Quête en or pour l'homme en marge
Courir, absolument, après des heures studieuses, évacuer le refoulé, après avoir déplié mon regard sur le papier, m’en remettre à la transpiration, mon autre exutoire. Mais, déroulant péniblement mes foulées, j’ai vite constaté, depuis que je suis arrivé, qu’il n’y a pas de quoi exulter ; tout ceci est bien laborieux. Depuis ma blessure, en septembre, j’avais repris en dilettante, à la fin de l’année, maintenant que je tente d’imprimer un rythme plus proche de ce à quoi je suis habitué, je me rends compte que je suis largué. Je vais devoir m’armer de patience et de persévérance.
J’ai déjà trouvé une boucle qui correspond exactement à ce que j’aime, une quinzaine de kilomètres, un bon dénivelé pour finir, et, surtout, une distance appréciable au bord de l’eau.
Aujourd’hui, j’ai été accueilli par le fracas des vagues ; alors que je noircis du papier à longueur de journée, c’était le blanc écumeux qui imposait son éclat. La puissance de ces roulements de tambour orchestrés par le large, de ce déroulement du temps, comme à rebours, quête en or pour l’homme en marge.
Le soleil se couchait dans mon dos, pendant que je continuais mon effort, regardant au loin le phare, trop moderne à mon goût, de Gonçalo Byrne, et la reproduction du Christ de Sao Paulo, ouvrant ses bras sur ses frères lisboètes.
Joë Bousquet me murmurait :
"Un mot, le plus doux de tous, et qu'il n'y a qu'à proférer pour que la parole ait sa source au large de la voix. Ce mot, que toute vision prolonge, c'est l'appel: mes frères."
César, mon logeur que j’adore, introduit les réponses à chacune de mes questions par un « Ah, ça, c’est une histoire » qui me renvoie il y a vingt ans, aux côtés de mon grand-père. La semaine dernière, un moment fort, devant un petit café. Je lui demande où il était, pendant la révolution des œillets, il commence comme à chaque fois, puis, très vite, son regard devient humide, ses souvenirs, dessinés sur ses pupilles, coulent le long de ses joues. « Ah, ça, c’est une histoire que je n’oublierai jamais. »
Hier, nous marchions sur une plage de l’Alentejo, nous avions des kilomètres de sable pour Zé, son épouse, et nous. Nous sommes allés où leur fils s’est marié, ils m’ont raconté, main dans la main, qu’ils l’avaient conçu au Brésil. Il travaillait alors dans la marine marchande.
Nous avons continué à parler de choses et d’autres pendant un moment, puis, sans rien dire, nous nous sommes assis. Après quelques minutes silencieuses, je lui ai cité cette phrase de Gary qui me poursuit : « Seul l’Océan dispose des moyens vocaux pour parler au nom de l’homme ».
Il m’a regardé, des scintillements dans les yeux.
« Tu sais, il y a des signes, dans la vie. Tu n’es pas arrivé chez nous par hasard. »
Libellés : Pensées vagabondes, Photos
3 Comments:
très inspirée, cette phrase de gary..
donc, comment passer de la mer à l'océan? une histoire de strates...
J'adore la citation de Gary sur l'océan...
Et puis cette petite musique du quotidien que tu décris si bien. Non, il a raison ton hôte: « Pas de hasard »...
je ne sais pas si c'est ma sensibilité du moment, mais je pourrais laisser un com' à chacun de tes billets.
Il n'y a jamais de hasard dans la vie. Et il paraitrait que l'étymologie veux dire quelque chose dans le gout de "guidé par Dieu". J'en sais rien et à vrai dire je n'ai pas envie de le savoir.
Mais ce qui est sur, c'est qu'il n'y a pas de hasard. Chacun de nos pas, chacunes de nos rencontres sont un enrichissement et nous poussent en avant.
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