katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

vendredi, novembre 09, 2007

Irrespirable respectabilité

« S’il me fallait renoncer à mon dilettantisme, c’est dans le hurlement que je me spécialiserais. »

Alors que je suis dans une phase d’apprentissage intensif de la langue de Goethe, ceci pour ne pas faire trop pâle figure en janvier lorsque nous irons présenter le budget d’assistance à St-Moritz avec Béatrice, j’entends des voix qui s’élèvent d’Allemagne, une colère qui s’empare d’une partie de l’opinion publique.

Deux personnes on en effet traversé la frontière pour profiter de l’assistance au suicide proposée par Dignitas, ceci n’est déjà que moyennement bien perçu, mais, en plus, les deux individus en question ont vécu leurs dernières minutes dans un parking puisque Dignitas doit faire face à des plaintes provenant de ses voisins de palier.

La faucheuse et les moyens de s’en remettre à ses soins me labourent souvent la tête, il s’agit d’un point névralgique où l’essentiel se joue, alors j’ai vraiment de la peine avec la politique de l’autruche qui est en vigueur.

C’est le cas en Suisse au niveau du flou politico-juridique qui est maintenu sur le sujet, et dans l’ombre nauséabonde du monceau de conneries qui s’amasse dans les discussions de café, ou de salon de coiffure, ou de. Je vous laisse compléter la liste à votre guise.

En résumé, « chez nous », le fait que des personnes recourent à l’aide d’autrui pour se donner la mort est accepté, mais il serait bien de ne pas trop en parler, de ne pas trop nous montrer ces malheureux qui veulent s’en aller, parce que nous, ici et maintenant, nous, puissants travailleurs et rouages indispensables de la mascarade universelle, nous aimerions mieux nous gaver de l’impression d’éternité que nous tendent tant de bras virtuels.

« L’acharnement à bannir du paysage humain l’irrégulier, l’imprévu et le difforme frise l’inconvenance. »

Cioran va revenir souvent lors de ma digression sans queue ni tête. On ne choisit pas toujours ses amis. Et, dans notre si conviviale Europe, on invente des lois pour envoyer les Gitans un peu trop sales ailleurs. On n’aime pas les plombiers polonais, on déteste les roms qui mendient.

« J’ai perdu au contact des hommes toute la fraîcheur de mes névroses. »

Dans un brillant éditorial dont je n’arrive pas à retrouver la trace sur internet, le rédacteur en chef de Santé magazine notait, il y a quelques semaines, à quel point il lui semble indispensable de redonner une signification collective à la mort, même si nous nageons dans une nébuleuse et chancelante soif de laïcité.

Evacuer LA question ne peut qu’ajouter un étage de plus à la grande maison du Vide Absolu qui siffle dans les cerveaux nourris aux biberons scientifiques. Expliquons tout, calculons tout, classifions tout. De gras toutous savants. Toujours aussi démunis dans leur lit ou devant un miroir.

« S’il faut beaucoup d’irréflexion et d’ébriété pour engendrer un dieu, il suffit, pour le tuer, d’un peu d’attention. Ce petit effort, l’Europe le fournit depuis la Renaissance. Quoi d’étonnant si nous en sommes à envier ces moments grandioses où l’on pouvait assister à l’enfantement de l’absolu ? »

Mardi matin, j’avais une heure d’avance pour ma première journée de « formation » dans la librairie Fahrenheit de mon cœur, alors je suis allé boire un café. Un petit tea-room se situe à deux pas, je pensais pouvoir y parcourir tranquillement le journal. J’ai ouvert la porte, confiant et serein. Un énorme écran plat contre le mur, MCM à fond, quatre personnes âgées en train de discuter avec des strings se trémoussant en dessus de leurs têtes. Et la radio allumée.

« Qui n’a vu un bordel à cinq heure du matin ne peut se figurer vers quelle lassitude s’achemine notre planète. »

Il est possible de penser que ceci n’a rien à voir avec cela.

