katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

lundi, septembre 05, 2011

je fleuve






Pigeon, à hauteur de toit, ou hirondelle, quelques étages plus loin, je ne sais, mais, provenant de l'un deux, un timbre organique s'est esclaffé sur le coin supérieur du livre que je parcourais ; porte-bonheur manquant de couleurs, pas d'odeur.



Ceci, bien que fort peu élégant, n'en a pas moins manqué de m'enchanter ; on se choisit les signes et les superstitions qui nous arrangent, sans doute y a-t-il de cela.



Sur la page meublant mon attente, il était notamment question d'une photo sur laquelle un sourire ancien n'est plus adressé à personne. Je l'ai fait mien, sans hésiter.



Chapardeur de sourires ?!? Je signe.



J'étais posé sur les escaliers de l'église sise à la place du petit Dieu, en face de l'immeuble où se trouve notre nouvel appartement ; un monsieur devait venir faire en sorte que nous puissions avoir de l'eau.



Le popotin d'un animal ailé m'ayant donné le signal, je suis monté jusqu'à notre petit royaume, qui se trouve au quatrième étage ; notre chambre donne sur le Tage.



La ville me dévalait la colonne vertébrale, rebondissait sur le sol pour mieux se loger dans mon ventre. Je serai bien, ici, pour écrire ; très bien. Le lever du soleil va s'étendre à l'horizon, il n'y aura qu'à bien se caler dans une chaise pour en profiter ; puis le coucher qui illuminera la partie orientale de la ville, que nous toisons. L'envie aussi d'aller découvrir ces zones inconnues, sur l'autre rive.



O Rio ; le fleuve.



Eu rio : je ris.



« Et c'est ici que revient l'eau, l'étrange être de l'eau dans sa figure mobile : s'écoulant toujours et demeurant toujours, même en crue, comme une vivante image du temps, et la plus simple, la plus immédiate aussi, la rivière semble, alors même qu'elle s'efface sans fin, prendre en charge tout le passé écoulé et réussir le prodige de confondre en un seul raccourci toutes le dimensions du temps – amont et aval existant simultanément au lieu où l'on s'arrête pour prendre la mesure du flux. Ces arrêts ont partout le même sens, la même vertu – une ouverture métaphysique gratis, une fraîcheur, le plus souvent, et une dilatation. »



J'arrive gentiment au bout du dernier ouvrage de Jean-Christophe Bailly, « Le dépaysement », un livre de haute facture, où une subjectivité tendre et érudite part sur les traces d'un pays, de son Histoire, de ses limites et de ce qui le traverse; pour voir si cela tient encore la route, de dire la France et de penser que cela renvoie à quelque chose de plus ou moins précis.



C'est un peu ce que je fais ici, le savoir encyclopédique en moins. Bailly part d'un sentiment de la provenance, vécu alors qu'il ne s'y attendait pas. Pour ma part, c'est une sensation de proximité dans les tonalités intérieurs, qui m'a fait élire domicile ici. Ces derniers jours, j'ai à nouveau senti combien j'ai Lisbonne dans la peau. Une fois que le détail technique susmentionné avait été réglé, que nos robinets répondaient à chaque sollicitation, je suis allé papillonner. L'après-midi cédait ses droits à la soirée, moment où la lumière rend chaque façade tellement belle qu'on en oublie ses pieds. J'avais déjà eu droit à quelques déjections célestes, je n'étais de toute manière pas à ça près.



Comment ?!? Non, je n'ai pas trouvé de trèfle à quatre feuilles entre deux pavés, pas d'avantage de fer à cheval dans la gueule d'un chien.



Nous sommes tout juste entrés dans septembre, à pas feutrés, mais c'est déjà une autre lumière, une autre atmosphère.



Comment ?!? C'est dans ma tête, tout ça ?!?



Forcément, où d'autre ?!?



Le plus merveilleux, c'est quand la part informulable de ces secousses intérieures, quelle que soit leur nature, parvient à se dévoiler dans les mouvements choisis du corps.



Je suis allé voir « Pina », de Wim Wenders. J'ai des frissons rien que de vous l'écrire. Pour en parler, je pourrais reprendre mon déblogage précédent, et enlever tous les bémols.



J'ajouterais aussi cette scène muette, aperçue hier en rentrant de mes retrouvailles avec la cinémathèque :



Dans un immense panneau publicitaire bordant l'avenue de la liberté, un clochard, d'un âge plus que respectable, inspectait son reflet, tentant de redonner un minimum de tenue à ses cheveux rebelles. Son lit, composé de deux cartons, était à quelques mètres ; deux sacs posés dessus, pour pas qu'il ne s'envole.



Il m'a semblé y distinguer une peluche et des dessins.

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1 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Comme tu le sais, j'ai souvent un train de retard, mais à chaque fois que je me plonge dans tes blogs, je ne peux m'empêcher de revenir aux précédents, car tes lignes m'enchantent toujours.
Donc, dans ton blog précédent, tu parles d'un film que tu as vu, ce qui m'a fait penser au dernier que j'ai regardé: "La tête en friche", avec un Depardieu intéressant, car pas tel que celui dont on a l'habitude. Si tu en as l'occasion, je pense qu'il te plairait beaucoup...
A bientôt dans ton prochain texte, avec tes musiques que je découvre toujours avec le plus grand intérêt.
Clé

07 septembre, 2011 10:40  

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