Tous
les jours on retourne la scène
Geste fauve au milieu de
l’arène
On ne renonce pas on essaie,
de regarder
droit dans l'soleil
Juste avant d'entrer dans Champagne, depuis le côté où l'on fait
dos au lac, tourner à gauche revient à s'engager dans les
Chevalensson; nom à l'orthographe incertaine
"Faut
que tu regardes avec le Charly Madörin, c'est lui le responsable du
musée. Il sera tout content de te montrer ce que tu veux et de
répondre à tes question."
dans quoi s'entendent aussi bien de timides trottées que de
puissants galops. La route s'y prête d'ailleurs bien, qui s'étend
rectiligne jusqu'au Moulin de Péroset. Sur ce tronçon et son
pourtour, hormis le hangar de "Fofo", où flottent deux
drapeaux, un suisse et un portugais, le panorama qui s'offre n'a pas
changé, depuis des années. De part et d'autre, des champs. Vu du
ciel, le "plateau" dessine un quadrillage aux allures de
plaid écossais. Le bord boisé de l'Arnon, côté jura, ainsi que
les collines qui cachent Grandson, de l'autre, proposent un peu de
relief aux platitudes brouillardeuses.
Et
ton cœur au labour des lumières
Quand l’amour revient à
la poussière
On ne se console pas on s'enraye
mais
on regarde droit dans le soleil
"J'arrive
de la Poissine. J'suis allé chercher des métaux. Du cuivre en fait.
J'en ramène 5-6 kilos. Je le revends 6.- le kilo. Ca me fait des
filets mignons à la fin du mois. Tu vois comment?!?"
C'était un dimanche matin, à l'arrêt de bus; ça émanait d'un
drôle de gugusse à vélo, il le disait à un autre hurluberlu un rien perdu.
Ma grand-maman a pleuré à chaudes larmes quand Dario Cologna a
remporté l'or olympique. "Il a l'air tellement simple, il a
tellement la tête sur les épaules. Ca me fait tellement plaisir
pour lui. En tout cas, on ne peut pas dire que c'est du patriotisme."
À
la croisée des âmes sans sommeil
L’enfer est myope
autant que le ciel
On t’avait dit que tout se
paye
Regarde bien droit dans le soleil
"Alors là on peut dire
qu'il pleut de colère!"
C'est de ma grossmutti aussi. Nous n'étions pas encore pris dans une
colonne orageuse épargnant le lac et le Jura, non, mais déjà les
gouttes nous avaient repérés. "Je
suis estomaquée",
a-t-elle lâché, lorsque, arrivés à Genève, nous tentions de nous
faufiler entre des gens pressés. "Comment
peut-on vivre ici, avec ce monde, avec cette agitation?!?"
Elle posera la question à la serveuse de l'endroit branchouille où
nous sommes allés manger une morce. Cette dernière répondra à
côté; normal, elle n'avait pas vraiment compris l'interpellation.
J'en ai ri, longtemps; j'en ris encore. C'est touchant, deux réalités
que tout oppose, qui se rencontrent, qui tentent de converser.
Tourne,
tourne la terre
Tout se dissout dans la lumière
L'acier
et les ombres qui marchent à tes cotés
Dans
le parfum des nuits sans pareil
Et l’éclat des corps qui
s’émerveillent
Ses lèvres avaient un gout de miel
On
regardait droit dans le soleil
Partant il y a peu courir une boucle dans les environs de Champagne, j'ai déroulé mes foulées les yeux plissés, à
cause du soleil, à cause d'un nouveau dimanche de votations qui me rappelait combien Brel avait raison, quand les gens sont assis, ce qui leur importe, sans même qu'ils s'en rendent compte, c'est leur fauteuil. Alors la voix de Cantat s'est imposée,
m'indisposant les paupières. Les mots de Mouawad (il est l'auteur des paroles) ont commencé à m'engorger les pensées. Un autre bruit,
aussi, percussionnait mes tempes: celui entendu alors qu'un vieux
noyer, à côté du terrain de foot, se brisait un jour
de très grand vent.
Tout un symbole que d'assister au trépas de ce vieil arbre dans une
zone où ils ne sont pas tant que ça à avoir été épargnés par
la folie bâtisseuse. Mort survenue, qui plus est, pendant un derby,
puisque mes crampons sont passés à l'ennemi. Je ne joue plus qu'une
fois par saison footballistique sur ce pré où je me suis excité à
répétitions pendant longtemps.
Les
serments se dispersent dans l’air
Et les mots qui retombent à
l’envers
On ne sait plus comment ça s'épelle
Regarder
droit dans le soleil
A force de marcher dans ces paysages familiers, à force d'être
touché de manière si singulière par un simple carré de terre
retournée, par une nuée de choucas, par un corps de ferme isolé
dans un recoin du tableau, j'ai commencé à comprendre quelque chose
de fondamental. Ce n'est pas du tout un sentiment d'appartenance qui
me hante, pas comme dans des lignes magnifiques (leur post scriptum:
"Ce paysage est rude, mais c'est chez nous.") de ma
grand-maman accompagnant une lettre qu'elle m'a écrite une nuit
d'automne estampillée 2012. Non, c'est juste le foisonnement d'une
provenance.
C'est depuis ici que mon élan de vie a commencé à se déplier.
C'est ici que j'ai aimé, que j'ai trébuché (me suis encoublé...),
que j'ai chanté, dansé, ri,... pour la première fois. C'est d'ici
que l'ailleurs m'a tiraillé.
Après ça, il y a eu et il y aura beaucoup d'autres endroits pour
nourrir ma constellation, mais toujours les ombres et les
scintillements de l'Arnon dans mon souffle.
"Bernard
s'est moqué de moi parce que j'ai pleuré quand Abbado est mort.
Mais je crois que c'est ce qui nous sauve, toi comme moi, de nous
contenter de peu."
Ma grand-maman, encore.
Tourne,
tourne la terre
Tout se dissout dans la lumière
L'acier,
les ombres qui marchent à tes cotés
Assiégé
par le chant des sirènes
Sentinelle au milieu de la plaine
Le
tranchant de l’œil et des veines
Pour regarder droit dans
le soleil.
1 Comments:
Ha ! C'est tout un roman cette Grand-Maman <3
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