Il est tout à fait sain d’estimer que ces paragraphes sont le fruit d’un esprit bien peu ordonné.

Le problème ? Je ne trouve plus mon ordonnance.

« Nous aimons toujours … quand même ; et ce « quand même » couvre un infini. »

Libellés :

4 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Tu me donnes presqu'envie de lire Cioran, c'est dire!!

"à quel point il lui semble indispensable de redonner une signification collective à la mort, même si nous nageons dans une nébuleuse et chancelante soif de laïcité."

Je ne suis pas sûr que nous ayons vraiment soif de laïcité. Par ici, ci, ces jours, l'arrivée, la simple présence de religions autres (nous, les "de-souche", on a déserté les églises de façon massive dans les années 60 mais on en a un peu rapidemeent conclu que le vide dans les églises signifiait un athéïsme largement répandu) et beaucoup d'immigrants sont très attachés à leurs religions, la pratique (et je ne parle pas ici d'intégrisme, mais de simple pratique) avec aussi, tout ce que ça peut vouloir dire sur l'influence de la morale religieuse sur le "vivre ensemble".

La laïcité n'est pas l'athéisme. C'est pour moi une valeur fondamentale qui permet le vivre-ensemble, une condition sine qua non. Une balise essentielle qui empêche les dérapages. Remettre en question la laîcité ou la confondre avec l'athéîsme, c'est justement préparer le terrain du retour des intégrismes, catholique par chez nous (et l'archevêque de Montréal ne s'y est pas trompé, qui s'est engouggré dans la brèche en parlant d'une nouvelle évangélisation du Québec!), ou la prolifération de tous les autres.

Je ne vois pas de lien entre laïcité et discours (ou absence de discours) sur la mort. Le tabou vient de beaucoup plus profond je crois. Il est fondamental. Il nécessite un rituel. Peut-on s'entendre sur un rituel sans en passer par toute la mise en place d'un système de croyances ? Une vraie discussion sur la mort ne sera possible que sur la base des principes de la laîcité. La professionalisation de l'accompagnement aux mourants - que des gens en fassent un métier - me pose problème. N'est-ce-pas une autre hyper-spécialisation bien plus représentative de notre façon d'organiser la vie, le vivant, qu'un vrai questionement sur le "mourir" qui concerne tous ceux qui sont autour du mourant?

09 novembre, 2007 18:32  
Blogger katch said...

Bon, je ne peux pas aller me coucher avant de répondre.

La laïcité n’est pas l’athéisme, on ne saurait mieux dire, mais c’est ce que, dans trop d’endroit, ce fourre-tout du « vivre-ensemble » est devenu. Les immigrants attachés à leur religion, tout à fait, et des jeunes européens qui vont chercher dans l’Islam, ou ailleurs, ce qu’ils ne trouvent pas ici, aussi.

C’est bien ça, à mes yeux, le problème et le lien entre laïcité et discours sur la mort. Si dans la volonté de cohésion se cache l’effacement des questionnements primordiaux, sur la base de quoi est-ce que l’on partage ?

En parlant d’Eminem ou des « Desperate housewives » dans son téléphone portable, n’importe où sur la planète ?

En se faisant un magnifique piercing sur la langue, puisque la liberté et la singularité des jeunes s’apparente de plus en plus au moyen choisi pour se molester.

Je ne suis pas d’accord avec Onfray et je ne réduirais pas la religion aux réponses apportées à la mort, mais c’est tout de même un aspect fondamental du religieux que l’on a décidé de laisser de côté en invitant tout le monde à sourire en se tenant la main.

Sans voile ni croix, ni signe ostentatoire de préférence.

Ce que j’écris pas là ne veut pas être juste un « c’était mieux avant », parce que ce n’est pas du tout ce que je pense. C’est au contraire une immense tristesse de me dire que nous semblons avoir enlevé des arbres pour marcher dans la forêt, mais que l’on préfère monter dans sa voiture ou, encore mieux, conduire nulle part devant son écran.

