katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

jeudi, octobre 28, 2010

Un goût de sel à l'ombre de certains mots






« Je vérifie que personne ne me regarde, je m'accroupis et, du dos de la main, je caresse la surface de l'eau: le battement de ton cœur, il ressemble à quoi?!? »


Quelques méduses qui enguirlandent des bancs de poissons, et c'est un flot de souvenirs qui s'écume contre mes falaises; des parois rocheuses au sommet desquelles des cormorans fantômes prennent leurs aises.


Pendant longtemps, j'ai confondu écume et cormoran. Une question de sonorité. Je trouvais que ses traînées blanches, à la surface de l'eau, s'habillaient bien d'un nom sonnant comme « corps mourants ».


Aujourd'hui, je me dévêtis dès les premières vagues de la nuit, je frissonne en humant l'écume qui accompagne le marchand de sable, j'écarte les bras pour faire le cormoran; je me sens merveilleusement bien dans mon corps vivant.


« Je vérifie que personne ne me regarde, je m'accroupis et, du dos de la main, je caresse la surface de l'eau: le battement de ton cœur, il ressemble à quoi?!?


Quand j'ai demandé à Maria si elle utiliserait le mot ruelle pour traduire beco, elle m'a répondu que sa prononciation lui inspirait quelque chose de plus étroit encore; elle pensait au bec d'un oiseau. Je lui ai dit qu'en Suisse, les becs étaient aussi des bisous.


Tout d'un coup s'invitaient, dans cette samba où français et portugais étaient mâtinés de vaudois, des étourneaux s'embrassant dans une brèche.


« Je vérifie que personne ne me regarde, je m'accroupis et, du dos de la main, je caresse la surface de l'eau: le battement de ton cœur, il ressemble à quoi?!?


La semaine dernière, pour me sentir moins minuscule, éperdu que j'étais entre sable et Océan, j'ai ramassé un caillou qui voulait hasarder quelques papouilles sur mes joue. Je l'ai laissé faire, je ne suis pas farouche.


Puis je l'ai gardé au creux de main. J'ai pensé à Eri De Luca, qui retourne certains passages de la Bible dans sa tête, toute la journée; comme il le ferait, dit-il, d'un noyau d'olives tutoyant sa langue.


Il s'imprègne de l'hébreu ancien, je m'aère avec la langue d'Herberto Helder.


Des olives, des pierres éparpillées en bord de mer. Un goût de sel à l'ombre de certains mots.


Et Julien Jacob, souvent, qui saupoudre de la douceur dans ma tête.



« Je vérifie que personne ne me regarde, je m'accroupis et, du dos de la main, je caresse la surface de l'eau: le battement de ton cœur, il ressemble à quoi?!?


Ce scintillement de tendresse, il est extrait de « Le soldat et le gramophone » de Sasa Stanisic; un livre qui est en fait un pot de miel sans fond, où plonger ses petites mimines, pour ensuite se lécher longuement les doigts; flottant entre passé et présent, étourdi par un futur niché dans un écho d'Océan.





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