katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

jeudi, mars 08, 2012

indéchiffrable paysage








Sur une Avenue qu'on ne distingue pas, un peu plus bas, une ambulance avance sirène battante; derrière nous, derrière une barrière de pins et d'autres arbres, un cour d'école propose une panoplie de bruitages propre aux activités multiples en train de s'y dérouler; le chien du monsieur du kiosque, croisement entre un husky et un berger allemand, s'excite, selon les arrivées, mais retourne à chaque fois s'allonger dans la léthargie de son grand âge ; une bande de jeunes tape le carton, tout guillerets les gustions.


Souvent, pour bercer l'entremêlement de ces scènes, de la musique baroque s'échappe des hauts-parleurs, ajoutant au décalage du foisonnement tranquille de ce miradouro. Monte Agudo, voilà pour son nom. Le Mont Aigu. Apparemment rien à voir avec le Roméo de la tragédie de Shakespeare, à moins qu'un onomaste joueur. Je ne suis pas allé vérifier. Et puis qu'on se le dise, n'en déplaise aux codes théâtraux relatifs à l'époque de Wiliam :


L'invraisemblable n'avance pas toujours masqué.


Notre maison pourrait d'ailleurs s'appeler comme ça. La palme revenant, haut la main, à un de nos voisins du premier : l'homme, aussi court sur pattes qu'au niveau de son souffle, qui ne me répond jamais.


Il y a peu, nous pique-niquions tranquillement avec la musaraigne, sur une petite place près de chez nous. Le bonhomme passe, je lui sers mes salutations les plus enjouées, avec signe de la main et tout et tout. Lui me regarde sans broncher, reprenant péniblement sa route sans avoir desserrer les lèvres.


J'hésite toujours à mentionner ce phénomène non identifié, parce que j'ai l'impression qu'on va se demander ce que j'ai fumé. Même la musaraigne m'a avoué qu'avant de l'avoir constaté par elle-même, elle pensait que j'en rajoutais.


Je sais qu'il parle, parce qu'une fois, il sortait de chez lui au moment où je franchissais la porte d'entrée,


« Bom dia », j'ai dit, pendant qu'il descendait les escaliers,


rien,


« Tudo bem consigo ?!? », j'ai ajouté quand il est passé à côté de moi,


toujours rien,


puis, lorsque je m'apprêtais à ouvrir la boîte aux lettres, entre amusement et agacement, un son caverneux a émané de sa petite personne :


« Il a l'habitude de venir plus tard. »


C'était tellement inattendu, tellement bouleversant, qu'au moment où j'ai su, j'ai chu ; récoltant grâce à l'élan de mon étonnement un superbe hématome fessier.


Lui avait déjà disparu.


L'invraisemblable n'avance pas toujours masqué.


En face de chez nous, un monsieur a pris la place de la nénette qui ne me parlait que par oeil-de-boeuf interposé. Un musicien qui, pour encourager son côté créatif, auquel il veut donner plus de liberté maintenant qu'il est divorcé, s'est inventé un double. Oui oui. J'étais invité à le découvrir pour ses 50 ans, mais je me suis défilé parce que c'était un peu tard pour katch le pépé. Je me suis rattrapé peur après, l'accompagnant au studio d'enregistrement le jour où il finalisait en partie son nouveau projet. Il m'a même proposé de chanter avec lui sur sa version « customisée » de « Vent froid, Vent du matin. » J'ai décliné, pour que l'invraisemblable ne devienne pas un vrai scandale.


L'invraisemblable n'avance pas toujours masqué.


S'ajoute à ce casting intéressant une dame habitant au rez-de-chaussée, qui a fait d'un drap, suspendu dans sa petite cour intérieure, un refuge pour chats ; en-dessous gémit (ça fait un moment qu'on ne l'a pas entendu, d'ailleurs...) un chien qui sent la mort. Pour tenter de rendre l'odeur, comment dirai-je ?, diversement agressive, cette voisine baigne les premiers escaliers avec de la javel presque tous les jours. Vous n'êtes pas absolument obligés de faire la même chose chez vous.


L'invraisemblable n'avance pas toujours masqué.


Cet hiver fort sec cause pas mal de tracas chez les agriculteurs d'Alentejo. La terre épèle son désarroi avec chaque jour davantage d'émois. Probablement par solidarité, une grande marque de voitures françaises propose, pendant quelques semaines, une patinoire (« avec glace naturelle ») sur une des places centrales de la ville. C'est troublant de vivre dans une société qui se bouffe les pieds en pensant se gratter le nez.


L'invraisemblable n'avance pas toujours masqué.


En bas des escaliers de la rue du Jasmin, un tas de vieilles photos virevoltaient au rythme du balai de la dame qui, chantonnant, nettoyait son pallier. Quelques unes se sont posées à mes pieds, écrivant une phrase


J'aime que le paysage soit chaque fois plus indéchiffrable


dont j'apprendrai quelques jours plus tard qu'elle est de Cruzeiro Seixal, un peintre surréaliste tout à fait fascinant.


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1 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Camus - Le Don JUANISME

"S'il suffisait d'aimer , les choses seraient trop simples.Plus on aime et plus l'absurde se consolide. Ce n'est point par manque d'amour qu'il va de femme en femme.."
On dit qu'il avait eu un nombre de 62025738 , can you beleve 62025738
seems incredible , but true !
gREETINGS.

15 mars, 2012 19:35  

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