katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

mercredi, septembre 09, 2009

lecture en plan

"Serrallac but une gorgée de café en observant le souvenir, qu'on regarde toujours en silence."

Cette phrase tout juste achevée, j'ai laissé ma lecture en plan pour écouter l'averse de larmes qui jaillit de la fenêtre. Un petit garçon dit qu'il veut que son papa revienne, il n'est pas d'accord que ses parents se séparent.

Sa maman tente de contenir cette tristesse énorme, propose de téléphoner.

"Non", il répond, "je t'ai déjà dit que je pleure encore plus, après".

"Je suis perdu", soupire-t-il.

L'altitude de ce bonhomme? Cinq ans.

Cinq ans.

Cinq ans.

Je sais, l'écrire dix fois ne le fera pas vieillir, ni pleurer moins.

Mais après ça, je suis incapable de reprendre ma lecture, alors je me débarrasse comme je peux; pis ça ne marche même pas, je sens qu'il va venir flotter dans mes rêves, ce petiot.

Merde, à cinq ans, dire "je suis perdu", moi ça me met dans tous mes états.

J'ai fait le poirier un moment, pour voir si à l'envers me venait une idée qui l'aiderait à se retrouver.

Ben non, j'ai juste eu l'air d'un guignol avec des cheveux trop longs; ou d'un blaireau qui se prend pour une autruche.

Mon petit frère, une fois que je lui demandais ce qu'il entendait par "un type paumé", m'avait répondu, "ben un gars qui ne sait même pas où il est"; logique, en fait.

"Serrallac but une gorgée de café en observant le souvenir, qu'on regarde toujours en silence."

Peut-être que de passer la journée à entendre des personnes parlant comme des charretiers me rend plus sensible à cette scène si banale, de par chez nous; peut-être qu'en fait, c'est précisément quand on sait où on est, mais qu'on ne cesse pas de s'en émouvoir, qu'on se sent parfois paumé devant une certaine indifférence feutrée, ou face à une grossièreté toujours déplacée.

Bon, je vais aller zyeuter le foot, la magie du ballon me redonnera du mordant;

Et au passage, le bouquin, parce que c'est un sacré bouquin, "Les voix du pamano", de Jaume Cabre.

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3 Comments:

Blogger Alexandre said...

N'est-il pas l'abandonné moderne, ce gosse? Celui qui, au fil des années, souffrira d'un malheur trop répandu. Comment vivra-t-il cette séparation douloureuse? Perdu, à cet âge. Plus jamais il ne saura sourire devant son père. Plus une seule accolade masculine, perte de l'exemple.

Comment y survivra-t-il sans blessure? Quelle peur lorsqu'on lit ce genre d'histoire. Je suis troublé par cette anecdote.

Heureusement que ta playlist me rend les pensées claires. En particulier Lamb, Clare & The Reasons et Terence Blanchard qui illumine telle Luciole ce sombre destin d'enfant à qui on a volé une part de lui.

Bon après-midi l'ami!

11 septembre, 2009 12:53  
Blogger Unknown said...

Bel article! Et je t'avoue - presque honteusement - qu'aujourd'hui je suis sur ton blog toute la journée, rien que pour la musique!

11 septembre, 2009 16:56  
Anonymous Denise said...

Bulle de tendresse pour l'article et l'émotion vivante qui s'en dégage... partagée ;-)
Et puis, on a bouclé notre traversée un peu plus vite que prévu... et quelle surprise à la gare d'Yverdon, parents et famille de Baptiste à l'accueil...avec les 3 gnomes...parfois je me demande aussi comment c'est dans leur tête, si ça va... mais ce que je sais c'est qu'ils sont plein de vie...et aussi qu'ils en loupent pas une: "t'as une grosse barbe, on dirait un grand-père" et " t'as mis des habits de clown?", j'adore la spontanéité des gnomes ;-)... mais encore qu'ils aiment qu'on leur lise des livres, alors j'espère que c'est pas perdu pour le pouvoir des histoires et de l'imaginaire ;-)

01 octobre, 2009 15:06  

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