katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

samedi, novembre 22, 2008

à flancs de rêveries

Couché tôt, juste après avoir regardé un documentaire sur Erri de Luca, je me suis réveillé un peu avant 5h, constatant que les giboulées, murmurées pendant que je m’endormais, s’étaient changées, à force de se pelotonner, tendresse oblige, en un tricot enneigé recouvrant l’échantillon d’irréalité où mon regard aime se prélasser.



Une douce odeur sortant du lit de la théière, j’étais équipé pour commencer mes plongées livresques du jour.




J’ouvrais Paul Celan.



Schneebett. Lit de neige.



Les yeux, aveugles au monde, dans le mouroir d’à-pics : je viens,



dur plant au cœur.



Je viens.



Pour ce qui est de la légèreté, je pouvais repasser.



J’insistais quand même, qui n’attente à rien n’est rien. Ou quelque chose d’avoisinant. J’ai toujours tendance à déformer ces dictons empoussiérés, ils moutonnent trop d’opinions, à mon plus grand dégoût.



[…]



Le lit de neige sous nous deux, le lit de neige.



Cristal après cristal,



treillagés dans des grilles à profondeur de temps, nous tombons,



nous tombons et gisons et tombons.



Et tombons :



Nous étions. Nous sommes.



Nous ne faisons qu’une chair avec la nuit.



Dans les couloirs, les couloirs.



Très bien. Rien à ajouter ?



Je troquais le thé pour du café, besoin de quelque chose de corsé pour accoster après ce bref embarquement en direction de contrées poétiques à fleur de peau.



Je sortais délivrer les journaux que le porteur glisse discrètement entre les barreaux des fenêtres puisqu’il n’a pas accès à notre boîte aux lettres.



Après ma revue de presse, je gravissais l’Avenue des Alpes pour rejoindre Locarno Beach, domicile de Béatrice (j’en profite pour dire qu’une présentation du budget est désormais disponible sur youtube, en quatre parties, il suffit de taper Fassis. Mise en réseau grâce à Raphu le magnifique, sous-titres grâce à Paulo la science). Discussions autour de Juli Zeh, Benoît et autres personnages importantissimes.



Retour à la maison où nous avons dégusté une sauce où se prélassaient quelques chanterelles guillerettes.



Ensuite je me suis assis dans le fauteuil que je révère, me préparant, pile de livres à portée de main, pour laisser le reste de la journée me révéler, sous ses plis, quelques scènes à graver à flancs de rêveries.



Le premier délice ne s’est pas fait attendre.



Je lisais les dernières pages d’ « Un garçon parfait » de Claude-Alain Sulzer, Raphaël, sur un tapis de gymnastique du plus grand ridicule, tentait péniblement de reproduire quelques unes des figures apprises lors de ses premières heures de power yoga. Tournant légèrement la tête, j’apercevais, de l’autre côté de la rue, deux minuscules gaillards, bonnets arrimés, qui semblaient disserter sur les bienfaits de la physique quantique alors que, au vu de leur âge, il aurait plutôt fallu guetter derrière eux pour voir s’ils n’avaient pas égaré leurs lolettes, ou tenté de semer leurs mamans. Mais non, mon effarement prenait encore de l’ampleur lorsque mon regard curieux tombait sur un petit vieux (leur grand-papa ?!?) en train d’armer une boule de neige dans leur direction.



En musique de fond, le Requiem de Mozart.



L’écriture, c’est regarder et entendre, me disait en substance De Luca, hier soir.

2 Comments:

Blogger Ondine said...

J'aime beaucoup ces rêveries feutrées, qui se glissent entre deux flocons de neige, deux lignes de poésie, deux souffles d'inspiration.

23 novembre, 2008 19:35  
Anonymous Anonyme said...

Katch, votre récit me fait penser à une nouvelle de Najib Mahfouz dont j'ai oublié le titre. Un enfant traverse la rue qui sépare sa maison de son école. Au départ, il est un élève d'école primaire, à l'arrivée, c'est un vieillard qui revient aux sources. Vous y rajoutez la neige, qui pour nous autres d'Occident représente peut-être encore un dernier bastion de rêve, de mythe et d'enfance perdue. Je vous rajoute de suite à ma liste de liens favoris!

26 novembre, 2008 07:48  

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