Des jours presque
uniformément blancs. Aucune ligne de démarcation entre le ciel et
le reste du paysage, juste quelques arbres pas complètement
recouverts et des rochers en partie déneigés qui pointillent de
sombre ce tableau inviolé. Des traces obscures scandant des hiéroglyphes à déchiffrer selon ses états d'âme du moment.
Mes pensées ont
effleuré l'étendue offerte, les dernières semaines ont commencé à
tourbillonner quelque part derrière ce tableau noir qu'est parfois
la poitrine ouverte.
- Non pas en revenir aux mots, à
l'écriture, non, elle ne m'a pas quitté pendant cet enchevêtrement
d'heures où jours et nuits se confondaient loin du sommeil, elle m'a
même plutôt aidé, me confirmant que tenter de formuler, que donner
à voir palpiter la douleur dans un linceul de beauté, si cela ne
peut l'empêcher, cela rend moins assommante la traversée sans
bouées. Et même agitée, l'écriture donne à sentir qu'une seule
lettre distingue "mot" et "mort", une lettre qui
est un frisson tatoué dans le souffle, un râle planté dans les
tempes, un grincement sanctionnant les battements de paupières. Systole, diastole, l'écriture rappelle la temporalité sinueuse et
laborieuse de ce tango que le coeur danse une vie durant. -
Le brumeux, dans le
ventre, a eu besoin de se dérouler à nouveau, calmement, le film passé trop
vite; pour que le regard recommence à respirer plus large, plus
proche de son rythme.
Se répéter qu'il
faut comprendre la douleur cette fois vraiment insurmontable, hier
qui ne sera jamais assimilable, demain devenu montagne
infranchissable. Accepter que Sisyphe a poussé la pierre un peu plus
fort, s'est allongé, a laissé les lois de la gravité faire leur
travail. Il y avait déjà si longtemps que le sentiment d'écrasement
était ancré, alors s'est étendu au propre ce qui se débattait au
figuré.
Après la voix
fissurée m'annonçant l'envol, cette voix qui ne savait pas comment
faire juste, qui ne savait pas parce qu'elle ne pouvait pas, il y a
eu un trajet en train, une scène surréaliste, fabuleuse, dans
laquelle je me suis assis en face d'un ami qui n'était pas au courant,
forcément, un ami en train de lutter contre l'épuisement. Son
regard fatigué trouvait tout de même la force de briller d'amour.
Alors, même si la détresse tentait de s'inviter dans mes gestes, je
me suis concentré sur cet éclat dans les yeux. Cette vie qui n'est
plus s'en est précisément allée de ne plus trouver en soi ni
étincelles ni brindilles d'espoir à quoi mettre le feu, alors
plonger dans celles, superbes, en train de s'embraser en face de moi; m'y engouffrer en guise d'hommage, les encourager, les alimenter.
Ensuite des minutes
en voiture, des minutes scandées par un crépuscule au rose
incandescent; moment enveloppé d'une beauté époustouflante.
Le
tragique magnifié par un ciel de feu qui faisait ses adieux.
Tout, ensuite,
s'est précipité. Condensé d'inadéquations et de sollicitations
administratives. Dans les intervalles, réconciliant avec l'humain,
quelques belles rencontres nous ont sauvés. Et, de mon côté, les
mains tendues de la nature, toujours:
Un chevreuil à
deux pas de la route; des buses et des milans dans un ciel désolé;
le lac, au loin, en descendant de Villars-Burquin après être allé
chercher la fatigue en courant dans le bois de Champagne; des arbres
solitaires, ça et là, me fredonnant un peu de consolation.
De retour à Berne,
un cormoran
j'ai stoppé net mes foulées, me
suis approché tant cela me semblait peu probable, mais oui, force
était de constater que c'était bel et bien
un cormoran, posé
au bord de l'Aar, qui me regardait alors que je venais de longer
cette promenade qui ressemble à un cimetière de vieux vélos.
Des jours presque
uniformément blancs. Aucune ligne de démarcation entre le ciel et
le reste du paysage, juste quelques arbres pas complètement
recouverts et des rochers en partie déneigés qui pointillent de
sombre ce tableau inviolé. Des traces obscures scandant des hiéroglyphes à déchiffrer selon ses états d'âme du moment.
Je suis allé
courir dans la vallée serpentant depuis la parenthèse miraculeuse
où un luxe d'un autre temps me berçait. Arrivé à l'Hotel Fex,
j'ai fait demi-tour. Amorçant la descente, sur une paroi qui me
faisait face, le soleil a dessiné une fenêtre lumineuse.
Un sourire de
l'au-delà.
1 Comments:
Un sourire de l’au-delà .
« Nous sommes venus pour partir [……].
Mais avec la mort naissent les larmes de ceux qui restent.
L’âme éparpillée dans le cosmos
Scintille en étoiles vivantes.
Elle brille en fragmentes dans les mondes multiples «
L’âme éparpillée dans le cosmos
Scintille en morceaux de soleil
Elle brille en fragments dans l’âme de ceux, qui restent . »
Pour votre mére,
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