katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

mercredi, octobre 29, 2008

Ce que le coeur espère






L’aventure a commencé encore plus tôt que nous le pensions. Eh oui, alors que nous devions normalement prendre un train de nuit qui, de Zürich, nous aurait déposé directement à Ljubljana, une petite erreur dans la lecture (ou pas de lecture du tout ) de l’horaire par l’irremplaçable et inénarrable Raphu a rendu cette version simplifiée impossible ; manquement qui nous a donné l’occasion de sillonner l’Autriche jusqu’à Linz (même pas de tourte à la clef…), puis retour jusqu’à Salzbourg (où nous étions passés en milieu de nuit sans pouvoir y poser les pieds), pour un petit café en vitesse, avant de finalement nous « enferrer » en direction de la Slovénie.

Au final, cette demi-journée à sillonner une partie de l’Europe centrale m’a donné l’occasion de penser à ce brave Musil :

« L’humanité produit des bibles et des fusils, la tuberculose et la tuberculine. C’est une démocratie avec roi et noblesse ; elle bâtit des églises et, contre les églises, des universités ; elle transforme des cloîtres en casernes, mais délègue à ces casernes des aumôniers. Bien entendu, elle fournit aux aussi rôdeurs ces matraques garnies de plomb qui leur permettent de maltraiter le corps de leur prochain ; puis elle met à la disposition du corps solitaire et malmené des duvets comme celui-là même qui enveloppait Ulrich et paraissait n’être bourré que de respect et d’égards. C’est la fameuse histoire des contradictions, de l’inconséquence et de l’imperfection de la vie. Histoire qui fait souvent sourire, ou soupirer. »

Et de terminer « La chambre aux échos », troublant roman sur le cerveau écrit par Richard Powers dont j’avais déjà adoré « Le temps où nous chantions. »

Puis, finalement, au moment où l’après-midi s’apprêtait à prendre ses aises, nous sommes arrivés à bonne gare. Petite balade avant de retrouver une de nos deux hôtes sur la « place aux trois ponts ». Comme nous venions de Fribourg, ville des ponts et des tours, je me suis dit que c’était un rendez-vous qui se présentait comme un bon signe.

Et cela s’est confirmé très vite. Ana, au français délicieux (elle est bientôt traductrice), ainsi que sa colocataire Anja, petit condensé de bonne humeur, se sont avérées être deux véritables « human juke box ». Ceux qui connaissent ma propension à chanter tout et n’importe quoi lorsque l’occasion de présente devinent aisément l’épreuve à quoi les oreilles de Raphu ont été soumises. Il a tenu le coup, je rassure ses groupilles.

Nos fous rires se sont étirés jusqu’à Trieste où elles ont eu la gentillesse de nous conduire. Ana nous apprenant au passage qu’elle était venue y servir il y a peu d’interprète pour Boris Pahor. Je connaissais son nom mais n’avait jamais rien lu du lui. J’ai réparé cet égarement hier, dévorant « La porte dorée », réflexion sur deux incarnations du « mal absolu », mélange d’érudition et de romantisme.

Le retour était prévu le samedi soir, avec une petite excursion dominicale à Bâle avant de regagner Fribourg. Nous y avons retrouvé Anaïs et Aurélie avec qui nous avons déambulé d’une place à l’autre pour nous imprégner de l’atmosphère de fête du slip qui régnait dans cette foire d’automne. Des démonstrations pour essuie-tout côtoyaient des stands de Biberli, des bribes d’airs folkloriques tentaient de se faire entendre malgré la musique (vraiment ?!?) qui s’extirpait des carrousels.

Nous voilà à nouveau à Grand-rue. Une semaine pas tout à fait comme les autres puisque, premièrement, Petchal est papa (depuis exactement une semaine et je ne l’ai encore même pas félicité de vive voix), et que, plus trivialement, j’ai osé me risquer à toucher le ballon à nouveau. Encore une petite douleur dans le coup du pied droit, mais quel plaisir malgré tout. Alors que j’ai pu retrouver ma piste de danse préférée, Raphu va commencer le tango, premiers rires prévus demain lors d’une tentative de mise à niveau à domicile.

« On ne peut exclure la danse, sous toutes ses formes, d’une éducation raffinée : savoir danser avec ses pieds, avec les idées, avec les mots. Est-il encore besoin de dire que l’on doit aussi savoir danser avec sa plume – qu’il faut apprendre à écrire ? »

Si Nietsche le dit.

Hier, alors que j’épluchais les journaux qui s’étaient empilés pendant notre absence, je suis redevable à Christophe Gallaz, dans l’éditorial du programme du théâtre de Vidy, d’avoir apaisé l’énervement qui avait grandi en moi quand j’ai appris que le droit des pauvres (la taxe prélevée sur les manifestations culturelles) allait probablement disparaître à Lausanne. Ou quand la notion de « prochain » prend encore une gifle en ces temps où elle aurait plutôt besoin de s’affirmer comme essentielle.

« […]. C’est pourquoi tu descends cette fois-ci jusqu’au bord du lac où se tient le théâtre. Tu n’aimes pas le théâtre en tant que morceau de la culture. Tu ne l’aimes pas en tant que scène, en tant qu’entonnoir à public, en tant qu’élément du mécanisme médiatique, en tant que terrain narcissique généralisé […]. Tu cherches seulement quelqu’un qui parlerait. Qui ferait exploser l’ordre de la ville et celui de ta vie dans cette ville par le seul fait qu’il parlerait, même s’il disait n’importe quoi, et même s’il se contentait d’ouvrir la bouche sans émettre aucun son. […]. Tu es dans la nuit. De cette nuit tu découvres un comédien campé sous la lumière des projecteurs. Il est concentré dans l’effort de dire. Il est concentré, plus précisément, dans l’effort d’accoler tout ce qu’il sait dire à tout ce qu’il ne saura jamais dire. Dans l’effort d’approcher en paroles l’irrémédiable inouï de sa personne, de sa vie, de la mienne et de la vôtre.

Tu n’as plus besoin de chercher. Tu ne trouveras rien d’autre. La seule révolution serait celle-ci : terrasser la parole ne se déployant que pour elle-même, dans l’exercice indigne des pouvoirs qu’elle possède et qu’elle confère, et la faire descendre aux limites de l’imprononçable où se tient l’être. Il en résulterait de la beauté, la seule. Et de la fraternité. […]. »

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3 Comments:

Anonymous Anonyme said...

T'aurais pas une autre photo de moi que celle-là!! Si non, je balance ta tête en disco de Ljubljana au monde entier sur face de bouc!!!

Merci Katch!On se refait quand un ptit trip comme ça?

29 octobre, 2008 11:27  
Blogger katch said...

Mission accomplie :-)

30 octobre, 2008 07:30  
Anonymous Anonyme said...

gros malin... pis enlevé l autre non? c ana qui a ecrit sur ton autre message, sur ton poeme?tu viens diner a midi?

30 octobre, 2008 10:22  

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