katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

dimanche, juin 15, 2008

Diegolito

Il n’y a presque rien à sauver du désastre qu’est « Maradona by Kusturica », mais je dois bien avouer que les dernières minutes me trottent dans la tête depuis que je suis allé le voir. Elles n’avaient pas atténué ma déception, au contraire, parce qu’elles confirmaient qu’il y avait moyen de faire autre chose, de moins grand-guignolesque.

On y voit Maradona sortir de l’entrepôt où il a accordé un entretien au cinéaste, s’y livrant comme rarement, parlant avec beaucoup d’émotion de ses problèmes de drogue, de la culpabilité qu’il gardera en lui toute sa vie, notamment parce que sa dépendance lui a fait passer en bonne partie à côté de ses filles. A la fin de la discussion, il dit à Kusturica que tout le monde a parlé de ses frasques, du footballeur qu’il avait été malgré tout cela, mais que peu de monde se demande le joueur qu’il aurait pu être sans cela.

Plus fort, encore beaucoup plus fort, aussi impensable que cela puisse sembler tant il était déjà plusieurs classes au-dessus de tout le monde, ne serait-ce que par l’évidence dans le génie qui accompagnait tous ses gestes. Cette terrible certitude est aussi avec lui, en permanence.

Ayant terminé de se raconter, il sort donc de l’entrepôt, avec de grosses lunettes de soleil. De l’autre côté de la route se tient Manu Chao, il chante, sa guitare donne le rythme. Les paroles : « Si j’étais Maradona, je vivrais comme lui ».

L’immense Diego, le nabot magnifique, s’avance, les mains dans les poches, bouge un peu sur le rythme. Il sourit.

Derrière les verres sombres, on devine la quantité d'étoiles qui passent, on imagine les nuages aussi, beaucoup de nuages.

Puis on voit le visage qui change, on assiste à la superposition du personnage de la chanson avec le "vrai", qui est là, qui sait ce que cela signifie: être Maradona.

Alors le noir ne suffit pas à masquer les larmes.

Je pense souvent à ce passage, ainsi qu’à quelques autres, à chaque fois que je passe devant une des innombrables affiches démesurées sur lesquelles trônent des footballeurs, j’y pense lorsque j’entends des gens me parler de Federer comme s’il faisait partie des éléments les plus indispensables de leur quotidien, j’y pense lorsque je me dis combien il est terrifiant de devoir jouer le rôle que tout le monde vous assigne.

La vie de ce lutin malicieux est un condensé, un précipité, de tout ce que le culte de l’image trimballe avec lui de pestilentiels.

Dans des minutes d’archives qui émergent de ce gâchis, on voit Mardona, tout juste adolescent, dire qu’il va être le meilleur joueur de la planète et ramener la Coupe du Monde à l’Argentine ; il le savait, on le sent dans ses yeux, ce n’était pas qu’un rêve, ou bien si, justement, ce n’était qu’un rêve, mais accompagné de cette évidence dans le génie.

Il ne pensait pas à l’argent, ni à la drogue. Il n’y avait que le jeu. Le jour, la nuit, peu importait, il devait taper dans le ballon.

Tant qu’il a été le seul à croire en ses rêves fous, il avançait, mieux, il volait.

Deux têtes de moins que tout le monde, peu importait, il avait des yeux derrière la tête, des ailes sur ses chaussures et une confiance absolue en lui.

Puis, et puis.

Et puis merde, c'est tout.

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1 Comments:

Blogger Unknown said...

J'adore tes mots ;-)... et peut-être encore plus après avoir lu ton texte suivant... ce que j'aime en effet, c'est toute l'émotion qui émane des mots...et j'aime que les mots serve à cela...que du bonheur...et que les serpents se mordent la queue en mangeant des éléphants en ressemblant à rien...pffff ;-)

19 juin, 2008 16:33  

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