katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

vendredi, octobre 20, 2006

Partir, donc

Partir, donc, c’était de cela qu’il s’agissait, c’était de cela qu’il avait toujours été question.

Il y avait eu cette voix, un jour, qui s’était insinuée en lui, qui avait éveillé cette chaleur au plus profond de son être. Une brûlure qui n’avait pas voulu le quitter, pendant longtemps.

Quand on se consume de l’intérieur, il faut partir, voilà ce que disait cette voix.

Des images se succédaient alors, des odeurs, des sensations qui l’avaient envahi, un jour, semblaient refaire surface.

Il abaissait ses paupières et se voyait à nouveau à Séville, émerveillé, au milieu des oranges jonchant le sol, perdu au sein de ce mariage entre le soleil et ces fruits venus à la terre par une lourdeur lentement acquise.

Quand on se consume de l’intérieur, il faut partir, ce refrain, qu’il avait réussi à noyer sous les vagues mornes du quotidien, revenait à lui.

Florence, son dôme majestueux, apparu un matin de septembre, tout juste sorti qu’il était d’une nuit à rêver, à se rêver partout, dans ce train qu’il avait décidé de prendre le jour-même, profitant pleinement de cette liberté dont il ne jouissait plus que trop peu.

Cette voix, cette brûlure, enfouie pour ne plus qu’il s’enfuie, pour qu’il remplisse enfin tous ces beaux projets qu’on avait dessiné à sa place. Suivre d’autres rails que ceux qui mènent au grand large, se contenter de ces voies qu’on avait mises au saut de son lit, enfant, voilà ce à quoi il avait fini par se résigner.

Recouvrant ses envies du voile d’illusions de circonstances.

Mais cette voix.

Istanbul, ses marchés, ses épices qui ne veulent plus vous quitter, même aux portes du sommeil, qui vous invitent à défier le temps, à renouer, par la grâce des essences, avec l’essentiel.

Partir encore, toujours, braver cette vie calculée, ce vide calfeutré, pour se sentir vivre, pleinement, se laisser submerger par l’envie d’ailleurs, l’envie folle de tout, de tous, qui permet de tenir debout.

Bangkok, les contrastes à perte de vue de cette fourmilière si vite familière, sa nourriture qui vous fait fondre avant de vous modeler selon ses désirs, toujours changeants, toujours palpitants.

S’en aller, s’envoler sous d’autres cieux, se perdre dans d’autres yeux, odieux parfois, indifférents souvent, tout le temps différents.

Quand on se consume de l’intérieur, il faut partir, avant que le feu ne prenne toute la place, avant que le mal de vivre, qui n’est rien d’autre que, précisément, le mal de ne pas vivre, ne l’envahisse.

Nice, l’éclat de ses galets au crépuscule, la magie de son marché aux fleurs.

Voyager, rêver, comme si ces deux verbes n’étaient qu’une seule et même composante vitale, ancrée en lui, revenue de l’enfance trop vite oubliée, et, bien plus désolant, tellement vite moquée.

Tentant d’étouffer cette voix, il s’était plongé dans les livres, comme souvent, mais les livres savent trop bien vous entendre.

« Adultérer », voilà le mot qui figurait au-milieu de la page et qui lui faisait penser à « devenir adulte », « altérer la pureté, falsifier », voilà la définition fournie par les académiciens. C’était donc bien ça, grandir, suivre les sentiers du faux.

Quand on se consume de l’intérieur, il faut partir.

C’était décidé, une décision capricieuse, puérile.

Seuls les enfants savent vraiment voyager.

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2 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Si vraiment on pourrait rétrouver l'innocence dans un voyage, est-ce qu'on échapperait à la violence des mensonges?Où est-ce que je peut me cacher?Dans la mer de la Grèce? Dans les mauvais odeur des marchés de Beijing? Dans les yeux de Tunisie? Sur les volcans du Japon? Je reste bloqué ici, dans un paradis d'argent et perfection qui ne me sauvera ni de mon âme ni de ma chaire, avec le seule esperance que quelque chose me dépasse, que quelque chose continue dans les mots des poètes, dans les couleurs des tableau, dans un accord joué par hazard une nuit tout à coup...un souffle légér qui murmure la verité.

Oui, il faut partir et tu l'explique mieux que moi.

becs
gabi

20 octobre, 2006 12:36  
Anonymous Anonyme said...

il faut partir c'est sûr mais de là à ne plus revenir c'est une autre histoire...

25 octobre, 2006 00:48  

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