Musique quand tu nous tiens
« Sous mes doigts oublieux, la mélodie galopait comme jamais. La cause étant perdue, Jonah chantait avec l’incarnation de la mort assise sur son épaule, la chevauchée devenue plus haletante encore en raison du faux pas qui avait interrompu le battement de nos cœurs. Nous atteignîmes cet état pour lequel vivent les gens de scène : une éternité implacable, et plus rien entre les notes et le passé instantané vers lequel elles se précipitaient. »
Ces quelques lignes sont extraites d’un livre somptueux intitulé « Le Temps où nous chantions », traversée d’un demi-siècle d’histoire américaine aux côtés d’une famille constituée d’un physicien juif allemand, de son épouse noire et de leurs enfants. La musique cimente ces personnages dans un quotidien où le sceau de la différence pèse de tout son poids ignoble.
Ce matin, massant Béatrice, une musique guidait mes mains, me dictait les gestes que je devais faire, car mon esprit était ailleurs. J’avais mis, pour l’occasion, un CD que je n’avais pas écouté depuis longtemps, perdu qu’il était sous une pile d’autres disques. Il s’agit de « Pancha Nadai Pallavi » de Shankar. Pas Ravi, le père de Norah Jones, un autre musicien au sujet duquel il est pratiquement impossible de trouver des informations sur internet. Pourtant cet enregistrement fait partie des rares musiques qui, véritablement, me mettent dans un état second. Une puissance hypnotique par la grâce des cordes d’un double violon manié divinement.
On est vraiment à des années lumières de certains objets musicaux trop bien identifiés qui foisonnent à la télé. Je me permets, pour en parler, d’utiliser une réplique de Jean Genet volée délicatement dans le superbe dernier livre de Lydie Dattas : « La chaste vie de Jean Genet ». Lorsque quelqu’un lui demande ce qu’il pense des tours du World Trade Center qui viennent d’être érigées, il répond : « J’aime encore mieux regarder mes vieilles chaussures ».
Libellés : Pensées vagabondes
4 Comments:
Shankar: il a enregistré quelques disques pour Real World, et a fait partie de la tournée Secret World de Peter Gabriel, dont un magnifique DVD a été tiré, l'un des meilleurs concerts filmés que j'ai vu, et dans lequel Shankar tiens parfois un rôle proéminent.
Toujours eu beaucoup de difficultés avec Genet: son amour pour les kamikazés palestiniens, les Black Panthers fachos, les "damnés de la terre" m'insupporte. "Le captif amoureux" ne m'avait pas enchanté. Mythologie de la déjection. Mais bon, un unvers cohérent.
Pfff
....
Repfffffff
...
Vous êtes vraiment toujours aussi intelligents toute la journée, tous les deux, là?
Et dire que je ne connais pas un quart du quart de ce que vous dites.
Je suis désespérée, littéralement.
Je pense que je vais arrêter de chercher du boulot dans l'édition. Je me résigne.
Meuh non Céline, on connait que dalle.
"Le captif amoureux", je l'avais pas terminé. Et puis, oublie pas tout de même, et c'est vache de ta part de me forcer à te le rappeler, mais j'suis plus vieux que toi.
Katch lui, c'est aut'chose: un boulimique de lecture qui me fout des complexes itou. Alors arrête avec le désespoir. Tu pourras jamais tout lire. Et puis, j'ai une copine libraire qui me racontait qu'un prof de litt avait déjà demandé les livres de Céline et une très jeune collègue l'avait amené devant la pyramide d'examplaires de la bio de Céline Dion. Ah ! Tu vois !!
Eh bien en fait je n'ai rien lu de Genet (je suis, au moment où je te réponds, en train d’écouter son « Journal du voleur » lu par Anouk Aimée), Benoît, le peu que j'ai feuilleté à gauche à droite ne m'a pas fait très envie, ne serait-ce que par l’intérêt omniprésent pour ce qui se trame en-dessous de la ceinture.
Lydie Dattas a été mariée à Alexandre Romanès (http://www.temoignagechretien.fr/journal/ar_article.php?num=3114&categ=Culture), qui a partagé quelques années de la vie de Genet, ce qui explique ce livre. Je ne crois pas que l’écriture de Datas te toucherait beaucoup, elle est proche de celle de Bobin (qui me l’a conseillée), un peu « naïve » et innocente, très imagée. Elle est silencieuse, contemplative.
J’aime beaucoup.
Mes lacunes sont immenses, très chère Céline, et je te dois Guillevic, qui fait à présent partie de ma famille de poètes, alors n’abandonne pas l’édition, et dis-toi plutôt que tu auras deux personnes prêtes à dévorer ce que tu leur mettras sous les yeux quand tu auras fait ton bout de chemin, et qu’après quelques travaux ingrats, tu pourras venir ajouter ta sensibilité à celle du « Clown lyrique ».
Je vais bien, t’embrasse et espère toujours réussir à faire un saut à Paris avant la fin de l’année, ou en tout début d’année prochaine.
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