katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

dimanche, décembre 04, 2011

frôler la poussière








C'était tout d'abord une ligne lumineuse parallèle au fleuve, elle effleurait le château de Palmela exactement en son sommet. Le soleil précisant son ronronnement, les étages de nuages sont devenus des bas reliefs ; des couleurs qui les magnifiaient montait le chant de quelques anges blessés. Quand le soleil s'est faufilé dans le petit espace entre la colline et le plafond duveteux, l'intensité de ses rayons a pendant un bref instant négligé les détails du tableau : il y avait une évidence en son centre.


Puis, emportée par son mouvement, l'empreinte du peintre s'est calfeutrée derrière la toiture moutonneuse. Un vol d'étourneaux s'est alors glissé dans le décor, ondulant tout d'abord faiblement, puis s'étirant jusqu'à former un étrange châle céleste recouvrant les épaules de l'horizon.


J'ai pensé à Kubola, un des gardiens du portail situé en face de chez nous. Je me suis dit que c'était exactement cela, que son rire est une nuée d'étourneaux dans un ciel de grâce, il vibre d'une beauté insaisissable, il caresse la parcelle du monde que nous partageons pour un moment.


Quand on interroge de plus près cette invitation répétée, on comprend combien un rire peut faire de l'échange qui s'ensuit une terre meuble où glisser ses mains. On peut y déposer des graines de curiosité. On peut juste sentir le frôlement d'un peu de la poussière à quoi il est écrit que nous retournerons.


J'écris devant la mort. Tout ce que l'on fait, dans nos vies, on le fait devant la mort ; mais en lui tournant le dos. Du moins en essayant. Notre seule certitude, on la craint ; pour la repousser au loin, on vit dans un écrin.


Marguerite Duras : « J'écris à la recherche de la mort. » J'aime cette phrase au-delà de l'entendement. Probablement parce que c'est exactement de cela qu'il est question : chercher la formulation de ce qui restera à jamais informulé. Un au-delà de l'entendement où s'entend l'au-delà. En écrivant, je tente de l'écouter, tiraillé que je suis par l'envie de répéter. Seules des bribes éparses apparaissent, sans que jamais je puisse affirmer que c'est cela qui a vibré; sans même pouvoir certifier que quelque chose, échappé de l'autre monde, s'est manifesté. Peu importe. Gavés que nous sommes, c'est précisément le peu qui importe.


A Lisbonne, les saisons de l'existence, pour une grande partie de ceux, de celles, aussi bien que de « ce » qui la peuplent, ne peuvent pas tricher. Ceci m'ausculte le regard encore plus quand je chemine dans la ville qui dort. Les lampadaires sont consciencieux, soucieux d'épargner nos petits yeux. Rien d'agressif dans l'alignement tout relatif de ces phares urbains. Dans cette atmosphère feutrée, on distingue mieux certaines peaux qui composent la scène, les rideaux, le décor et les personnages considérés secondaires de ce théâtre baroque à ciel ouvert. Je me déplace dans des gradins dégarnis, sautillant d'un pli du temps à un autre. Je secoue la tête en me rappelant que les souffleurs sont mandatés par le FMI, cet indigeste mélange d'indignité, d'indécence et d'absurdité.


Pendant mon tracé tant de fois ressassé, lancé quelque part entre présent, avenir et passé, je passe à proximité d'Anjos. J'y distingue un homme, probablement "habité", qui roupille; on le dirait sans tête, engoncé qu'il est dans le manteau qui lui sert également de couverture et de maison.


Plus loin un arbre, habité aussi, différemment. Cela donne l'impression de se chamailler et de brailler dans les entrailles boisées. Choeur de passereaux plein de gouaille. A son passage, ils raillent un type débraillé en train de ripailler.


J'ai pensé à Kubola, un des gardiens du portail situé en face de chez nous. Je me suis dit que c'était exactement cela, que son rire est une nuée d'étourneaux dans un ciel de grâce, il vibre d'une beauté insaisissable, il caresse la parcelle du monde que nous partageons pour un moment.


Peut-être ne s'agit-il que de se bâtir des référents moins artificiels. Sara, dans le métro, apercevant un tag minuscule, même pas, à peine quelques traits gribouillés en vitesse :


« Regarde, Karim, ce sont des artistes qui ont fait ça. »


Il y a, sur le bureau où je suis accoudé, un lys déposé dans une bouteille qui, quand elle n'est pas un vase, est un rouleau à pâte de première qualité.


Oui, peut-être ne s'agit-il que de se proposer de nouveaux référentiels, de moins institutionnalisés rapports au ciel.


Les teintes de ce lys sont proches de celles de l'aube que j'ai tenté de vous esquisser à l'entame de ce déblogage. Des cinq fleurs composant la branche, une a déjà perdu tous ces pétales, deux sont encore pratiquement à l'état de bourgeons.


Pérégriner d'un mot à l'autre, parfois maladroitement, me permet de réfléchir à l'émerveillement provoqué par cette observation; une joie simple qui n'a pas toujours été, un souci de ce qui s'offre au regard qui a été cultivé, dans les deux sens non exclusifs de ce terme.


J'ai pensé à Kubola, un des gardiens du portail situé en face de chez nous. Je me suis dit que c'était exactement cela, que son rire est une nuée d'étourneaux dans un ciel de grâce, il vibre d'une beauté insaisissable, il caresse la parcelle du monde que nous partageons pour un moment.


Quand on interroge de plus près cette invitation répétée, on comprend combien un rire peut faire de l'échange qui s'ensuit une terre meuble où glisser ses mains. On peut y déposer des graines de curiosité. On peut juste sentir le frôlement d'un peu de la poussière à quoi il est écrit que nous retournerons.


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