En mode aléatoire
« En mode façade. Té-ma ! Sur au moins dix mètres ! Comment il a fait pour imposer son style en mode façade ?!? » Train Genève – Lyon, trois p'tits gars se sont posés à côté de moi (« C'est libre m'sieur?!? » « Prenez donc place gents damoiseaux ! »). Ils vont participer à un contest de roller. Il semblerait que ce soit surtout les fêtes qui s'annoncent, le soir venu, qui vont constituer les moments forts. Ils parlent un verlan qu'ils n'apprécieraient sans doute pas de voir qualifier de pacotille, mais c'est un peu l'impression que ça donne. Je n'oserais pas vous répéter le dixième de ce qu'ils balancent ; vous pouvez considérez cela comme de la pudibonderie si ça vous chante. Je me dis qu'ils sont aussi en « mode façade ». En tout cas je glisse l'expression dans ma besace.
Ces loubards d'occasion m'étaient ceci dit plus sympathiques que les trois benêts m'ayant escorté jusqu'à la cité de Calvin, tous rivés sur leurs écrans, et qui ont à peine consenti à déplacer leurs genoux d'une dizaine de centimètres quand j'ai malencontreusement fait tomber ma petite cuiller. Sans doute l'odeur de mon yoghourt qui dérangeait leurs narines électroniques. Ou alors étaient-ils encore en train de se demander ce qu'il convenait de répondre au « Bonjour! » que je leur avais adressé à leur arrivée. Messieurs, fonctionneriez-vous en mode plafond ?!?
Génération Scarface. Voilà qui donne le ton. Un la ?!? Peut-être. Ceci tatoué sur une nuque visiblement habituée à transporter des charrues – tu charries ?!? non non - , je vous promets que je ne faisais pas le malin. Encore que. Toujours ce petit sourire qui ne sied pas à tout le monde. Alors je me mets en mode sol. Je regarde mes pieds, je leur parle un chouilla. Je siffle en si bémol. Ils adorent ça.
Depuis que je suis parti, j'aime bien le flow qui trotte dans ma caboche ; à tel point que parfois, d'un déroulé de stylo sur carnet, je le mets à l'abri dans ma poche. « L'écriture est le magnétophone mental », Bernard Noël dixit. J'avais son « 19 octobre 1977 » avec moi. Oui, oui, c'est le titre d'un livre. Des pages inégales, plusieurs n'en sont pas moins un vrai régal.
« Qu'est-ce que le passé ? N'est-ce pas justement un livre, mais dont les pages sont en vrac sous une couverture qui ressemble à peu près à notre visage ? »
Comme je vous l'ai déjà dit, j'ai tenté de ne pas prendre trop de livres avec moi, ce qui était en soi un combat - seulement à moitié gagné, d'ailleurs -, mais j'ai investi dans un Littré petit format. J'ai bien fait, j'y ai dégoté le mot qui correspond bien à ce que je vous propose par ici : catalecte. Mon correcteur d'orthographe, cela ne vous étonnera pas, ne le connaît pas. Cela n'en signifie pas moins ceci : recueil de fragments, de morceaux détachés. Eh oui, vous le saviez déjà, je m'ausculte en mode épars. Katch se délecte en catalectes. Katchalectes ?!?
« C'est vraiment dégueulasse ». Voilà. Qu'on se le tienne pour dit. J'étais tranquillement assis Cours Julien. Elle a bouélé (tiens, pas dans le dico électronique non plus ; ce serait-y mâtiné de patois c't'histoire?!?) ceci dans ma direction. A claqué la porte. A continué sa route sans demander, sans demander quoi ? son reste ? son dû ? mon nom ? Je vous le dis comme je le ressens souvent, les téléphones portables produisent des incivilités qui me pompent l'air. En mode involontaire.
A part ça, tranquillement à me prélasser, j'ai aussi vu passer un gaillard bien plus bonnard. Il traînait une valise, d'où s'échappaient des volutes discos du plus bel effet. Quelques fenêtres se joignaient au concert, « youyoutant » par intermittences. Des T-shirts bleus, médiation sociale Marseille inscrit dans le dos, se chargeaient de la « choré ». En mode décalé.
Dimanche, direction marché aux puces. Il s'agissait donc d'aller un peu plus loin que la dernière sortie du métro numéro un. Arrivée dudit engin en extérieur. Quand on est sortis de terre, il y avait une superbe friche, avec des moutons dedans. Mais non, à bien y regarder, c'étaient des pierres. Parfois, en mode paysage urbain, le côté citadin me fait défaut. C'est sans doute une qualité.
Enfin ça dépend. Dimanche, pour être un peu plus tendance, je me suis laissé emmener au musée d'art moderne et contemporain. MAMC pour les intimes. A l'entrée est inscrit en grand ceci : il est encore temps de rebrousser chemin. Chemin étant écrit à l'envers. C'est conceptuel, comme tout le reste. Forcément. Et moi, comment dire ? C'est pas tant que je sois en mode concret, mais sans doute trop en mode toyet. J'ai quand même tenu environ sept minutes.
Luca m'a offert un bouquin de mister Alain Gerber. En mode jazzy. Déjà digéré, il est reparti avec la musaraigne. A lui le mot de la fin :
« En art, Svp, n'exigez que l'impossible. Soyez prétentieux. Ne le soyez pas aux dépens d'autrui, soyez le contre vous-même. Jetez-vous à corps perdu dans des batailles perdues d'avance ! »
Libellés : Pensées vagabondes, Photos
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