« Traduire
n'est pas une simple opération linguistique. C'est d'abord une forme
d'engagement, une confrontation sur un sol nouveau avec une patrie
qui ne sera jamais tout à fait la nôtre. Mais en nous déportant
dans l'autre langue d'une œuvre nous apprenons alors que nous
n'étions d'aucun sol particulier, d'aucune patrie. Traduire, et
retraduire, est une nécessité pour nous sauver, collectivement et
individuellement, de l'oubli dans lequel nous sommes. Nous sommes
oubliés des œuvres et de leurs langues. Les retraduire c'est
réveiller leur mémoire de langage. Leur dire nous sommes là nous
aussi, et faire en sorte que nous puissions nous entendre. Leur faire
dire : faites-vous entendre en nous, réveillez-nous, je vous
prends dans mes mots, dans ma langue imparfaite et inachevée ».
Frédéric
Boyer, préface de William Shakespeare, Sonnets,
P.O.L, 2010, p. 11.
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