82 minutes qui cernent parfaitement une partie de la palette d’interrogations qui tempêtent dans mon crâne, une valse de rires et de larmes puisant aux sources de l’essentiel qui illustre à merveille ce que l’écriture, cette quête inépuisable, représente pour moi.
Heimatklänge.
Depuis que je suis allé voir ce documentaire, lundi dernier, tout ce que j’ai vu, lu ou entendu semble y faire écho, de près ou de loin. Ce qui est d’ailleurs la meilleure définition que je puisse donner de l’essentiel : une force qui palpite dans tout ce que le cœur embrasse.
J’y pensais lorsqu’une jeune fille m’a demandé si j’étais argentin, lorsque ma maman me parlait de son enfance, lorsque je jouais au foot (espérant secrètement que c’est là, improvisant d’envoûtants tangos balle aux pieds, que je ressemble le plus à un argentin), lorsque je lisais le nouveau livre de Richard Millet, chargé de ressentiments mais aussi d’interpellations indispensables, lorsque je déambulais au marché, lorsque je saluais la vieille dame (vietnamienne ?!?) qui habite au début de ma rue, avec qui je n’ai jamais parlé mais dont le signe discret de la main me manque lorsqu’il ne m’est pas adressé.
J’y ai fortement pensé, et c’est là que je me suis dit qu’il fallait que je démêle cela sur le papier, en parcourant l’article que « Libération » a consacré à Carl Bernstein, le journaliste qui, avec son frère de plume Bob Woodward, avait révélé le Watergate, faisant ainsi chuter Nixon.
Bernstein est en France pour la promotion de son livre « Hillary Clinton, une femme en marche », une biographie commencée avant qu’il ne soit question de sa candidature à la maison blanche. Après avoir fait part de sa grande antipathie envers Bush, il parle de « la presse [qui] aujourd’hui ne fait pas son travail », consacrant le triomphe de « la peoplisation, le commérage, la controverse fabriquée. » Jusque là rien de bien nouveau, je vous l’accorde, même si c’est transpirant d’une vérité qui m’agace, c’est la dernière phrase qui m’a titillé : « […] nous sommes dans la presse du plus petit dénominateur commun ».
Je crois qu’on ne peut pas expliquer de manière plus juste cette citation de Nabokov qui m’obsède depuis quelque temps : « La curiosité est la forme la plus pure d’insoumission», et, par extension, ce que j’ai adoré dans « Heimatklänge ». Ce documentaire, pour moi, la formation intérieure de ses trois protagonistes, c’est exactement cela, la curiosité, donc la recherche de soi, des autres, le besoin de savoir ce qui brûle en nous, enflammé par une infinité de possibles ; mais ici et maintenant, deux détails essentiels qu’il est souvent difficile de considérer à l’ère de la toute-puissance de l’image. Ici et maintenant. Donc loin de ce « plus petit dénominateur commun » qui est partout / tout le temps et qui uniformise même quand il vante la différence.
Refuser absolument de se contenter de ce que l’on nous sert sur un plateau, refuser le « prêt-à-penser », s’autoriser le temps de la réflexion, s’autoriser un « je ne sais pas » ; pas encore ; peut-être jamais, mais j’y réfléchis, oh oui, j’y réfléchis.
Je laisse le mot de la fin à Foglia :
« Je termine par une parenthèse qui n’a rien à voir, juste vous dire attention, ne confondez morale sociale et éthique globale. Ça, de l’éthique globale, c’est pas ce qui manque, y’en a plein partout ces jours-ci, en particulier sur le passage de la flamme olympique. L’éthique globale, c’est cette capacité à se mobiliser pour des causes lointaines, à épouser des religions lointaines. En fait je soupçonne que l’éthique globale, comme les habits pour hommes, comme les jouets et les toasters est désormais manufacturée en Asie. »
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