katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

vendredi, avril 25, 2008

Baiser émietté

M’étant rendu compte, réfugié au Café de la Marionnette, que ma pressante envie de salade allait se trouver contrariée par le fait que j’étais désargenté, je décidais de m’éclipser discrètement, laissant en l’état le chantier en quoi j’avais transformé ma charmante petite table.

Alors que je marchais à la recherche de quelques pièces perdues, tout content de mon évaporation, un mot s’en est venu papillonner à ma suite : Songe.

S’inscrivant aussi bien à l’orée de mes oreilles que dans le miroitement de mes pupilles, il se décomposait alors en deux pétales brûlants : Sang et Ange.

Je les laissais infuser dans la théière de mes rêveries, ne pouvant m’empêcher de sentir à l’œuvre un des aspects éclatants de l’écriture, cette possibilité offerte, en permanence, de cristalliser ce qui ennuage le ciel de ses pensées, de donner à voir les ailes et les blessures qui se cachent sous un mot, sous ce mot : Songe.

Une pâte à modeler qui permet de façonner les figurines qui peuplent vos nuits, puis de les déposer sur le rebord de la fenêtre donnant sur votre cour intérieure.

Un bourdon sans vie, allongé entre deux pavés, petite peluche impeccable donnant l’impression d’avoir été empaillée ; l’attroupement provoqué, sous le pont du milieu, par un morceau de pain lancé à un canard égaré ; les intermittences du soleil ; la personne âgée qui avançait à peine, souriant, une « pizza à l’emporter » dans les mains.

J’aime aussi me persuader qu’écrire consiste à consacrer la victoire de ces images sur celles, étouffantes, des prétendus rois de l’éloquence qui déferlent sur les écrans, de la marée (ou de l’armée, à choix) automobile, des téléphone qui semblent « piercés » tant ils ne se détachent que rarement des têtes dépensantes.

Ecrire, pour moi, c’est espérer très fort être ce petit bout de pain, hasardé dans la Sarine, provoquant un léger trouble à la surface de l’eau, attirant quelques curieux, puis disparaissant après avoir constitué un bref instant de grâce, sur la langue, autour de la langue.

Etre un minuscule baiser émietté de mots savoureux.

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1 Comments:

Blogger Les TAC said...

Un mot me vient à vous lire :
exquis.
Merci pour ces précises délices.

30 avril, 2008 23:42  

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