Les avenirs
La lumière est là.
Je suis entré dans le café, la nuit encore dessinée derrière moi, puis une prose lumineuse est venue demander que la lumière soit.
La lumière est là.
Le froid s’amuse sur mon visage, une agréable mélancolie répond à ses avances, Yusuf Isam me murmure qu’il aime regarder les enfants jouer sous la pluie.
Je me sens bien.
Je viens de terminer « Les avenirs », le premier roman d’Hafid Aggoune, une jeune écrivain qui m’avait déjà émerveillé par son magnifique « Quelle nuit sommes-nous ? ».
Je me sens bien.
Ses deux livres sont plein de ronces, sa langue est superbe, travaillée comme une terre aride sur quoi on voudrait voir poindre la vie, elle donne l’impression de me voler mon âme tant elle enterre ma présence au monde, limitant mon présent à ces pages de feu.
Juste quelques lignes, pour commencer le week-end, pour faire scintiller vos pupilles :
« Je me suis avancé au bord du gouffre. J’ai pensé au peintre et à son oiseau minéral, parec que l’après-midi j’avais vu les pierres se mettre à vivre. Elles avaient battu des ailes devant moi sous l’effet de la lumière. J’ai écarté les bras en rêvant de voler. »
« Les mots étaient là, autre chose que des mots, une nébuleuse flottant dans le gouffre. Il me manquait les mots d’avant les mots. Maintenant, ils m’assaillent. Ils ont le visage d’un fond de puits, soufflés par un autre qui serait moi et dont j’ignore tout, sauf cette vois lisible qui les porte. Je ne sais pas ce que j’écris. Je ne sais pas ce que c’est, écrire ce livre. L’écriture me façonne dans le tremblement de sa gestation horizontale. Elle efface la peur de soi. Elle traverse mon sang. »
Libellés : Littérature
2 Comments:
Quel bonheur que ce livre Les avenirs! Je l'ai adoré. J'ai moins aimé quelle nuit sommes-nous? Peut-être parce que j'avais lu les avenirs en premier et que ce livre est une pure merveille à lui tout seul...
L'auteur est édité par Farrago, cette petite maison de touraine tellement sympathique. Nous voilà donc nombreux à attendre le prochain livre d'Hafid Aggoune.
Je viens de lire cet article du Monde (ci-dessous) sur Yusuf Islam que tu apprécies. Moi, j'ai écouté mais j'y arrive pas. L'article explique un peu pourquoi. J'ai une petite douleur face au bonhomme. Je fus pris, à 14 ans, d'un coup de foudre final, définitif, pour ne pas dire terminal, pour cette voix. J'étais en visite chez tante Madeleine, et mon cousin Pierre venait d'acheter Catch Bull at Four. 18th Avenue jouait. J'entrai dans le salon, entendis cette voix si particulière, timbre unique capable de dureté et de douceur tout à la fois, et ce fut la transe.
Un véritable coup de tonnerre: je me souviens du temps qu'il faisait, de tous les détails de ce moment, comme pour un coup de foudre,et de mon envie d'écouter ça en boucle toute la journée, ça me chavirait les entrailles même si j'y comprenais que dalle. Ma priorité dans la vie fut soudain d'arriver à mettre de côté assez de sous pour pouvoir me procurer ce disque - alors que je n'avais pas de tourne-disque! Je devais quêter les minutes à gauche à droite pour l'écouter.
Depuis qu'Allah l'a illuminé, sa voix est douce en permanence, exit la passion, et toute la place au Sermon. Il cherchait et doutait, "On The Road To Findout", mais il a quitté le chemin: exit la recherche et le doute. Il a trouvé la Vérité. Je lui en veut d'abord et surtout d'avoir carrément désavoué une des chansons très "troubadour moyen-âgeux" de ce disque phare de mon adolescence, dans laquelle le héros rencontre sur le chemin le menant à son mariage, la fille d'un jardinier et tralalatiguidou, ça se termine sur "and love is all, he said." Et ben cette chanson, il la désavoue parce que la conduite du jeune homme est "condamnable" et irresponsable selon la Morale. Rien de moins.
Bref, Yusuf est devenu "curé".
Désolé de ce petit billet d'un amoureux déçu du Chat.
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3246,36-846943,0.html
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