katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

mardi, mars 04, 2008

A la poursuite du bleu

Les journaux d’hier me regardent, tout déconfits, leurs mille yeux, habituellement inexpressifs, sont chargés de reproches parce que je n’ai même pas réussi à les parcourir.

Au sortir d’un week-end à suspendre le monde par les pieds, que ceux qui prétendent qu’il n’en a pas besoin veuillent bien ne jamais remettre les leurs (de pieds) par ici, après des heures de féerie entre Berne, Lausanne et Fribourg, je peine à reprendre prise avec la réalité, cette entité bien floue que tout adulte qui se respecte doit manger sans sourciller, même si cela démange au niveau du nez avant de retourner l’estomac.

Ces moments de douce folie, comme plein d’autres vécus depuis quelques années, ont été rendus possibles par Romain Gary, ce clown lyrique qui se promène souvent dans mes pa(ra)ges.

« Teresina se tient à l’intérieur, et mon songe ne se risque jamais à ouvrir la porte du carrosse, car j’a toujours eu au plus haut point le souci du réalisme et je crains que, malgré tous les soins que j’ai apportés à mon œuvre, il n’y ait personne à l’intérieur. Je prends grand plaisir aussi en compagnie des Tziganes et je m’arrête toujours, le cœur serré, devant leurs roulottes, mais là non plus je ne me risque pas à entrer, car il faut savoir être prudent et habile lorsqu’on a affaire à la réalité et que l’on veut éviter ses rudes manières. »

Je me laisse porter par ce moment de songes soyeux, arrosant l’arbre de mes rêves, enchevêtrement de solitudes, livré aux livres, et de besoin de rencontres et d’échanges (Benoît m’a écrit, ce matin, après deuxième visionnement de « Into the wild », cette phrase dont il m’avait déjà parlé : « Happiness is real only if it is shared » / « Le bonheur n’est réel que s’il est partagé »).

Branches amies/ennemies qui se réconcilient dans l’écriture, ce prolongement de l'âme qui me brûle les doigts. A la recherche d'une bien-âmée.

Michèle Desbordes se cachait dans ma théière, hier après-midi, elle s’est immiscée en moi, accompagnée d’un Läckeril, pour mieux m’embraser le cœur. L’ouvrage (« Les Petites Terres ») qu’elle a confié, depuis sa retraite étoilée, aux caprices d’une hirondelle, va accompagner « L’emprise » dans le baluchon des livres qui me caresseront la nuque lorsque je me consacrerai plus sérieusement à faire vivre le papier. Bientôt, tout bientôt.

« […], il n’y aurait plus un dossier pour une chose ou une autre, des bribes, des morceaux d’écriture en attente dans des boîtes, des cartons à développer le moment venu, tels ces morceaux de moi qui parfois ont tant de mal à s’accorder, ma réticence et mon penchant tout à la fois pour la fiction ou malgré mon goût de la phrase courte et sèche cet emportement, cette façon de ne plus pouvoir s’arrêter une fois la phrase commencée car il semble bien qu’alors ce soit la seule façon de dire, le temps qui n’en finit pas, le temps immobile et tout ce qui sans cesse recommence. Il y aurait ce qui vient d’un coup, d’un seul tenant, moi soudain rassemblée, paroles et silences, comme une grande phrase que j’aurais envie de dire, ininterrompue malgré ses points, ses virgules, ultime concession au lecteur pour qu’il ne s’égare ni me maudisse trop, je veux le voir aller jusqu’au bout et qu’arrivé au bout il ait envie d’y revenir, de recommencer comme il m’a dit, il m’a écrit qu’il faisait. »

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8 Comments:

Anonymous Anonyme said...

J'avais les yuex de la petite voleuse de Caravaggio dans mon ésprit, et le sourir du temps qui ne change pas les humains tout en les changeant. j'avais la fierté des 19 ans passés à rêver d'un present de voyage,independant et solitaire et j'etais au milieu d'un rond point dans le traffique de Rome, lorsque je me rendit compte que face à la beauté on explose de vie au point qu'on l'admet: on a envie que quelqu'un soit là, avec nous... et qu'il puisse nous laisser seuls, etant toujours là, avec nous...

04 mars, 2008 11:51  
Anonymous Anonyme said...

