katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

dimanche, février 18, 2007

Not in vain

Je reviens de quelques jours à Vicence, chez une dame dont je ne vous dirai rien, par respect pour sa pudeur, hormis qu’elle m’a lu, avec une grâce superbe, plusieurs poèmes, dont celui-ci, d’Emily Dickinson, il s’intitule « Not in vain », il est enveloppé d’un superbe voile d’innocence qui sied à ravir au petit trèfle qui m’a fait l’honneur de m’abriter sous ses quatre feuilles pendant mon séjour :

"If I can stop one heart from breaking
I shall not live in vain;
If I can ease one life the aching,
Or cool one pain,
Or help one fainting robin
Into his nest again,
I shall not live in vain."



Ces quelques lignes (dé)raisonnent/résonnent douloureusement suite à la fermeture d’un livre que j’avais pris avec moi, un ouvrage que je m’étais promis de lire il y a longtemps en ce qu’il m’était apparu, après avoir parcouru ses premières pages, comme un témoignage primordial et bouleversant à l’encontre d’une certaine bourgeoisie helvétique qui n’a pas mes faveurs.

Il s’agit de « Mars », de Fritz Zorn, le tableau est fixé d’entrée de jeu :

« Je suis jeune et riche et cultivé ; et je suis malheureux, névrosé et seul. Je descends d’une des meilleures familles de la rive droite du lac de Zürich, qu’on appelle aussi la Rive dorée. J’ai eu une éducation bourgeoise et j’ai été sage toute ma vie. Ma famille est passablement dégénérée, c’est pourquoi j’ai sans doute une lourde hérédité et je suis abîmé par mon milieu. Naturellement j’ai aussi le cancer, ce qui va de soi si l’on en juge d’après ce que je viens de dire. »

La seule manière, pour l’auteur de ces lignes, de ne pas mourir en vain, c’est d’exposer son malheur, de montrer comment, grandissant dans un milieu où, entre la haine du corps et la critique de tout ce qui touchait au peuple, il a été privé de sa vie, de la vie, et que, à trente ans, au moment où il rédige ce « testament », il n’a jamais été capable d’aimer quelqu’un, ce qui, d’après lui, suffit à justifier une mort précoce.

Pensant le préserver des autres, ses parents lui ont réservé une haine ineffable de lui-même et des « siens ».

Je pensais à cela, cet après-midi, longeant le bout de paradis qui avait conduit cet homme à l’enfer, me revenait alors avec éclat une des choses les plus précieuses que la littérature enseigne, enroulée ou non dans la fiction: dissimuler son humanité sous un statut ou sous une « réussite » n’est, lorsque l’on se retrouve confronté à soi-même, que de bien peu d’utilité.

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5 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Et ben voilà, j'ai pas trouvé d'autre endroit pour laisser une trace de mon passage...! En fait rien à voir avec ta lettre ci-contre, mais juste un clin d'oeil à...Romain Gary ! Il y a déjà bien quelque temps, tu m'avais passé 2 livre de cet auteur cher à ton âme de lecteur passionné...et jamais je n'avais eu le temps de m'y mettre...
Bref maintenant que j'ai mon chez moi, et du coup un peu plus de temps "tranquille"...je m'y suis enfin mis ! "La vie devant soi"...une belle enflammade ! Un style (ou plutôt non...aucun style !) qui me fais comprendre pourquoi tu l'apprécies tant ! Un parlé (que dis-je...un écrit !) direct, presque "cru"...en un mot un style qui me fais bien rire et qui me plais bien !

Merci pour cette découverte !

ABE...salut !

Gandus

19 février, 2007 17:43  
Anonymous Anonyme said...

Mars... J'ai lu ce livre il y a quelques mois, et je le trouve juste nécessaire. On devrait le mettre au programme des lycées, tiens.

27 février, 2007 02:15  
Anonymous Anonyme said...

Bonjour, comment traduiriez vous le poème de Dickens?

20 octobre, 2008 22:47  
Blogger katch said...

Si je peux aider un cœur à ne plus se briser,
Je n'aurai plus à vivre en vain:
Si je peux alléger la souffrance d'une vie,
Ou apaiser une douleur,
Ou aider un rouge-gorge chancelant
A regagner son nid,
Je n'aurai plus à vivre en vain.

21 octobre, 2008 07:14  
Anonymous Anonyme said...

Merci !

25 octobre, 2008 16:43  

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