katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

vendredi, août 19, 2011

attraction illmitée











Le vent rehaussait encore d'un ton la fin d'après-midi ; notre point de vue nous proposait, au loin, un fragment de Tage, alors que devant nous, d'autres morceaux de la ville étaient sur le point de s'accorder avec la nuit.



Il y a plusieurs accès au Jardim de Torel : d'un côté, des travaux qui avancent plutôt bien, probablement bientôt des immeubles « haut standing » et des parkings ; ailleurs, des ruelles et des maisons qui se morcellent, qui ne savent pas trop sur quel pied danser. Il leur manque souvent quelques dents, c'est vrai. Cela aère leurs sourires, tout en les mettant au diapason des vieilles dames aux fenêtres.



Cet endroit n'était pas accessible, lors de mon premier séjour par ici. En rénovation. Chaque fois que je passais, je fulminais un peu. Il était censé être rouvert depuis quelques mois, mais non ; et je ne comprenais pas pourquoi cela prenait tant de temps, étant donné la placette que j'apercevais.



C'est que je ne voyais pas la majeure partie de l'endroit, qui ouvre une partie de Lisbonne de fort plaisante manière. On se sent chirurgien au quotidien, ici, à force de croiser des dépouilles d'habitations et des interventions plus ou moins esthétiques. On ne cesse jamais d'être surpris en constatant combien c'est dans les carcasses de bâtisses que l'on sent le plus fort un cœur qui bat, le sien et celui de ce pan d'histoire où l'on se risque du bout des paupières.



« Le coeur, s'il pouvait penser, s'arrêterait. »



Quand j'ai découvert Pessoa, ce fût par l'intranquillité de son hétéronyme Bernardo Soares ; je rêvais de pouvoir un jour le lire dans sa langue. Désormais, je le fais par petites lampées ; je laisse dévaler en moi ces pensées drapées d'une inquiétude délicieuse.



« O coração, se pudesse pensar, pararia. »





C'est qui le monsieur ?!?



Nous étions encore dans le sud-ouest de la France, je faisais un peu l'autiste, impatient que j'étais de terminer Les Jardins statuaires, Jacques Abeille en est l'auteur, oubliés à Toulouse l'hiver dernier. Pendant que la musaraigne discutait avec des amies et collègues de sa cousine, par un délicieux début de soirée en bordure de Garonne, j'étais appuyé contre un mur, tout près d'un lampadaire. J'avais salué, dans un premier temps ; tout de même.



C'est qui le monsieur ?!?



C'est tout auréolé de ce titre prestigieux de mystérieux monsieur que je m'étais senti les mollets suffisamment ailés pour marcher d'Auch à Pau. Chargé comme un mulet, j'ai vite déchanté. Livres, dictionnaire et ordinateur, dans un sac, ce n'est pas à proprement parler l'idéal pour randonner dans la joie et la légèreté.



C'est qui le blaireau tout voûté?!?



J'ai quand même tenu jusqu'à Marciac, soit une cinquantaine de kilomètres. Largement de quoi donner envie à mes épaules et à mon dos de me faire la gueule pendant une petite semaine.


Ce qu'ils n'ont pas fait, je suis un monsieur tout de même.



Ensuite, pour récupérer avant de prendre la route pour le Portugal, j'ai respiré les Pyrnénées pendant une dizaine de jours, depuis chez Céline et Thomas. Je suis allé plusieurs fois chercher de quoi leur proposer une poëllée de cèpes, sans succès.



J'ai lu un petit livre. Deux fois. L'envie de l'envoyer à Daniel n'eut-elle été si grande, je l'aurais assurément grignoté encore. Et encore. Il m'avait hélé, chez un bouquiniste de la ville rose. J'avais hésité, pour la forme, avant de le glisser dans ma besace.



« J'ai toujours eu la marotte de chanter en marchant de-ci de-là par les rues ; c'est une manière d'orner le temps à mesure qu'il se dévide, je le festonne. »



Ces franges de Paris que l'on parcourt en écoutant Henri Calet, c'est bien simple, elles m'ont traversé avec tellement de conviction que je considère ces pages comme un petit sommet, en termes d'écritures limpides, lucides et acides. Les grandes largeurs, voilà pour le titre. Une toute petite clameur, qui se déchire en douceur, voilà pour la trace que vos larmes laissent entre vos joues et le dos de votre main.



Cela a bien fait rire Maria, quand je lui ai dit que si, à présent, la croûte de mon pain est si tendre, c'est parce que j'ai appris à avoir davantage confiance en ma pâte. Et pourtant.



Bon, c'est vrai, mettre un petit récipient rempli d'eau dans le four joue aussi un rôle.



Erri de Luca, quand Alain Veinstein lui fait remarquer qu'il écrit toujours des livres proches de sa vie : « Oui, je ne suis pas un professionnel qui peut raconter n'importe quelle histoire ; je suis à traction limitée. »



Je vais ajouter cette réponse à celles que j'ai déjà en réserve quand on me sert la fameuse question faisandée, vous savez, celle qui demande ce qu'on fait dans la vie.



Moi ?!? Je prends soin de ma traction limitée.


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2 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Des news enfin des news! Retour au bercail alors! J'ai vu ton post précédent, et bien figure toi que je suis passé par Guernesey...à la voile..mais pas eu le temps d e papoter avec ton Terrier! A plus sur ton mail

22 août, 2011 13:39  
Blogger argumentonio said...

Lisboa e tal, sim, mais a inquietude e desassossego das páginas de Bernardo, e alguma cativação, em palavras e instantâneos, a vida que se despencou das bocas e dos corações das gentes, uma estranha luz mesmo se a não há e no entanto, no entanto há um cerco, uma vitalidade a apreender, uma passagem do tempo sobre as pedras e a sua ladainha nas calçadas, escada abaixo, viela acima, sob o inesperado arco(-íris-de-sombra?) que abre o dia ao mundo e nos pesa desde casa, desde a primeira hora, desde os amanhãs para sempre se gentes & pedras & luz nos captaram também um pouco a alma

et pour cause...

;_)))

22 août, 2011 16:09  

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