katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

samedi, octobre 31, 2009

attention, derrière vous










« Les reflets sont parfois plus présents que les choses reflétées. »


Contemplant les miroitements qui dansaient sous le pont Louis Blanc, un de ceux qui enjambent le canal St-Martin, je pensais à cette phrase que prononce Gael Garcia Bernal dans le nouveau film de Jim Jarmusch.


Il la dit dans quel contexte ?!?


Pas la moindre idée, je tire cela d’un entretien que mister Jim a accordé à un magazine.


Je réfléchissais à ceci par rapport à différents éléments, notamment au « Ruban blanc », où Haneke est fidèle à lui-même : perturbant sur le long terme.


« Caché » - dans lequel le réalisateur ausculte la relation entre Daniel Auteuil et Juliette Binoche alors qu’ils reçoivent d’étranges cassettes où ils apparaissent – s’était à nouveau invité dans mes pérégrinations mentales quelques jours plus tôt, en lisant « Des hommes » de Laurent Mauvignier. Cette manière qu’ont des souvenirs enfouis de refaire surface sur le tard, cette façon subtile de montrer tout ce qui n’est pas réglé entre la France et une partie de son Histoire ; ce que cela peut fausser, une vie durant, chez des gens qui ont vécu, qui vivent ces cicatrices de l’intérieur.


La plume de Mauvignier, s’immisçant avec brio dans la brume mentale des protagonistes, est, comme dans chacun de ses livres, d’une justesse époustouflante.


S’il obtient le Goncourt, je me permets d’affirmer que la chose reflétée sera alors plus présente que ses reflets ; peu importe la « gloire » du prix, la vitrine que cela donnera à ce livre, c’est l’œuvre que cet écrivain façonne qui compte ; pas « people » pour un sou, pas « putassier » comme tellement d’autres, juste un type qui, comme avait titré « Le matricule des anges » dans le superbe dossier qu’il lui avait consacré il y a trois ans, écrit « à hauteur d’homme ».


Dans « Le ruban blanc », le reflet est d’entrée posé comme prêtant « à caution », « je ne sais pas si tout ce que je vais vous raconter s’est véritablement passé ainsi », avertit le narrateur ; puis nous nous retrouvons dans un petit village allemand, au début du XXème siècle ; on assiste à la chute de cheval du médecin du village, du fait d’un fil apparu d’on ne sait où ; premier événement troublant qui ne tardera pas à « faire des petits ».


Faire des petits ?!?


Oui, parce qu’une interrogation se précise assez vite : Qu’est-ce qui se passe dans la tête des enfants à qui on ne demande qu’une chose, se conformer aux instructions du pasteur et de l’instituteur ?!? Qu’est-ce qui se cache sous leur absence d’expression, sous l’acceptation muette des punitions ?!?


« La famille, dans le moment qu’elle vous constitue, vous destitue de tous les possibles » déclarait Laurent Mauvignier au matricule.


Qu’est-ce qu’on regarde, dans son miroir, quand on refuse obstinément de voir une vérité parce qu’elle dérange ?!? Soi ? Ou, précisément, le pâle reflet de ce qu’on n’arrive pas à confronter ?!? De ce à quoi on n’arrive pas à se confronter ?!?


T’es bien tordu!!!


Ouais, rien de bien nouveau sous la voltige.


Haneke ne signifie pas miroir en français, non ; mais cela pourrait. Un miroir sous lequel on n’inscrirait pas « fumer tue » ou « manger cinq fruits et légumes par jour est vivement conseillé pour votre santé », non ; plutôt : « attention, derrière vous ».


Je dis cela d’Haneke, mais c’est transposable à de nombreux livres et films qui apportent vraiment une pierre à l’édifice de nos vie, ils nous disent tous : « attention, derrière vous. »


Attention, derrière vous ; il y a quelqu’un d’inquiétant qui vous ressemble beaucoup.

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4 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Très cher Katch!
Ce texte m'a donné beaucoup à réfléchir... En fait, j'ai réalisé il y a peu, que j'avais passé la majeure partie de mon existence, soit plus de 50 ans, à regarder derrière moi, refusant l'image que me renvoyait mon miroir, me trouvant grosse, moche, et "cerise sur le gâteau", blonde aux yeux bleus, donc forcément bête...

Pendant tout ce temps, je ne me regardais en face que par nécessité, sans jamais y prendre plaisir!!!

Ainsi, j'ai constamment tenté d'être excellente en tout, pour faire plaisir, sans penser à moi, et devant abandonner les projets de carrière que j'avais, simplement parceque j'étais une fille, et que le fait d'avoir un métier suffisait largement. Je suis donc devenue infirmière, et contrairement à toute attente, ce métier m'a passionné et me passionne toujours d'ailleurs...

Mais là comme ailleurs, j'ai ignoré mes limites, refusant désespérément de baisser les bras, ou plus simplement de reconnaître que je m'épuisais: jusqu'au jour ou ce dernier m'a dit NON! La suite, tu la connais, un désir de fuite qui m'a saisie à bras le corps et dont l'issue aurait pu être fatale...

Heureusement, en juillet 2002,"Lucie, ma petite Fée Solaire" a pointé le bout de son ravissant petit nez, et j'ai retrouvé une passion oubliée: le dessin. Je me suis alors remise au travail, dessinant tout ce qui pourrait plaire à mon petit Miracle, les animaux de la ferme, qui se font de plus en plus rares, malheureusement, puis tous les autres que tu connais aussi. Je faisais celà compulsivement, comme pour "laisser une trace" à cette enfant que je ne verrais peut être pas grandir...

En me réveillant, en aôut 2006, j'ai vraiment pensé que ni Dieu, ni diable ne voulaient de moi, regardant encore en arrière, et pensant que j'étais vraiment une trop mauvaise personne... Grâce à toi, qui veillais sur moi de loin, j'ai fait la connaissance d'une personne qui m'a fait comprendre que durant toutes ces années, j'avais contament "Un Papillon sur l'épaule" qui me protégeait de moi même, un papillon qui avait le visage de personnes très chères pour moi, qui ont marqué mon enfance et ont toujours été bienveillants à mon égard. En fait, j'ai encore beaucoup à accomplir ici-bas, et le moment est enfin venu pour moi de ne plus regarder en arrière, mais de vivre dans le présent et pour le futur... Rassures toi, avec mon papillon, il y a désormais aussi un rétroviseur, afin de ne rien oublier malgré tout!!! Je pense que malgré tout, notre passé peut toujours nous rattaper...

Je compte sur toi pour découvrir les livres que je lirai volontiers désormais, pour rattraper mon "inculture" actuelle... Cléclé, la fée fofolle

01 novembre, 2009 13:39  
Anonymous Anonyme said...

" What lies behind us and what lies before us are tiny matters
compared to what lies within us "

W. Emerson.

03 novembre, 2009 21:07  
Anonymous Anonyme said...

" What lies behind us and what lies before us are tiny matters
compared to what lies within us "

W. Emerson.

03 novembre, 2009 21:07  
Anonymous Anonyme said...

Découverte de votre blog : touchée, émue par vos textes, vos lumières et vos mots..... Merci "d'offrir" ainsi votre poésie

12 novembre, 2009 21:33  

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