katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

vendredi, décembre 07, 2007

Pis ta mère, elle est biologiste?

Il y a une petite dizaine d’années, Tony Blair et Bill Clinton exprimaient leur désir, dans un communiqué commun, de voir le séquençage du patrimoine génétique de l’homme mis dans le domaine public. Le monde était en droit de s’attendre à des résultats pharmacologiques tout simplement prodigieux. On allait inventer une pastille à prendre lorsque certaines pulsions se manifesteraient de manière trop insistante au bureau à la vue de sa secrétaire, par exemple.

Mais non, la télécommande magique qui nous permettra enfin d’être de vrais humains, vous n’avez pas envie d’aller au travail aujourd’hui, appuyez sur la touche 7, vous aimeriez oublier que vous êtes la femme de votre mari, pressez la touche2, vous souhaiteriez ne plus vouloir noyer votre voisin, utilisez la touche étoile, continue de se faire attendre.

Alors il convient d’investir (400 millions pour la Suisse, il faut être à la pointe) dans une nouvelle discipline révolutionnaire, la biologie systémique, qui ouvre la voie à la biologie de synthèse.

Du chinois ?!? Pas du tout, c’est simple comme bonjour.

« Ces techniques permettent une véritable dissection du vivant pour en comprendre les composants et leurs modes d’action. Les techniques classiques d’analyse avaient conduit à un éparpillement de la vision que les biologistes avaient de la cellule et des organismes vivants. L’analyse était précise mais on ne comprenait pas les interactions et les interdépendances. »

Comprendre les interactions et les interdépendances, voilà le fin mot de l’histoire. Et ne pas s’éparpiller, parce qu’autrement on ne s’y retrouve plus.

J’ai trouvé cela drôle parce que, le même jour, je lisais « La littérature en péril » de Tzvetan Todorov, livre dans lequel il déplore que les études littéraires soient aussi techniques, nécessitant tout un vocabulaire linguistique spécifique, plutôt que de s’interroger sur le texte, sur ses « messages », sur ses ouvertures.

C’est fou ce besoin de connaître les constituants et les détails mécaniques sur le bout des doigts, négligeant complètement ce petit truc en plus, ou en moins, qui fait que des années à étudier la versification ne permettent pas de devenir Baudelaire ; omettant qu’on ne comprend pas comment entrer en transe, même aujourd’hui où il a été prouvé qu’effectivement, images du cerveau à l’appui, certaines personnes en méditation n’ont plus de sensations spatio-temporelles.

Je pensais divaguer encore en amenant « Chien blanc » dans la discussion, mais j’ai un peu la flemme alors je laisse le mot de la fin à Christian Bobin, des lignes subtilisées dans « L’épuisement » :

« Lire pour se cultiver, c'est l'horreur. Lire pour rassembler son âme dans la perspective d'un nouvel élan, c'est la merveille. »

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