katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

samedi, mars 17, 2007

Cela faisait longtemps...

Avec un titre pareil, je mentirais si je disais que ma curiosité n’a pas été titillée : « Zürich, ou les rêves fous d’une cité qui déborde de dynamisme. ».

Mais j’ai vite dû déchanter, il ne s’agit que d’un nouveau centre commercial, un endroit encore plus tout, wellness, discothèque, espace religieux (oui, oui, vous avez bien lu),…, le principe est le suivant : « miser sur la synergie pour permettre au client ou au locataire de combler tous ses désirs autour de la place centrale ».

Si c’est pas mignon.

Hier, dans le train, je discutais avec une des bibliothécaires de Fribourg, elle a été charmée un jour par mon petit sac à main, « très féminin », cela lui a fait plaisir qu’un homme « assume d’être accompagné par un tel objet ». Merci madame. Dans un livre, j’aurais pu imaginer être un personnage un peu désagréable et répondre quelque chose comme « Et vous ? Vous assumez comment de n’être accompagnée par personne ? ». Il y a beaucoup plus de rebondissements avec les héros un peu antipathiques. Je ne compte plus le nombre de fois, gamin, où j’ai regardé les Die Hard et Le dernier samaritain avec Bruce Willis saupoudré d’un cynisme élevé au rang d’art suprême.

J’ai croisé cette jeune fille par hasard, elle partait fêté une licence à Genève avec d’autres amies. Nous avons un peu bavardé, elle m’a servi le lot des craintes habituelles sur l’éternelle étudiante qui va bientôt devoir « rentrer dans le système », à quoi j’ai répondu que ma vie se proposait précisément d’être une démonstration que tout ceci, la peur permanente de tout, indifféremment, le besoin de sécurité, les risques terribles liés au marché du travail, ne sont, dans un pays comme la Suisse, avec un réseau comme le nôtre et des ressources personnelles à stimuler en permanence, que des chimères.

« En fait tu es un poète », m’a-t-elle répondu, manifestement très contente, commençant à me réciter des vers de Rimbaud. « Tu dois te priver de beaucoup de choses »…

Là je préfère de ne pas écrire ce qu’aurait rétorqué le personnage antipathique.

J’ai pensé à elle, ce matin, pas parce qu’on est pas sérieux à 17 ans et que je ne sais pas encore quand je vais le avoir, ces 17 ans, mais parce que le maire de la ville de Zürich a expliqué que le projet du nouveau culte consumériste en gestation est possible parce que « nous traversons une période d’optimisme, il est donc bienvenu de se tourner vers le futur ».

Elle avait raison, je suis à côté de la plaque, tout va bien dans le pays de la fondue et du chocolat.

Ma maman m’a écrit hier pour me dire que mes photos sont jolies, que je devrais faire une expo, ben voyons, plutôt au marché pascal de Bottens ou à la foire du slip à Vugelles ?

Elle a ajouté que mes textes lui manquaient, alors aujourd’hui je tire un peu en longueur, juste pour lui faire plaisir.

Demain s’ouvre à Fribourg le festival international du film, des projections venues d’un peu partout. En ouverture, « Darat », film du réalisateur tchadien Mahamet-Saleh Haroun, interrogé aujourd’hui dans « Le Temps » :

« Avez-vous été choqué quand, débarquant à Paris, vous avez vu que beaucoup de réalisateurs occidentaux s’amusent avec le cinéma ?

Ca m’a frappé. D’autant que certains cinéastes osent se vanter de ne pas avoir de message ! C’est un luxe et un schéma de pensée de personnes incroyablement opulentes. »


Cela a titillé plusieurs choses en moi, tout d’abord une évocation de, excusez mon côté vieux con, l’art contemporain, j’ai de nouveau été confronté à plusieurs productions géniales cette semaine, j’ai eu beaucoup de peine à me contenir ; secondement, ben voyons, un élément qui me tient bien plus à cœur, la parution de la nouvelle édition de Gros-Câlin de Gary/Ajar, magistralement présentée par Jean-François Hangouët.

Dans l’avertissement, il cite ce passage de Gary expliquant pourquoi il avait accepté « avec cette humilité généreuse qui le caractérise, à l’opposé de toutes les pédanteries d’auteur », les coupes souhaitées par l’éditeur :

« […] il est vrai que son côté « positif », son côté « message », lorsque mon personnage, transformé en python, est porté à la tribune du meeting écologique, n’était pas dans le ton du reste. »

Sentimentalisme et "messages" n’ont pas bonne presse, c’est dommage lorsque l’on voit fleurir, à toutes les sauces, des expressions aussi pertinentes qu’ayatollah de l’environnement ou intégriste de la culture.

On peut être d’excellente famille et se laisser aller à ces usages plutôt douteux de la langue française, ce qui me donne envie d’actualiser certains termes que je goûte particulièrement, cela suivant le même schéma un peu simpliste.

Cela pourrait donner quelque chose comme fiscaliste du social ou, pourquoi pas, courtier du féminisme.

Mon fil conducteur est bien mystérieux aujourd’hui, je vous l’accorde, c’est que je suis encore envoûté par un superbe article sur la nouvelle génération du jazz romand, qui, « si elle existe, ne dit ni la Suisse, ni vraiment le terroir, mais une certaine forme d’insolence nomade ».

Voilà qui me cerne sans doute mieux que le terme de poète, c’est marrant vu que je ne suis même pas sûr de tenir un instrument du bon côté si on me le tend sans précisions supplémentaires.

Grégoire Maret joue de l’harmonica, je n’ai pas la place pour copier tous les musiciens de génie avec qui il a travaillé, mais, d’abord, il a accumulé les baffes, « parce qu’il ne ressemblait ni à un Noir, ni à un Blanc, ni à rien de connu ».

« Quand on demande un jour à Pat Metheny (l’homme au monde qui vend sans doute le plus d’album jazz) pourquoi il avait engagé un harmoniciste pour la tournée de son album The Way Up, il répond qu’il ne voulait pas d’harmonica, mais qu’il voulait Grégoire Maret. »

C’est plutôt encourageant, lorsque, comme Gary, on cultive sa « bâtardise », et qu’on se retrouve, un jour, adulé précisément pour cette absence d’origines distinctes, cette multitude d’identités fuyantes.

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3 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Clé a dit:
Je te trouve bien dur pour ta vieille mère qui ne fait que relever tes dons artistiques. En fait, on pourrait faire une exposition commune à Trifouilly les Oies: tes photos avec ma peinture sur soie, mes aquarelles et mes divers dessins campagnards... Bisous

17 mars, 2007 14:08  
Anonymous Anonyme said...

Je suis d'accord avec ta maman! Elles sont excellentes tes photos, pouquoi ne pas les présentés aux rencontres de l'aventure à Bulle, sous le titre par exemple d':

Aventure Urbaine...

Allez on se voit au fiff, a bient!

18 mars, 2007 23:54  
Anonymous Anonyme said...

Je suis d'accord avec ta maman! Elles sont excellentes tes photos, pouquoi ne pas les présentés aux rencontres de l'aventure à Bulle, sous le titre par exemple:

Aventure urbaine...

Allez on se voit au fiff, a bient!

18 mars, 2007 23:57  

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