Lui, seigneur multiséculaire, n’a pas pour habitude de se laisser intimider.
J’ai écrit ces notes à Planalp dans un cabanon surplombant sa majesté. Le signal annonçant la tempête venait de s’activer en bas, tout en bas.
A peine une heure plus tôt, le soleil nous avait accompagné pendant l’ascension. Sa seigneurie devenait, petit à petit, une immense étoffe de soie déposée entre les montagnes. Un collier de nuages avait été accroché délicatement sur la nuque resplendissante des massifs avoisinants.
Le regard se faisait baiser.
Au moment d’assombrir mon carnet, un rideau noir s’est abattu sur cet idyllique tableau, une pesante averse tirait l’eau sur cette carte postale de pacotille, contraignant au repli les touristes et le joueur de cor des alpes de série B.
Le ciel n’avait toujours pas choisi son camp.
« Il est temps de décoloniser les montagnes de leurs chimères, de se défaire des illusions qui constituent notre « suissitude », cet objet de marketing.
Il n’y a rien dans les alpes d’essentiel. C’est du relief qui traverse l’Europe en se foutant des frontières. »
J’ai terminé, à la lueur d’une lampe à pétrole, « Estive » de Blaise Hofmann, livre d’un « Je » pensant et déconstruisant bienvenu dans la soupe froide d’autofiction qui moisit dans trop de casseroles à prétentions littéraires. Il est possible d’être le sujet de son propre livre sans être une photo agrandie de son nombril.
Un miroir tendu à un pays qui se cherche derrière Federer mais ne se trouve que dans sa manière de se fédérer, hier.
« Toute identité est un bricolage éphémère, co-construit et imaginaire. »
Ma parenthèse dans ce petit coin de paradis au milieu de nulle part a été trop courte, Andrea, mon hôtesse bienveillante, y est encore alors que je tapote sur mon clavier.
Pour rentrer, j’ai voyagé en compagnie de « La fille sans qualités » de Juli Zeh, livre époustouflant, hommage magistral à Musil et à bien d’autres.
J’ai souligné cette formule où la transcendance peut être remplacée par bon nombre de termes, sans rien perdre de sa pertinence :
« Dieu n’existe pas, il existe un besoin de Dieu, ce qui revient au même. »
Libellés : Pensées vagabondes, Photos
3 Comments:
Merci de partager ton regard…sur notre pays(age)…croisé avec celui que tu rapportes d’Estive…
J’aime ouvrir ton blog et ne voir que la photo…avant les mots…(pr plein de raisons a étaler comme de la confiture cerise)...
J'aime
Les miroirs qui se tendent...et cette Suisse qui se cherche et ne se reconnaît pas vraiment... .Federer, Mike Horn,… et là, je souris en me rappelant mon papa, disant « "Alhingis" a gagné la régate, d'hier… »…
La définition de l'identité... d'un pays comme d'une personne....comme un bricolage…ou un tissu d’appartenance qui évolue avec les expériences.... (j’ai aimé Les identités meurtrières de Maalouf ou encore un livre que je dois rechercher…les territoires de l’intime de Neuburger)…
Le ciel …libre... il se cherche aussi, il choisit, essaye, change d’avis, pfs décidé et constant pdt une période, d’autres fois indécis à chaque seconde…le ciel est-il humain ?... ;-)…
Je retourne à ton image-message… et je reste scotchée (parce que ruban adhésifée c’est pas très joli)…la musique comme les images ou les mots…c’est qqch dont j’ai besoin…Peut-être qu’ils n’existent pas…ce qui reviendrait au même…
« Il est temps de décoloniser les montagnes de leurs chimères, de se défaire des illusions qui constituent notre « suissitude », cet objet de marketing.
Il n’y a rien dans les alpes d’essentiel. C’est du relief qui traverse l’Europe en se foutant des frontières. »
Il faut sans doute être Suisse pour avoir envie de se foutre de cet objet de marketing. Moi, je suis hyper-sensible au relief (et atteint de vertige: le beau paradoxe que voilà) et je pense que le relief suisse se fout des suisses et des campagnes de marketing. La preuve ? Il reste magnifique, tellement, que l'auteur du blog nous le donne à admirer dans toute sa splendeur. Comme dirait Muriel Barberey, l'évocation des montagnes, de leur majesté indifférente et de l'amour que nous leur portons nous apprend à la fois combien nous sommes dérisoires, vilains parasites grouillant à la surface de la terre, et nous rend en même temps dignes de vivre, parce que nous sommes capables de reconnaître une beauté qui ne nous doit rien. (Avec mes excuses à madame Barberey pour la substitution des arbres pour les alpes suisses.)
Petite note amicale à Denise: vous écrivez bien, aussi je ne comprends absolument pas pourquoi il faut dans ces belles phrases, user de racourcis, les pr pfs pdt qqch - diminuent la qualité musicale. Si les blogs deviennent des raccourcis, moi je débarque.... Que diable, si je prends le temps de vous lire, je m'attends à ce que vous preniez le temps de tout écrire. Le temps de la télépathie n'est pas encore venu, internet ou pas....
Au fil des mots j'aime découvrir des parts d'essentiel...
"l'évocation des montagnes, de leur majesté indifférente et de l'amour que nous leur portons nous apprend à la fois combien nous sommes dérisoires, vilains parasites grouillant à la surface de la terre, et nous rend en même temps dignes de vivre, parce que nous sommes capables de reconnaître une beauté qui ne nous doit rien."
merci Benoît...
Et veuillez m'excuser pr les raccouris...aïe, oups, ça me reprend, mes doigts glissent trop vite sur le clavier...ah là, là, je vais tenter de corriger cela...
Peut-être parfois mes pensées vont trop vite, pour moi l'important c'est le fond pas la forme et aussi que j'écris d'une certaine manière, comme je parle (les enseignants de français me l'ont souvent reproché).
J'essaye pour (je viens de compléter) l'orthographe et la grammaire et c'est pas simple...je me suis toujours (rahhhh, je reviens en arrière) demandée pourquoi en mathématiques c'est pour moi (aïe, retour) c'est automatique cet autocontrôle rétroactif, mais en français, la structuration c'est pas mon truc...je sais que je dois grandir pour comprendre cela et faire ensuite le transfert...quand j's'rais grande....pouvez-vous s’il-vous-plaît m'accorder un temps d'apprentissage et me retaper sur les doigts si besoin...afin que je perde peu à peu ces automatismes, malheureusement trop rapidement ancrés dans les méandres de mes neurones.
Merci
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