En fait, pour moi, c’est comme le défi que représente l’envie que j’ai de partager, avec mon petit frère, avec les « jeunes » que je croise, mon amour des livres et de certaines musiques moins « commerciales », par quoi je commence ? Par où je leur propose quelque chose sans être professoral ? Comment inviter à réfléchir en précisant que, pas plus qu’eux, je n’ai de réponse au carrousel de questions qui fête foraine dans mon crâne ?

Juste donner une place au doute, mais pas le doute qui naît du non-dit, celui qui découle du trop-dit.

09 novembre, 2007 22:14  
Anonymous Anonyme said...

I believe that nobody can
consider laicité as athéisme , the former expressing the separation of religious from secular power , the latter - denial of every form of existing religion , to put it in simple terms .


Living in multiethnical societies with different monotheistic religious observances
gives us a good point of witnessing diversity .

It also leads us to a more profound reflection on the role of the powerful presence of organized réglementaire religious systems and institutions and their influence on the simple, sincere honest people ,in need of some points of reference. guidance, moral support.

The atheists rebel against this
form of submission , calling it the eternal game of power , dominance , abuse etc ,the people being considered 'manipulated VICTIMS ' For the Marxists
the religion was THE OPIUM FOR
THE MASSES , while they were trying to eradicate the profound almost mystical faith , so typical of the sensitive Russian soul

There could be some points of veracity in similar claims , moreover a certain respect for the ideas ' of the other' is always required .

Cependant ,

toutes ces théories athéistes semblent ignorer un fait très simple c.à d. L'EXISTENCE
de l'étincelle . de la petite flamme , la lumière au coeur de l'etre humain qui est certainement un don ( on peut décider de qui et d'où ...) une bénédiction !
Appelez-le la foi . l'amour pour nos frères , pour la
beauté , pour le bonheur... APPELEZ ce don comme vous voulez...

La flamme est une merveille qui existe per se , indépendamment de n'importe quel système réligieux organisé et sait comment se défendre contre chaque forme d' imposition.

C'est une grande richesse , un mystère qui semble etre né avec la personne ( une opinion réductrice et du moins injuste )
Il semble très difficile , quasiment impossible de l acquérir plus tard dans la vie.

Romain Gary ( deux mois avant son suicide )

" J'ai entendu l'autre jour Mgr.
Etchegaray à la télévision .

JE DONNERAI N'IMPORTE QUOI POUR

AVOIR SA FOI ET SA SERENITE ."

Could he had lived IF... ?

( This record-breaking message for length and for straying away from the main concepts , minus French accent circonflexe, DEFINITELY should blush .... )

Karim ???

10 novembre, 2007 01:40  
Anonymous Anonyme said...

A PROPOS de tes études en allemand je te dis ‘bravo’ !’ ( even if
cela te permet d’ entendre des voix , qui s’élèvent d’Allemagne ‘… )


On met beaucoup d’ emphases sur l’apprentissage des langues.
surtout sur le bilinguisme francophone – anglophone tellement laudé
même de certains auteurs , comme la plus magnifique réalisation
de l’homme d’ aujourd’hui.

Mais le monde n’est pas si limité, il y a des trésors partout – il
faut aller les chercher…...
Eh oui , cela n’est pas facile , des fois même démoralisant, fatigant
de jongler, d’entrer dans un univers si diverse et loin de l’autre, mais la joie de pouvoir ‘ respirer’ un texte dans son intégrité , dans sa profondeur , de sentir le souffle de son créateur, c’est une joie indescriptible !

Et de pouvoir dire avec le Faust de Goethe la phrase considérant la
plus sublime dans la littérature allemande :

« Oh , Augenblick , verweile doch , du BIST SO SCHON!

A te la traduction ( et aussi l’umlaut sur ‘ schon !)









!

10 novembre, 2007 10:45  

Enregistrer un commentaire

<< Home