"Le ruisseau ne chante jamais
faux, c'est de cela que je me suis rendu compte au bout d'un moment.
J'étais là, dans ce coin de forêt que j'entretiens depuis des
années, je m'étais arrêté pour écouter, parce que j'avais
l'impression que quelque chose m'appelait. C'était le ruisseau, dont
la course frémissait des notes parfaites. Je me suis alors amusé à
déplacer des cailloux, à en ajouter d'autres, à faire toute sorte
de choses pour contrarier son cours. Mais c'était peine perdue, ou
plutôt joie gagnée, par lui, quoique je fasse: le ruisseau ne
chante jamais faux."
Il m'a glissé
ensuite, en souriant, que c'était désormais au bord de l'eau qu'il
allait venir accorder sa guitare.
La discussion avait
commencé quand il m'a demandé pourquoi j'avais choisi tel livre
d'enfants pour mon neveu. J'en avais aimé les illustrations, et la
"leçon". Dans une forêt où les animaux les plus petits
en ont marre d'être embêtés par les plus grands, voilà qu'un
matin, les rapports de tailles sont inversés. Cela demeure le temps
pour les grands de constater que leur comportement n'est pas toujours
des plus charmants, et ainsi, quand tout rentre dans l'ordre, les
rapports deviennent cordiaux.
"J'aime bien savoir pourquoi
mes clients optent pour tel livre plutôt que pour tel autre, comme
ça mon fond se constitue d'ouvrages qui me sont chers, et
d'histoires que l'on ma racontées."
Comme Giono était
entré dans la discussion, je suis parti en lui proposant un titre
pour une nouvelle dont il aurait été l'anti-héros: "L'homme
qui parlait à l'oreille de sa guitare alors qu'au milieu coulait
une rivière".
Un peu long?!? Vous aimez mieux "Water
guitar"?!?
Samedi nuit, alors
que je cheminais dans le froid jusque chez moi, les étoiles de
minuit me parlaient d'un deuxième jour de décembre ensoleillé. Il
n'en fût rien. Tout du moins le matin. Le ciel marquait à sa
manière la mémoire du tirer de rideau de Gary, il y a 32 ans. Snow
day for Romain, près de trois ans après que Montréal a été ensevelie sous le blanc pendant plusieurs jours, sans interruption,
quand Lhasa a arrêté de respirer.
Dimanche,
traversant le pont de Pérolles, la neige se confondait avec la fumée
d'une usine, un milan royal profitait des courants thermiques pour
aller défier les flocons de plus haut. C'étaient comme des cendres
qui s'éparpillaient dans mon champ d'inaction. Un feu s'était
éteint, la météo avait soufflé sur le foyer, libérant des
confettis de souvenirs.
A présent:
collecter à nouveau du petit bois, empiler suffisamment de grosses
bûches, rallumer la cheminée, mieux.
Faire sécher mes
chaussettes, pour soulager mes pieds forts sollicités.
Faire danser mes
mains dans le souffle des flammes, pour dessiner une chorégraphie de
rires dans l'étirement des ombres.
Retourner marcher,
léger, le souffle émoustillé par l'humble ballet de tout ce qui
est négligé.
1 Comments:
" Le ciel marquait à sa manière la mémoire du ìtirer de rideau de Gary il y a 32 ans.
Snow day for Romain-"
"La neige ,la bonne neige ...
( Education Européenne 1946.R Gary )
Merci ,Karim
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