katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

lundi, novembre 26, 2007

La somptueuse et indispensable inutilité de la poésie

Ce matin

Etait pourchassé,

Il s’est caché

Dans la pluie.

Samedi matin, alors que je pensais lire mon journal et prendre mon café tranquillement à l’hôtel de Ville, une marrée humaine s’est soudain abattue sur ce lieu normalement plutôt paisible. Il s’agissait, comme je l’ai vite compris en regardant les poses ridicules et en écoutant les vagues d’inepties qui s’abattaient dans mes oreilles en quête de sérénité, d’un de ces caractéristiques ruée vers l’art qui répond au doucereux nom de vernissage où toute personne aimant garder une écharpe entre quatre murs et parler en soignant au maximum sa préciosité est invitée à se rendre d’urgence.

Le matin

Toute la musique

Des buissons muets.

Peu importe qui expose, il faut être là, j’y étais, il faut avoir son avis, tu as vu ces deux tableaux particulièrement sombres qui illustrent bien la résurgence de la noirceur dans l’iconographie post-anarchiste, tout ceci verre en main, pour soigner sa posture, et en annonçant ses analyses le plus fort possible pour que personne ne puisse envisager de se passer de tant de pertinence.

Je suis en plein champ

Et rien à quoi m’accoler,

Rien, sinon l’espace

Qui ne répond pas.

Il est des moments comme celui-ci où un urgent besoin de poésie s’empare de moi.

La terre

Voudrait savoir

Eviter de frissonner ainsi

Dans le matin.

En ce jour de marché je pensais, une fois ma revue de presse terminée, écrire un petit quelque chose sur des propos découverts jeudi dans un entretien avec Bernard Baertschi, maître d'enseignement et de recherche à l'Institut d'éthique biomédicale de la Faculté de médecine de Genève, mais, chassé de cette endroit par la toute-puissance du Néant, je changeais mes plans du jour et ne prenais plus le temps de rédiger quoique ce soit.

J’y reviens donc aujourd’hui, me proposant de continuer à rythmer le contenu de cet article inquiétant par des vers de Guillevic, histoire de réussir à respirer quand même entre les aberrations énoncées par ce « maître d’enseignement » et mon cynisme qui, devant la chasse à l’âme, s’autoproclame acte de légitime défense.

La ville

A besoin du matin

Pour croire

Qu’elle peut exister.

« Il existe aussi un médicament administré dans les cas de traumatisme qui empêchent le lien entre émotions et souvenirs afin de prévenir le stress post-traumatique. Appliqué dans l'armée, il permettrait aux militaires qui ont par exemple tiré sur quelqu'un, de s'en sortir sans trop de séquelles psychologiques. Nous n'en sommes qu'au début de l'usage des neuroaméliorateurs. »

Enfin un vrai médicament qui va permettre de sortir de l’humaine faiblesse, vous imaginez le gain de temps lorsqu’il n’y aura plus besoin de négocier avec les grévistes mais qu’il suffira de les liquider en prenant la bonne pilule pour éviter que la conscience, ce minuscule bâton dans les roues du libéralisme à outrance, ne sorte la tête de l’eau. A noter que bien des exemples semblent démontrer que des prototypes de neuroaméliorateurs performants circulent depuis bien longtemps.

Le matin

Se sculpte lui-même

Pas besoin

De modèle.

« La chirurgie esthétique a d'abord été dénoncée comme frivole. Mais dans l'environnement hypercompétitif dans lequel nous vivons, elle est utilisée par certains pour rester dans le monde du travail. De même, si l'on trouve une molécule qui permet d'améliorer les performances chez les employés plus âgés, qui renoncera à la prendre? On accepte bien plein de choses, par exemple d'utiliser des agendas pour se souvenir de ses rendez-vous. Un jour, si l'on peut prendre une molécule qui nous permettrait d'avoir toutes ces informations dans notre cerveau, cela sera-t-il plus critiquable? »

Bien sûr que non. Est-ce qu’il y aura des exemplaires fonctionnant à l’énergie solaire ?

Le rossignol

Parle de nous

A l’horizon.

Il nous a devinés.

« Il y a des personnes qui considèrent qu'elles sont enfin devenues «elles-mêmes» grâce au Prozac. »

Oui bien entendu, mais, à moyen terme, il va y avoir de sérieux problèmes pharmaceutiques à résoudre, parce que les anti-dépresseurs, pour des robots sur patte, ben cela sera encore moins efficace (oui c’est possible, la marge est petite, mais on peut raboter encore) que maintenant.

