katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

dimanche, octobre 12, 2008

seul mais serein

« Le citoyen d’aujourd’hui se sent comme un spectateur sourd assis au dernier rang : il a beau être conscient qu’il devrait prêter attention aux mystères qui se déroulent là-bas sur la scène, il n’arrive pas à rester éveillé. »

Cette phrase a été écrite en 1925 par Walter Lippmann, un homme à qui on doit notamment l’invention de l’expression « guerre froide ».

1925, soit quatre ans avant le krach boursier de 1929, cette fameuse année noire dont, chaque jour, des spécialistes nous parlent dans les journaux, ceci sans parvenir à s’accorder sur la pertinence de tirer des parallèles entre cet événement et la panique que connaît Wall Street ces derniers jours.

« S’il y a bien un truc que je ne comprends pas », me disait Raphaël mercredi matin, « c’est bien cette crise, t’y piges quelque chose, toi ?!? ».

Je n’ai pu que sourire, répondre que non, je n’appréhende pas la situation mieux que lui, que je sais juste que les prix de mes biscuits préférés, les Blevita (spécialement ceux aux cinq céréales), qui constituent la moitié de mon alimentation hebdomadaire, est relativement stable, et que nous avons toujours de l’eau en abondance qui coule du robinet, ce qui me semble un gage des efforts déployés pas la Confédération.

Le philosophe Slavoj Zizek se demande, dans les colonnes du « Monde » daté de vendredi, s’il n’y a pas un « risque moral » inscrit « dans la structure fondamentale même du capitalisme », dans le fait qu’il est impossible de séparer « Wall Street » (les responsables de la crise) de « Main Street » (les simples emprunteurs qui payent au prix fort), d’autant plus que la solution américaine vient au secours des premiers nommés.

Il fait alors référence à la réponse que Kant proposait à la devise conservatrice : « Ne pensez pas, obéissez ! »,

non pas : « N’obéissez pas, pensez ! »,

mais : « Obéissez, mais pensez. ».

Le plan de sauvetage est un chantage contre quoi notre colère ne peut rien, ajoute-t-il, nous suggérant alors de la transformer « en une ferme résolution de penser, de réfléchir d’une manière réellement radicale, de se demander quelle est cette société que nous sommes en train de quitter qui rend ce genre de chantage possible. »

Et j’ajouterai : « Quel rôle acceptons nous d’y jouer ? », ou, formulé autrement : « Si nous ne pouvons rien, globalement, doit-on, à notre échelle, accepter d’être complices ? »

On peut commencer de manière assez simple en s’interrogeant sur une mascarade qui vient de se tenir dans mon bien aimé canton de Vaud, où la cheffe du département de la formation de la jeunesse a aménagé, dans son agenda surchargé, un déplacement à Yverdon pour féliciter et remercier la gymnasienne, fraîchement élue miss-Suisse, qui met ses études entre parenthèses pour une année, afin de remplir au mieux sa fonction d’ambassadrice d’une suisse multiculturelle.

Elle est en filière « philo-psycho », je me demande, sous sa chaire resplendissante, quels auteurs lui sont chers.

Hier, peut-être pour évacuer ses questions sans réponses, mon brave colocataire avait des envies de grand air, tout d’abord peu motivé, je l’ai pour finir accompagné, à vélo, jusqu’au Lac noir. Au retour, passant devant un arbre isolé, embrasé par l’automne, il m’a dit qu’il aimait cette image, que cela lui semblait être une belle illustration de la possibilité d’être seul mais serein. Oui, oui, Raphaël a parfois des épanchements lyriques surprenants.

Et il touche à un élément qui me rattache à lui et à presque tous les gens dont je suis vraiment proche, une volonté de se retrouver, parfois, dans une solitude choisie ; pour sentir l’existence vibrer dans la contemplation des minutes immobiles.

Il y a, dans cette aptitude, un éloignement naturel des masses et des extrêmes qui dessine une possibilité d’en finir avec l’omniprésence du pouvoir et des jeux d’influence qui me réjouit.

Je ne suis pas encore allé voir le dernier film de Woody Allen, mais j’ai admiré à nouveau quelques passages de « Mar Adentro », film éblouissant, notamment grâce à la prestation de Javier Bardem. J’ai appris ce matin qu’il se rappelle, alors qu’il avait tout juste neuf ans, avoir vu sa maman pleurer de bonheur lorsqu’elle avait appris la mort de Franco. Aux dernières nouvelles, la mienne n’a pas fait de même quand elle a appris que Jörg Haider ne pourra plus nous faire part de ses grandes idées sur l’Autriche de demain. C’est sans doute parce qu’elle n’est pas autrichienne.

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1 Comments:

Anonymous Anonyme said...

"pour sentir l’existence vibrer dans la contemplation des minutes immobiles.".... ou l'art de mettre en mot un sentiment mouvant et intouchable...
l'art de la langue est sans limite et l'artisan doué!

15 octobre, 2008 14:44  

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