« Le bonheur n’est réel que s’il est partagé “ ( …. ? )

Est- ce que cela signifie que la joie qu’on vous donne la contemplation d’un beau arbre ,d’ un pré fleuri de mille couleurs , des majestueuses montagnes enneigées , le sourire d’un tout petit enfant vous montrant orgueilleusement ses deux minuscules dents , ou encore,
les cordes enchantées de Mozart,
la béatitude des Madonnas de Fra Angelico ,
la lumière et le zéphyr captées si merveilleusement par Claude Monnet ,
la poésie de Rimbaud , celle en prose de Gary et Bobin - tout cela n’est
pas un vrai , un grand BONHEUR , bien que solitaire ?

Ou peut -on le considérer partagé avec les auteurs de ces merveilles ?



La phrase de Chris ( un héros que j’admire énormément ) même sincère et bien sentie dans sa solitude,
me donne l’impression ( et je m’en excuse ) d’une ' rather trite expression'

Et qu’en pensez-vous de la douleur ?


Lectrice d’ un Français approximatif , mais dont le désir de
partager ses pensées surpasse hélas , sa considération de la pureté de langue ! ….

04 mars, 2008 14:21  
Anonymous Anonyme said...

Non, pas du tout, le bonheur de Chris, dans le film est réel. Sa tragédie, c'est qu'au moment ou il goûte enfin ce bonheur (après tant de douleur, surtout de douleur) il souhaite revenir vers les autres et qu'enfin ce(s) bonheur(s) puisse exister, se réfleter dans les yeux et les oreilles des autres. Sinon, à quoi bon? C'est ce partage qui compte. L'art est un partage, même s'il naît dans une perception solitaire. Mais puisque nous sommes aussi fait des autres (de tous les autres, même ceux qu'on aimerait peut-être ne pas, ne plus aimer - pour Chris, ses parents) - ce qui est tellement poignant à la fin du film, c'est que Chris a enfin compris qu'il n'est pas QUE ça, qu'il a relevé le défi qu'il s'est lancé et que ça n'a aucun intéret s'il ne peut pas le dire, le raconter l'écrire et le faire lire. Dans ce contexte, on comprends qu'il n'y a rien là de "trite", de convenu, bien au contraire. Une phrase toute simple,la vérité passe, magnifique, en ce que le bonheur de Chris nous parvient malgré tout grâce aux mots qu'il a laissés, sans même qu'il sache s'ils parviendraient aux autres, de l'autre côté de la mort, dis par un autre.

That, is art.

05 mars, 2008 05:01  
Anonymous Anonyme said...

J’ai apparemment donné l’impression de n’avoir rien compris de l’histoire
de ce jeune homme , donc d’avoir besoin des explications .

Je ‘partage ‘ complètement votre interprétation du parcours psychologique et émotive de Chris , en plus que j’avais lu sur lui et son destin dans la presse
américaine à ce temps et même exerpts du livre dans le NEW YORKER
( en attendant d’avoir bientôt l’œuvre de Jon Krarauer en anglais )

L’ expression en question (si on lit attentivement et lentement mon message si irritant pour les puristes , je me rends compte .. ) on va comprendre ( j’espère… ) que j’ai l’ avais défini ‘ sincère et bien senti dans sa solitude .‘
C’était la dernière réalisation de Chris, poignant et tragique en même temps

Je la considère ‘ trite’ pour l'unique raison qu’ elle fait partie d’une liste des
phrases confectionnées que les étudiants à l’Université tiennent très chère et
je crois encore qu ’on peut la trouver dans le fameux vocabulaire ‘ Famous Quotations ‘ 1641 pages- depuis 1882.

Mais originelle où non , Christ l’Ange , l’avait vécu et ma petitesse en ce cas me semble complètement irrélevante et très réductrice pour la temdre poésie d’une vie , si belle, d’un esprit si merveilleux qu’il vivra dans les cœurs de nous tous
pour toujours !

Jane.

05 mars, 2008 11:30  
Blogger katch said...

Pour ma part, cela me fait penser aux propos d’Annie Leclerc que j’ai cités à plusieurs reprises. La perception est jouissance. Le problème, dans le cadre où nous évoluons, est que ce qui prétend nous construire, pour le leurre et pour le pire, chasse cette « simultanéité » par le simple fait que le « sentir/ressentir » a été mis hors jeu. Donc plus de jouissance vraie, plus que de la pseudo-jouissance par procuration. Le culte du désir. La société du harcèlement. C’est aussi cela l’extinction des âmes. Uniformiser les corps (457% d’augmentation des interventions de chirurgie esthétique aux Etats-Unis l’année dernière), informatiser les sensations et virtualiser les expériences.

