katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

mercredi, janvier 20, 2010

l'âme est notre aventure






Lorsque le ciel est dégagé, en hiver, la journée ne se défait pas de ses teintes matinales; le soleil reste bas, c’est une lumière immaculée qui rythme les respirations glacées; un réveil étendu sur plusieurs heures, jamais complètement accompli; puis voici la nuit, survenue dans un somptueux crépuscule, à peine entrevu, disparu.


Posté devant l’écran, l’obscurité appuyée sur les épaules pour encore quelques heures, j’ouvre mon petit calepin, histoire de voir ce que j’y ai noté, brindilles pas toujours sensées qui participent à la rédaction de mes déblogages.


Ces mots d’Evelyne Trouillot, survenus après, surgis depuis le désastre qui a frappé Haïti:


« J'entends l'humanité survivre dans les voix autour de moi, railleuses envers le malheur, envers soi-même, comme pour dire à quoi ça sert de pleurer, tu es vivant, oui ou non ? Des voix pleines de compassion pour soulager un autre et l'aider à porter sa peine. Des voix qui protestent et réclament plus de justice, plus d'efficacité dans la distribution de l'aide. Des voix pleines de dignité qui disent que la vie ne peut être accueillie à genoux, mais debout, toujours debout, il faut vite se relever et lui faire face.


Nous n'avons jamais eu un autre choix.


C'est ce qui me vient en tête alors que je suis couchée sur mon lit de fortune, une nuit de plus à attendre que la terre se calme. Couchée à contempler les étoiles de ce ciel qui me fait signe jusqu'aux tripes lorsque je suis trop longtemps absente, je me rends compte que ce que nous écrivons en fin de compte est en deçà de la vie, et que c'est l'éternel défi de l'écrivain que d'arriver à faire sentir ne serait qu'un infime souffle de l'humanité dans son immense vitalité.


Si tu es en vie, prends ton courage à deux bras.


Le pays attend, il n'ira nulle part. Le ciel est bien trop beau. »


Laferrière est allé trouver Frankétienne, ce type inclassable qui, notamment, écrit ce genre de choses:


“Nous vivons une époque innommable. Pour étayer nos souvenirs, nous devrions parler à nous-mêmes à chaque carrefour, avant de poursuivre le voyage. En cours de route, happer la lumière, frôler l’échec, voguer à l’aventure, reprendre pied au hasard des éclaircies. De toute manière, certaines expériences ne sont plus à renouveler, tant que nous n’aurons pas rompu les chaînes de la solitude amarrées à la nuit du doute.”


Il l’a trouvé en larmes, il l’a encouragé à continuer la pièce de théâtre que ce dernier a l’impression de ne plus pouvoir monter, parce qu’elle parle d’un tremblement de terre. Au contraire, a-t-il insisté, c’est la culture qui a toujours sauvé ce pays, alors il faut insister, créer, bousculer, refuser.


Quand les milliers de militaires ne servirons plus à rien, soit très vite, ce sont ceux qui ont pour leitmotiv cette phrase de Chappaz, “l’âme est notre aventure”, qui redonneront du souffle, qui découvriront ce qui se joue, en-deça et au-delà.


Je pensais aux absents, qui ne sont pas toujours morts, en regardant la place de jeu des footeux, à la Mottaz. Les pas ont effacé la neige autour du terrain, il n’y a personne, entre les cages, et pourtant cette trace rappelle le mouvement. On y entend rires et soupirs.


“, nous devrions parler à nous-même à chaque carrefour,”


Serait-il possible, alors, de consulter son responsable de la communication?


Non, il buterait probablement sur un terme aussi obscur que “soi-même”, peut-être même sur “carrefour”, une fois précisé qu’il ne s’agit pas d’un magasin.


J’aime l’impression d’être mis au ban des RH, de préférence sur un banc me permettant de me réconciler avec ces beaux mots que sont pourtant “ressources” et “humanité”.


Je sors alors mon couteau suisse pour graver la voix de Frankétienne:


« Le vent se lève, faiblit, puis s’éteint. Face à face, deux coqs pétrifiés de peur. Dans un vrombissement de mouches excitées, la bataille des chiens recommence près des poubelles, pour des os sans substance.


Comment recoudre le ciel à l’horizon avec une aiguille cassée ? »

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6 Comments:

Blogger Ondine said...

Il n'y a que toi pour réussir à superposer soleil, cataclysmes et neige dans un même billet, plein de poésie et de douce indignation.

20 janvier, 2010 15:18  
Anonymous Anonyme said...

L'"innomable" de Frankétienne, c'est dans quel recueil ?

B.

20 janvier, 2010 16:29  
Blogger katch said...

J'ai trouvé ceci dans le pdf d'une pièce montée il y a deux ans:

http://pantheatre.com/pdf/3-performances-haiti-textes.pdf

20 janvier, 2010 16:34  
Anonymous Anonyme said...

21 Janvier 2010 !

Une date si belle, si joyeuse !

Peut-on chanter

HAPPY BIRTHDAY , saluer avec E VIVA ?

Décidément on peut dire :

Merci d’être là pour nous tous !


A.m.p.a., avec mes plus sincères

vœux et affectueuses pensées.

melilotus

20 janvier, 2010 20:02  
Blogger Lise said...

Ton texte, une fois de plus m'émeut aux larmes. Il me remue en profondeur, à la fois détresse et espoir.

Nos chemins sont fait de carrefours mais nous roulons à la vitesse de l'autoroute. Qu'attendons-nous pour ralentir et enfin voir, nous voir?

Merci pour ces mots.
Bises
Lise

21 janvier, 2010 23:11  
Blogger Unknown said...

clin d'oeil à l'âme pour un promeneur du jour et de la nuit... avec ce clair de lune de Debussy
peut etre pour recoudre ce ciel en nous...
amicalement, bonne écoute

http://www.youtube.com/watch?v=ZIsQPdC9YnY&feature=related

24 janvier, 2010 14:26  

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