Nous n’avons pas

Interrogé le peuplier.

C’est le peuplier

Qui s’est penché vers nous

Pour mieux nous entendre.

« Si l'on arrive par exemple à améliorer la mémoire, cela améliore aussi la vie. Et le fait d'accroître ses performances ne gommera pas la différence entre les individus. Un musicien devenu particulièrement habile grâce à une stimulation spécifique gardera son interprétation personnelle, elle sera simplement meilleure. »

Ah tout de même, j’avais fini par croire qu’un idéal de suppression des classes se cachait là derrière, cela me rassure de savoir qu’il y aura toujours, même une fois que nous serons débarrassés de nos tares d’être vivants, une élite à même de nous inciter à penser le moins possible.

Tu n’as jamais

A l’état de veille,

Rêvé

Que tu voguais

Avec les nuages

Et au-dessus d’eux

Dans cet espace infini

Que tu t’imagines.

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3 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Ni sourire
ni larmes
dans cet hibiscus
de Ranetsu


lundi 19 novembre
"L'Américain a appelé notamment, comme en 2005, à la législation des produits dopants. "(Autoriser le dopage), c'est juste, car juste, cela veut dire l'égalité des chances pour tout le monde et cela n'a rien à voir avec bon ou mauvais."
Miller a notamment pris l'exemple de l'EPO et du cyclisme: "des coureurs se sont dit:"on a naturellement pas le même niveau (d'hématocrite). On va faire ce qu'il faut pour être juste à la limite tolérée". Est-ce que c'est illégal? Ce n'est pas différent de quelqu'un qui fait une opération pour corriger sa vue", a assuré le vainqueur de la Coupe du monde 2004-2005. "Le problème est que les contrôles antidopage n'ont rien à voir avec l'équité."

une question de définition de l'égalité?...ou la bêtise de l'homme...qu'en pensent Raphu ;-)?...

...Perso, je dis Bravo...;-)...même problème avec la veilleisse, l'invalidité, l'identité féminine (et aussi, biensûr, l'identité masculine)?...mince de mine ;-) pour la rime...

...limite du corps et de l'esprit...celle de l'homme, de la femme, de la vieillesse...
accepter ses forces et ces faiblesses, juste s'accepter humain...

...limite de l'environnement, de "l'époque" et de la culture dans laquelle on vit...assurément...aussi...

Alors oui, oui, oui... des journées comme hier...merci Béatrice pour le partage...une bulle d'amour...merci Karim, une nouvelle fois d'avoir fait le passeur...une bulle pour toi aussi.. j'espère que tu as récupéré...

Les mots parfois qui ne peuvent décrire un rêve, un mouvement, une sensation, un goût (orange-gingembre)...

Mais les mots...et la poésie...pourtant...également...aussi...essentiel...


Un hibiscus
au bord de la route -
le cheval l'a brouté
de Bashô

26 novembre, 2007 15:02  
Anonymous Anonyme said...

Ha petit karibou. Je viens de découvrir ton blogue. J'ai bien aimé ce que j'ai lu et je vais certainement revenir :) J'ai hâte à ma prochaine lecture. En lisant ton texte je crois que tu aurais trouvé intéressant la formation sur l’aromathérapie que j’ai suivie la semaine dernière. Je pourrais t’en reparler si tu veux.
à bientôt,
pinpin

26 novembre, 2007 18:46  
Anonymous Anonyme said...

« J’ai des pilules à prendre, calmantes : et des remontantes, pour que les calmantes ne me calment pas trop. Plus quelques machins pour que les susdites ne me fatiguent pas le foie. Il paraît que maintenant j’ai un foie. C’est le médecin qui l’a découvert. Philippe a triomphé : il en était sûr, malgré mes dénégations. Avec la vie que j’ai menée dans ma jeunesse. Maintenant j’ai une vie normale. On me soigne pour cela. Et est-ce que je suis heureuse, comme ça? Philippe ne m’a pas reposé la question. Et maintenant qu’est-ce qu’on fait? On est heureux, je vois rien d’autre à faire. On est heureux et voilà. Et voilà. Et voilà. Et voilà. Et voilà… »

Christiane Rochefort, in
"Les Stances à Sophie"

30 novembre, 2007 19:15  

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