katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

dimanche, juillet 31, 2011

dans un angle de l'autre monde










Première escale à Le Donjon où, j'étais heureux de l'apprendre, ont vécu deux des compagnons d'exil de Victor Hugo. A Guernesey, il y a même un des deux, médecin humaniste selon l'appellation consacrée, qui a guéri Victor Hugo d'un anthrax dans le dos – vraisemblablement pas contracté après avoir ouvert une enveloppe envoyée par des terroristes, mais cela permet de constater que la maladie du charbon sait être dans le coup - dont tous le croyaient condamné.



« Je dirai sauvé si Dieu n'avait pas été là pour vous aider. »



C'est le grand Victor qui ajoute ceci, dans une lettre au monsieur susmentionné, nommé Terrier. Un nom qui n'est pas à coucher dehors, mais plutôt à abriter des renards ou des lièvres, ce qui lui confère un appréciable charme forestier. Ceci me fait penser à Ouest, le roman de François Vallejo ; on y croise un garde-chasse et son maître, dont le rêve est de rejoindre Hugo dans sa demeure sur l'Océan.



On ne nous raconte pas, quand on nous parle de l'auteur des Misérables à l'école, qu'il s'est adonné, sur l'île où l'ont envoyé bouder Napoléon III et la reine Victoria, à de nombreuses séances de spiritisme. Il y convoquait, notamment, Jésus et Mahomet. Excusez du peu.



Peut-être ce grand homme aurait-il pu, grâce à ces connexions avec l'au-delà, régler à lui tout seul les problèmes entre descendants du prophète Mohamed. Plus de déchirements entre sunnites et chiites par l'entremise de la table d'un auteur engagé. Voilà qui en aurait jeté.



Notre route devait nous mener jusque dans le Lot, ce qu'elle a fait, avec une étape à Tulle ; presque deux ans que je n'avais pas vu Pierre Landry. Il est toujours là, Éloge des voyages insensés est encore à l'entrée, « le plus beau livre du monde » écrit juste en dessous. On avait deux heures pour s'étinceller les yeux. On a savouré la paume de chaque minute tendue.



Nous nous déplacions dans ces parages pour une réunion de famille de la musaraigne. Un rassemblement au bord de la Dordogne, sous l'hospice d'un chêne plusieurs fois centenaires. Un doyen qui a été vrillé par la foudre plusieurs fois ; il n'a presque pas bronché.



Après le week-end, on a mis le cap sur Toulouse. Arrivés dans la délicieuse barre d'immeubles encastrant les Arènes, nous avons été accueillis par quelques objets étranges occupant des places de stationnement. Il semblerait que, si l'on fait fonctionner un peu sa capacité de reconstitution mentale, l'on parvient à y deviner des voitures. Ce sont les impacts de balles, dans la cage d'escaliers de nos hôtes, qui me l'ont affirmé. Très bien très bien.



Sur la porte d'entrée, une affichette m'a permis d'ajouter un mot riche de possibles à mon vocabulaire, c'était l'annonce d'un épaviste. Epaviste. Tout un monde imaginaire qui s'ouvre alors.



Lors de la première matinée que nous souhaitions studieuse, nous avons vu notre reflet persister quand nous nous sommes approchés de la vitre de la médiathèque. Motif : l'endroit ouvrait à 10h. On s'est donc éloignés pour cherche un petit café, que l'on a trouvé non loin du Canal du Midi. Il se trouvait sur l'Avenue du Cimetière. Vous imaginez bien que je n'ai pas tenu longtemps avant d'aller visiter mon lieu de villégiature préféré.



Zyeutant le plan d'icelui, je constatai deux parties principales, Terre Cabade et Salonique, ponctuées par une zone au doux nom surprenant : Anciennes écuries affectées au « Chat libre ». Vous en avez beaucoup des comme ça ?!? ai-je demandé au type qui roupillait à moitié, à l'entrée. Il m'a répondu que non, sans se démonter le moins du monde, puis a regagné derechef son état comateux. Sur quoi je me suis engagé dans le couloir principal, balançant ma tête de gauche et de droite pour profiter pleinement de ce musée à ciel ouvert.



Scrutant un imposant caveau funéraire, j'ai aperçu l'inscription suivsante : "A bientôt". C'était bien agréable, cette simplicité et cette évidence dans la formulation ; je ne pouvais que répondre : « Tchô bonne ! »



Je ne sais pas si c'est cette irrévérence qui m'a valu d'être attaqué par les moustiques, dans les toilettes datant d'il y a deux siècles, mais ils s'en sont donné à cœur joie. Ma pilosité exagérée n'a par réussi à me garder de leurs attaques, ce qui me vaut désormais des marques de piqûres qui sont presque d'outre-tombe. A la bonne heure !



Après un moment à slalomer d'un défunt à l'autre, je me suis dirigé vers la sortie, vraisemblablement plutôt discrètement puisque j'ai fait sursauter le sosie de Beckett, qui promenait un arrosoir. Le brave homme n'a jamais daigné répondre à mon salut, probablement ne m'avait-il pas trouvé suffisamment absurde. A moins que ce soit le contraire.



A bientôt, et sur d'autres : concession à perpétuité. Cela rime trop avec prison, à mon goût. J'opte pour le premier, peu importe que je sois un jour inhumé ou pas.



Je devine mes grands-pères, à qui j'ai dit « Tchô bonne et à bientôt » quand ils se sont fondus dans le bleu, assis dans un angle de l'autre monde, en train de débattre à propos de tout ; je les vois déjà se retourner à mon approche ; je les entends d'ici :



Ah ben c'est pas trop tôt!

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