ce qui clapote en nous
Un épervier passe, me laissant trop peu de temps pour l’admirer ; il était apparemment allé profiter des tartes succulentes de l’Auberge aux quatre vents. Je continue de courir, absorbé par quelques uns de mes refrains intérieurs ; j’arrive au pont de Grandfey, que je traverse poursuivi par mes divagations. C’est alors que je remarque, sur un des piliers, une inscription qui m’intrigue.
Je la lirai à mon retour.
Il y a quelques semaines, nous avions traversé ce même pont pour nous rendre jusqu’à l’ermitage de la Madeleine, avec Anne et Andrea. Un endroit fascinant, creusé entre le XVème et le XVII ème siècle dans les parois qui surplombent la lac de Schiffenen. En plus d’être parcouru par la dévotion qu’il a fallu pour créer ces galeries, on y marche sur des vagues de molasse attestant de l’existence de dunes de sable, et de l’existence de la mer à Fribourg, il y a environ vingt millions d’année.
Juste après cette petite escapade, Andrea s’est rendue en Bosnie une dizaine de jours ; elle en est revenue, m’a-t-elle écrit, sans bien savoir si une partie d’elle était restée là-bas, ou si un pan du pays était venu avec elle. « Ou alors j’ai trouvé l’équilibre. Qui sait. » Elle ajoutait, un peu plus loin, qu’elle avait des larmes aux yeux parce qu’elle sentait qu’elle sentait.
Elle ne savait pas quoi, mais elle sentait qu’elle sentait.
J’ai relu son message plusieurs fois, j’aime quand une certaine poésie parvient à toucher au plus juste de ce qui clapote en nous ; je quête ces instants où quelques mots s’accordent avec les gouttes douces-amères sur nos tempes.
Quand ce que l’on ne sait pas n’a pas besoin d’être déchiffré pour nous enrichir.
Léandre a voulu me portrai(ra)turer, l’autre jour ; il m’a dit, une fois terminé, que dessiner est risqué ; sans doute, comme écrire, comme lire ; comme aimer ; mais ce sont des risques riches.
Le souffle accordé au paysage, je fais demi tour en pensant à des vers de « L’identité obscure » de Jacques Ancet, des lignes où il est question d’un coureur qui ne sait plus s’il a encore ses jambes, et où « on cherche demain entre des mots qui disent hier. »
S’y étire ceci, aussi :
« (…)
tu marches sur les mots comme sur un pont de planches,
à chaque pas tu crois tomber, (…) »
J’ai ces tâtonnements suspendus au cœur.
En traversant, je cherche l’annotation sur les piliers, celle que, sans lire, j’avais déchiffrée, elle disait que le suicide ne résout pas les problèmes, mais qu’il leur met un terme.
Elle a disparu.
Il y en a une autre, dont je ne sais pas si elle la remplace ou si elle m’avait simplement échappé :
« Ne me parlez pas d’amour et de paix, parlez-moi de vous et moi. »
Libellés : Pensées vagabondes, Photos
3 Comments:
Toujours aussi envoutant! beau!tellement emerveiller je lis et part...un peu avec toi! Merci
Ce matin, ou plutôt cet après-midi, je suis allée chercher des fruits. Petit magasin, enseigne nationale, centre de la ville dans laquelle je vis en ce moment. Féria. En ce moment, ce soir même, commence la semaine espagnole.
Je suis agoraphobe. Dans le magasin je presse le pas. Au détour d'un rayon, un homme -quoi de plus naturel-, une impression de déjà vu.
Je cherche, passe en revu les connus, les visages familiers. Ne trouve pas.
Tombe sur vous.
Peut-être.
youououou, j`aime tes mots et je vois qu`il y en a plein que je me rejouis de prendre le temps de lire.
Pfff, ici on a aussi nos messages officiels le long des routes `Idaho is too great to litter`... peut-etre un jour des messages `comme sous les ponts` les rejoindront, c`est bon de l`imaginer
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