Je suis en équilibre près de la fenêtre, la bougie, qui a pour joyeuse mission de maintenir chaude la théière « chipée » à ma grand-maman, me sourit, semblant se demander à quoi je joue, jonglant avec les livres qui m’entourent.
Ils forment une tente de mots dont la toile est perpétuellement en mouvement, dont les sardines, taquines, sortent de terre pour me confectionner des chignons fous.
A ma droite, la première partie du « Journal » de Gustave Roud qu’un bouquiniste fribourgeois m’a presque donné, la semaine dernière, tout étonné qu’un jeune homme puisse vouloir faire pareille acquisition ; mieux, qu’il se soit presque assommé au plafond lorsqu’il a aperçu les deux ouvrages.
« 25. VI. 18
je n’ai rien voulu dire, il y a quelques heures, de ce soleil tout proche de moi et que de temps à autre ma main caressait comme une chose vivante, ni de ces chars craquants aux routes avec l’éclat soudain d’une voix vigoureuse, ni de ces champs nus où des corps submergés d’une épaisse lumière se penchaient et se redressaient, les bras soulevés. »
A ma gauche, reçu hier de Montréal par la grâce de Benoît, « Le Monde sur le flanc de la truite » de Robert Lalonde :
« Quand on écrit, et si on écrit vraiment, avec tout son corps, comme un peintre-danseur, si on lutte amoureusement avec les phrases, on trouve. Quelque chose qui ressemble à ce qu’on cherchait, qui est à la fois plus et moins que ce qu’on voulait, mais qui peut drôlement faire l’affaire, si ça s’installe bien et nous permet d’avancer. »
Entre les deux, les trois volumes qui composent mon « Dictionnaire Quillet de la langue française » de 1946.
Là-dessous, s’imprégnant de toute cette fraîcheur, aimant se reposer dans les flaques de douceur formées par ces ombres d’encre, un petit bonhomme se rêve jardinier des mots.
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1 Comments:
Alors glissez donc discrètement au jardinier, voulez-vous (surtout ne pas l'éveiller tout à fait), qu'on visite volontiers son potager, son carré d'herbes aromatiques et son fruitier.
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