de discrétion barbouillé
J’étais posé sur un fauteuil, je lisais “Le Londres – Louxor” de Jakuta Alikavazovic; la table était mise, le repas préparé, j’attendais Raphu et Anne qui dansaient du tango, quelque part.
Du coin de l’oeil, je devinais la porte du salon qui se fermait lentement; ce qui ne manquait pas de m’intriguer. Quand j’interrompais ma lecture pour regarder cela de plus près, elle faisait l’air de rien.
Ce mouvement a duré près d’une heure. Ce n’est pas que la porte soit spécialement massive. Ce n’est pas qu’elle bougeait de manière alternative, une fois dans un sens, une fois dans l’autre.
Non, c’est simplement qu’elle ne s’est en fait pas déplacée d’un centimètre.
C’est dans ma tête que cela tourbillonne en permanente.
Comment?!?
Ah oui, plutôt en permanence.
Encore que.
Prenez mes chaussures, par exemple.
Ramuz commence son essai “La taille de l’homme” en citant un passage du Journal de Gide dans lequel ce dernier mentionne un homme à qui le simple fait de changer de chaussures provoque une grande tristesse; Ramuz écrit ensuite: moi.
Je note alors dans la marge: non, moi. Pis ta soeur?
Tout ceci pour vous dire qu’il y a un peu moins de deux ans, j’avais fait l’effort d’acquérir une nouvelle paire de chaussures pour l’hiver; elles sont noires, très simples; je crois que je ne connais personne, m’ayant vu avec, ne s’étant senti obligé de me dire combien il les trouvait hideuses.
Personnellement, elles me conviennent à merveille, sauf qu’un problème est survenu il y a peu: celle de gauche couine.
Tout à fait, elle couine.
La semaine dernière, comme je devais marcher sur une distance plus conséquente, dans des endroits somme toute assez peu fréquentables, j’ai mis mon autre paire, moins dommage, celle que je traîne depuis bien longtemps.
J’ai constaté que celle de gauche couine aussi.
Comme je suis d’une lucidité à toute épreuve, j’ai tiré le constat qui s’imposait.
Mais je n’ai pas envie de changer de jambe tout de suite, je vais donc me faire à ce petit désagrément.
D'autant plus qu'un exploit retentissant est venu atténuer le fait qu'une partie de mon corps grince: j'ai pour la première gardé un porte-minse suffisamment longtemps pour pouvoir le recharger.
Je n'espère pas que cette remarquable marque de responsabilisation de ma personne suffira à faire de moi un adulte bien comme il faut.
Un adulte bien comme il se faut étant généralement aussi mal qu'il se doit.
Quoi?!?
Je vais me lancer bientôt dans la lecture du livre de Manfred Lütz, psychiatre, psychothérapeute et cabarettiste, dont le titre est : "Irre - wir behandeln die Falschen".
"Erreur - nous traitons les faux."
Quand je suis arrivé chez mon oncle, dimanche dernier, je n’ai pas allumé les lumières, je me laissais guider par celles que les lampadaires m’offraient.
Je déambulais silencieusement d’une fenêtre à l’autre.
Voir sans être vu.
Se déplacer sans être entendu.
J’adore quand, tôt le matin, je parviens à m’éclipser sans réveiller personne.
J’excelle aussi dans l’art de la disparition en soirée. Je salue à gauche à droite, j’échange deux banalités.
Je suis là. Je ne suis plus là.
Vous avez pas vu Katch?!?
Si, si, il était dans les parages, mais il a manifestement de nouveau fait une Katch.
Être de discrétion barbouillé.
C’est Rodrigo Fresan qui a écrit quelque part que, dans certaines situations, on a parfois l’impression de repérer davantage de données que d’autres acteurs de la scène quotidienne.
Pour ma part, c’est en partie cette innocente vanité qui m’a mené à l’écriture.
Que je malmène.
Et inversement.
On se démène en coeur.
Vous êtes bien amènes de nous supporter.
Libellés : Pensées vagabondes, Photos
1 Comments:
Humain, certainement.
Et dans ses déclinaisons : enfant? Adulte? À-dos-de-vent? À-dos-les-sens...
Peu importe au fond, ce qu'il est se laisse rêver, identité octopuce, le katch est une curieuse bestiole...
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