fond dans une certaine « saudade » stambouliote.

  • un marque-page sur lequel figure la silhouette d'un homme âgé, assis sur un muret, une cigarette à la main.



Ce n'est pas tant que ces images soient belles, c'est qu'elles recèlent une infinité d'histoires ; c'est indéniablement de cet appel d'air de l'imaginaire que j'ai besoin, à mon poste de travail. C'est une des ripostes que je tente d'opposer au réel.



Il est un écrivain dans les livres duquel les frontières entre rêve et réalité font souvent partie du corps, du défi du corps et de l'esprit.



Je l'ai vu. Même entendu. Depuis le temps que je le guettais aux alentours de Principe Real, j'avais presque déchanté. Mais le centre culturel de Belém a organisé une journée Antonio Tabucchi. Oh yeah. Il n'a pas dit grand chose. Il a écouté les magnifiques lectures précédant la projection de l'adaptation de son « Fil de l'horizon », puis, quand est venu son tour de prendre la parole, il a tenu à rendre hommage à deux être chers



ma chance, immense, c'est d'avoir eu

c'est d'avoir

de nombreux amis



le poète Carlos Drummond de Andrade, et le photographe Gérard Castello Lopes.



Il a expliqué également, clin-d'oeil au ramdam entourant la nouvelle réforme orthographique fraîchement en vigueur au Portugal, que l'accord avec une lange était spirituel, pas orthographique.



« Même les vaches, à l'écurie, connaissent leur place. »



C'est assez troublant le nombre de refrains de mon enfance qui surgissent pendant mes heures « robotisées ». Là, c'est une certaine psyco-rigidité de certains de mes collègues, très attachés au lieu où ils sont pourtant loin de paître et de méditer en regardant des trains, qui m'a remis dans le cervelet cette formulation chère à ma famille, du côté de Champagne.



« Même les vaches, à l'écurie, connaissent leur place.



C'était l'idée, la musique était différente. Parfois enjouée, d'autres fois moins bien disposée.



Beaucoup de personnes excédées, au bout du fil. J'ai failli écrire au bout du rouleau. Je crois que cela conviendrait également. Une dame m'a dit qu'elle se sentait harcelée par nos appels. Je la comprends, je lui donne raison. J'aurais bien aimé lui envoyer « L'affaire homme » de Gary, mais c'était un peu compliqué. J'aurais peut-être dû essayer de lui parler de vaches et d'écuries, de ma grand-maman aussi. Je lui aurais dit qu'à Champagne coule l'Arnon, une rivière qui met de nouveau la vie de notre côté. Encore davantage vers son embouchure. A eux deux, avec le lac de Neuchâtel, ils effacent tout, pour mieux le récrire avec nos mots secrets.



Tout vous sourit, à la boîte à outils.



Et pour justifier 43 secondes de retard, le matin, j'écris quoi, puisqu'il s'agit de tout justifier ?!? Que j'ai vu un pigeon mort sur un trottoir et que cela m'a freiné dans mon élan ?!?



J'en croise beaucoup, ceci dit, suffisamment pour être en démesure d'écrire un petit traité sur le trépas de ces animaux dégénérés. Je le commencerai par l'éclaircissement d'une des questions existentielles de Paul. Ce brave homme n'avait jamais vu de bébé pigeon, ce qui, par respect et admiration du cycle de la vie, le troublait beaucoup. Il n'avait rencontré personne pouvant lui dire que si, ces petits existaient.



Eh bien dorénavant moi oui. Il y e avait un, sous le toit de Rubens et Maria. Un artiste en devenir qui, à proximité de son postérieur, leur a façonné une fresque excrémentielle du plus impressionnant acabit. On aurait dit, la couleur en moins, ce que Miquel Barcelo a réalisé dans la Coupole du Palais des Nations, à Genève.



Une proposition a été envoyée au premier ministre portugais, peut-être que les politiciens d'ici, à force de parler de la dette, se sentiraient plus en phase s'ils étaient entourés de déjections n'étant pas le fait de la spéculation. Ils comprendraient mieux ce mot important : organique.


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samedi, novembre 05, 2011