Chris ne voit pas d’autres moyens, pour renouer avec l’essentiel, que de disparaître, davantage que de fuir, pour (se) voir. Pour (se) sentir.

Tout au long de son cheminement, il fait des rencontres extrêmement fortes, ceci en grande partie parce qu’elles sont vécues intensément, dans l’élan de cette renaissance. J’ai cela à donner, à rayonner, est-ce que cela vous intéresse ? Après, de nouveau, je m’éclipse.

La fugacité et l’absence d’attentes comme lieu d’effacement de tous les impossibles.

La volonté de rabotage des incertitudes et les projections stériles comme non-lieu de l’humaine nature.

Il cherche, avant de se confronter à ses ultimes limites, des personnes qui vont le voir et le regarder comme il a envie d’être vu et regardé. Il ne veut plus des gens qui semblent avoir écrit sa vie sans lui.

Mais, je rejoins Benoît, il donne des nouvelles à ses « nouveaux amis », il écrit pendant son ultime confrontation avec ses limites. Certains livres l’accompagnent pendant son périple, il sait, il vit pleinement la puissance des mots, la brûlure secrète de certaines pages. Il n’a pas effacé le monde, bien au contraire, il a juste fait un pas de côté pour regarder ceux qui courent beaucoup trop vite, droit dans le mur.

Quand il sent que ce « décalage » est désormais prêt à l’habiter sereinement au milieu des autres, qu’il espère pouvoir offrir la force de cette confirmation à ceux qui seront en mesure de l’entendre, il ne peut pas. La mort en décide autrement.

Chris n’est pas un ange, il est l’incarnation extrême de la volonté de croire que l’Homme n’est pas qu’un joli mythe qui sifflote dans les livres, les tableaux et la musique.

05 mars, 2008 14:32  
Anonymous Anonyme said...

Il me semble difficile de comprendre comment une question simple , mais
essentielle sur laquelle je voudrais réfléchir en me posant des interrogatives,
a pu sortir hors de l’ orbite et conduire aux débats acharnés sur un
argument qui n’ avait rien ( ou très peu ) à voir avec le sujet de l’ article ‘A la poursuite du bleu ‘.
c,a.d. ‘ Into the wild ‘

Certainement cela vous offre une immense possibilité de exprimer vos pensées extrêmement érudites , vos connaissances extraordinaires , votre maîtrise d’écriture , bravo , chapeau bas ! Vous pouvez aussi faire travailler vos fantaisies volantes ( Karim , sais-tu que Chris a été souvent considéré comme
‘a spoiled brat ‘ d’une riche famille , sans direction , plutôt refusant l ‘ennui de la réalité , effrayé d’affronter la vie , des interprétations diverses que je connais ,(un sacrelège qui me fait mal ) tout
autre que le grand homme que tu le proclame ‘ l’incarnation extrême de la volonté ‘.. et néanmoins l’ange que j’aime , tu dois comprendre pourquoi … enfin .. notre conversation dans la voiture à Lausanne ? )
Mais il reste un Ange pour moi
!
Puisque nous nous sommes enfoncés INTO THE WILD , laissez - moi dire que le film est magnifique , quelle beauté, quelle pureté ! Et la photographie , jamais vue ! Et que même s’ il nous donne l’ envie de suivre Chris et partir pour Alaska ,
the wild nous le pourrons trouver n’importe où et le construire non seulement avec notre rébellion contre une société d’horreur , mais plutôt avec nos efforts pour appliquer et faire
marcher nos idées d’amitié et amour pour l’autre.

Jane DUNORD


(qui arrive à lire aussi les échanges privés , malheureusement ! )

05 mars, 2008 17:56  
Blogger Laitue said...

Hey vieux punk,
J'ai essayé de t'envoyer un mail @hotmail mais sans succès. J'ai décidé d'organiser un souper avec Jérôme, Gaby et toi. Donc tu serais super chic de me contacter par mail!!! Merci.
Gros bisous

05 mars, 2008 18:09  
Anonymous Anonyme said...

Alors quoi tu boude dans ton coin?Comme c'est la seule solutions que j'ai trouvé pour avoir de tes nouvelles je profite de ce blog pour prendre de tes nouvelles...comment ça va pour toi? Toujours pas marier,pas d'enfants,pas de belle maison avec un jardin? big bisous taratata.

06 mars, 2008 22:46  

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