katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

mercredi, février 17, 2010

Je vous aime, monsieur Foglia

" [...]

Dites-moi, docteur, est-ce que je suis fucké? Je-ne-com-prends-pas.

Les gens achètent des billets à 25$ pour aller assister à une soirée de remise de médailles? Deux adultes, deux enfants, 100$ pour aller, un lundi soir, à BC Place, entendre l'hymne national suisse deux fois, l'hymne national suédois, l'hymne national allemand. Et Bilodeau, oui. Mais il n'y aura pas de Bilodeau tous les soirs. Les gens vibrent vraiment à entendre l'hymne national suisse: Les beautés de la patrie\Parlent à l'âme attendrie, vous aimez ça pour vrai?

Sont-ils tous devenus fous, docteur, ou c'est moi?

Six polices montées dans leur costume folklorique apportent le drapeau olympique. Le hissent au mât. La fanfare joue l'hymne olympique. Un bénévole me fait signe d'ôter ma casquette. S'cusez-moi. Les champions viennent saluer. On leur passe la médaille, ils la mordent pour les photographes. Suivants. On recommence. Six fois comme ça.

Ce n'est pas comme une soirée de remise des oscars. On sait déjà qui a gagné. Qu'est-ce qu'on fait là? Ce cérémonial ne peut avoir de sens que collé à son objet, qu'en conclusion de l'épreuve qu'il couronne. Détaché de la vibration de la performance, il ne reste rien. Il reste 22 000 tôtons qui regardent monter le drapeau de la Croix-Rouge à un mât pendant que ça chante: Les beautés de la patrie (ou de la prairie, je ne sais plus) \Parlent à l'âme attendrie.

Dites-moi, docteur, c'est moi ou ce sont eux? Six cérémonials à la queue leu leu comme l'autre soir, faut être un peu mental, non?

Je disais: je ne comprends pas. Mais si, je comprends. C'est toujours la même idée à la base: sortir le sport du sport pour ratisser un public de plus en plus large. Sauf que plus le public est large, moins il s'intéresse au sport. Il aime quoi le public large? Les cérémonies.

La cérémonie d'ouverture en premier. La cérémonie de clôture en second. Entre les deux, qu'est-ce qu'il s'emmerde le public large. Alors voilà, on a eu cette idée de génie: une cérémonie chaque jour.


[...]"


Extrait de sa chronique parue dans La Presse de Montréal du 17 février 2010.