Bide(t) identitaire
Il y a trois semaines, alors que je prenais le train après avoir tenté de me réconcilier avec les stades de football, une jeune fille est venue s'asseoir en face de moi. Elle a balbutié, avec l'aide de ses petites connaissances en français, pour me dire que mon sourire contrastait tellement avec ce qui l'entourait qu'elle avait considéré ceci comme une invitation.
Elle m'a alors un peu parlé de sa vie. Elle est kurde, habitait à Istanbul mais a rejoint son père qui a eu des problèmes avec la justice turque à cause de certaines de ses activités politiques.
Au moment de nous séparer, arrivés à Fribourg, elle m'a demandé une adresse pour m'écrire et pour s'entraîner dans la langue de Camus.
Nous nous écrivons tous les jours quelques lignes. Nous nous sommes également retrouvés une fois, ce qui m'a donné l'occasion de la voir pleurer. Elle était en train de me montrer des amis musiciens qu'elle ne va pas revoir pendant longtemps.
Comment répondre lorsqu'elle me demande pour quelles raisons la tristesse semble inonder cette Suisse ou tout semble "facile"?
Comment jongler avec la minuscule poignée de mots français qu'elle connaît (elle plonge avec avidité dans son dictionnaire pour combler le fossé) pour aller à l'essentiel?
Qu'est-ce que l'essentiel?
Comment expliquer que, malgré cela, je n'ai jamais vécu aussi intensément cette affirmation de Gary: "La barrière des langues, c'est quand on parle la même langue, impossible de se comprendre"?
Avec elle, derrière mon clavier ou une tasse de thé, il me suffit simplement de contredire le gris alentour pour être.
Comme toujours, dans ma vie, il faut que la littérature s'en mêle, que l'écriture s'emmêle, alors, aujourd'hui, j'ai lu "La poursuite de l'ombre" de Mehmed Uzun, un roman qui retrace la vie de Memduh Selim, un intellectuel kurde engagé.
J'ai pris conscience à quel point mon aversion des drapeaux est rendu possible par le fait d'une naissance qui m'en a conféré deux par trop empressés de briller de mille feux sur la scène internationale.
Bonjour monsieur Zine el Abidin Ben Ali, bonjour Excellence Suisse.
Qu'en est-il lorsque une identité, au lieu d'être multiple, est refusée dès la naissance?
Lorsque votre langue est interdite, pratiquement maudite?
Tout ceci se débat dans ma tête, se déballe sur le papier, mais je m'emballe, j'ai beau jeu, moi qui me suis vu demander, à différentes reprises, si je suis argentin, afghan, italien,...
J'étais assis sur un banc lorsque je me perdais dans ces ébats identitaires, dans ces messes basses non réglementaires, un chien s'est alors approché de moi.
Il me regardait avec curiosité, venait de plus en plus près.
Il pouvait sentir mes pieds.
Il a levé gaiement la patte, a pris son temps, visiblement content.
On ne m'avait encore jamais pris pour un urinoir.
Libellés : Pensées vagabondes
4 Comments:
Je crois que vous avez l'air
et l'esprit italien ,
caro signor Katchdabratch !
Non è vero ?
Vivissimi Auguri ,
bibliophile
Ah ben merde !!!! ça s'passe là-bas? A cause de toi, je me suis pas douché depuis 3 jours...les chiens me reniflent aussi...sauf que je n'ose plus sortir... Allez a plus tchoupo!
tcho da bratch!
j ai acheté le dernier Pauline Croze hier et je me demandais si tu l avais deja ecouté et ce que tu en pensais...
de mon côté, les mêmes emotion que le précédent, un pur régal.
si tu ne l as pas encore, fais moi signe, je te le copie. ça sera l occaze de se voir...
Et n oublie pas de nous organiser une soirée St léonard + fondue avec fluckic..
bien a toi
yvenstyle Dumitrescu
Salut super Pantic!
Malheureusement je n'ai encore pas écouté attentivement le nouveau Pauline, mais cela ne saurait tarder et je suis certain qu'elle va me charmer comme la première fois.
Je n'oublie pas d'organiser une sortie à St-Léonard, avec fondue aux tomates et tout et tout.
A plus plus
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