katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

mardi, janvier 29, 2008

Le bonheur laisse des traces dans ce monde

Parfois, lorsque je ne sais pas trop ce que j’ai envie de vous écrire, ou que ce que je souhaite vous dire me semble être trop long, menace d’être terriblement confus, je glisse ma main droite dans une des poches du gilet de ma vie. J’en extrais une des pierres ou une des touffes d’herbe ramassées depuis que j’ai appris à sentir le jour et la nuit, à sortir le jour bien plus que la nuit. Je dépose alors ma tête sur le petit espace palpitant encore dans ma paume. J’écoute ce qui parle aux heures écoulées.

« Les rayons qui tombent du soleil sont inexplicables. Les rayons du soleil sont beaucoup plus récents que notre propre corps. Leur violence est merveilleuse. Ils sont à nos propres yeux plus inexplicables que l’eau dont nous sortons. Ils sont toujours nouveaux. Nous ne les voyons jamais vraiment. Toujours nous sommes éblouis. Leur consistance, plus impalpable encore que celle de l’eau, est plus étrange qu’elle. »

Hier, je suis allé retrouver mon banc adoré, tenu éloigné de mes lectures depuis quelque temps à cause du froid. Après une heure de douceur, je suis rentré déposer le somptueux « Smilla et l’amour de la neige » de Peter Hoeg sur mon lit, j’ai revêtu mes habits pour aller courir et je suis parti respirer la Vallée du Gottéron.

Deux minutes jusqu’à ce que j’aperçoive la rivière, dix minutes pour que mes pieds s’échappent du dernier centimètre bétonné, vingt minutes de plus pour arriver à Ameismühe, extrémité de la boucle. Il faut alors deviner des escaliers que la forêt dissimule, je m’y aventure, ils mènent aux sentiers qu’il convient de suivre pour rejoindre Bourguillon, dernière étape avant le retour en ville.

« Jadis on disait :

- Quelle est ta boue ?

Cela voulait dire de façon brusque, ramassée, quel est ton pays ? Quels étaient les parents qui te firent ? Dans quelle province as-tu vu le jour ? »

Une fois terminée l’ascension des marches, mes foulées s’allongeaient, mes sensations étaient bonnes. C’est alors que, comme il arrive parfois, j’ai ouvert mes yeux qui l’étaient pourtant déjà.

Je me suis arrêté, impossible de faire autrement.

J’étais au milieu de champs vierges, des barrières d’arbres me saluaient au loin, deux fermes se reposaient et quelques vaches s’improvisaient choristes de ce moment de grâce.

Je me suis allongé pour sourire au bleu.

« Je reprends les thèses de Plutarque. Le fait de laisser mourir de faim un chien paraît aux hommes plus graves que d’étrangler une oie.

Sur le territoire de la France actuelle l’huissier ne peut saisir un chat et un chien et le vendre aux enchères. Les chevaux ou les boas peuvent être saisis et vendus. La frontière qui sépare les choses et les personnes continue à être indécise longtemps après l’état de nourrisson et d’enfance.

L’espèce humaine n’est jamais tout à fait éveillée. »

Les « Sordidissimes » de Pascal Quignard ont rythmé ce texte.

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