katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

vendredi, mars 13, 2009

éloquemment disgracieux




« Comment est-ce que ta maman fait pour t’appeler ?!? »


Cela a été sa première inquiétude (tu vois, Mams, t’as raison, je suis un fils indigne) lorsque je lui ai dit que je n’avais pas de téléphone portable.


J’ai souri, tellement de choses résumées dans cette question ; quelques unes qui me plaisent, d’autres qui éclairent ce que l’on nous sert comme prothèse, comme thèse aussi bien que comme anti-thèse.


A ce sujet, je m’y suis fait, mes propos déplaisent. J’en suis fort aise. Je vais continuer d’ausculter le malaise.


Ce matin, alors que ma nouvelle colocataire me posait des questions sur ma vie qui l’intrigue beaucoup, je lui ai servi, crime de lèse majesté en cette période de crise trop bien lestée, mes réticences à propos de la mayonnaise faisandée Pouvoir Possession Patrie. J’ai alors eu le droit aux remarques d’usage quant à l’impossibilité de changer ceci. Il faudrait donc bien s’y faire, continuer de siphonner ; voire de siffloter, pour ceux qui ont les meilleures œillères.


J’ai un peu gloussé en anglais, notre seul moyen de communiquer ; peut-être devrais-je dire que je me suis trémoussé, ou que j’ai en partie mes manches retroussées ; le fait est que, comme servi souvent par ceux qui craignent d’un jour se faire détrousser, elle m’a demandé si je comptais dans la brousse me retirer.


Je ne compte pas, madame, non, non, je raconte, tout au plus.


Un con tendancieux qui narre les trop brûlants contentieux.


Tout en tentant d’être éloquemment disgracieux avec les essieux graisseux de certains messieurs bien poisseux.


Après m’être fait moussé, je suis sorti à la rencontre d’un café requinquant, suivi de près par le Libé des écrivains acheté hier.


Laissant couler le long de mes avant-bras les informes informations sanguinolentes, mes vaines espérances s’entaillaient encore davantage. Je sentais l’élan décidé de l’écriture se lancer sous le train du monde, je la savais seule capable de passer la corde au cou de la brume qui emplissait mon ventre.


Je me demandais quelle marque de fabrique affubler à nos sordides affabulations contemporaines.


J’avais été échaudé, au réveil, par un article relatif à une votation suisse à venir. Il faudra se prononcer sur le futur des minarets dans notre pays ; sujet qui, mine de rien, envenime de minables débats sur le choc des cultures, on se croirait alors invité à une réunion pour exterminer la vermine.


M’est alors apparu, au milieu de ma revue de presse, que certains veulent un Islam de Suisse, pas seulement en Suisse. De Suisse.


Quid des tueries, me suis-je dit ?!?


Quid du sentiment de néant d’une jeunesse qui, comment le contraire serait-il possible ?, ne comprend plus rien à rien dans un monde à l’échelle 7 milliards où les prévisions les plus désastreuses sont de mise, un monde qu’ils doivent vivre dans leur propre enveloppe vide, pas de mots à l’intérieur, pas même du papier, ni l’ombre d’un coquillage ou l’effluve d’un parfum amoureux ; de timbre pas les contours non plus ; une enveloppe où on leur ordonne de double-cliquer alors qu’ils souhaitent claquer, mais il n’y a pas de souris, et l’écran est trouble et beaucoup trop grand.


Quid de cette détresse ? Est-ce qu’il convient de l’estampiller également ?!?


Pas tuerie en Allemagne ou en Finlande, mais tuerie made in Germany, made in Finland.


Et pour ce qui est des suicides collectifs que, je prends les paris, nous ne tarderons pas à importer du Japon, est-ce que nous les labelliserons aussi ?!?


Suicides orchestrés de Suisse, de France.


Les mots éraflant ma peau, abattant mes tempes, j’espérais comme souvent écrire des lignes dont la force d’évocation rivaliserait avec le bouleversant « Notre besoin de consolation est impossible à rassasier » de Stig Dagerman, je rêvais ma plume à hauteur du cratère que creuse la réalité, alarmante béance démesurée.


Mais je savais que cela ne donnerait qu’un nouveau (dé)blogage, trop long pour gagner l’attention d’une bonne partie de ceux qui se risquent ici.


Est-ce que je ne pourrais pas me contenter de publier ces si jolies photos ?!?


Je suis conscient que le peu de réactions, le fait de passer pour trop sévère, voire pour pas très clair, va m’attrister, je sais aussi que, très vite, des parcelles de beauté croisées ici et là, des commentaires encourageant, des messages chaleureux, m’apaiseront et m’égaieront à nouveau ; puis que me reprendra, bientôt, l’envie de hurler, de saigner et de m’indigner sur mon clavier.


Tant mieux, cette formulation de l’informulé qui déforme et cisaille mon poitrail, je la brandis comme une injonction à continuer de refuser la grouillante indécence argentée, virtualisée.


Impérissable miroir brisé de mon âme de braises irisée.



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7 Comments:

Blogger Unknown said...

En parlant minaret, va jeter un oeil à l'émission Infrarouge sur le sujet. Match Ramadan-Freysinger, y a de quoi rire ( ou pleurer..)
Bisous

14 mars, 2009 00:30  
Anonymous Anonyme said...

tu fais toi aussi un bien bel écorché...

tendrement.

14 mars, 2009 01:44  
Anonymous Anonyme said...

Tu as raison de te revolter.
Si tout le monde se tait, qu'est-ce-qui reste?

14 mars, 2009 20:42  
Blogger helenablue said...

Oups ! Ca prend au ventre , là !

15 mars, 2009 09:53  
Blogger katch said...

Comme toujours, les commentaires me font très plaisir, merci Leila, Janeczka et Helena.

Je colle le lien vers l'émission à laquelle ma sœurette fait allusion, il suffit de regarder cinq minutes pour se faire une idée sur la tristesse des propos tenus par Freysinger, personnage emblématique de ce que Tariq Ramadan appelle à raison: "manipulateur politique".

J'ajouterai une personne dont le manque de respect de son interlocuteur, ainsi que la quantité de haine contenue dans le regard, ne cesseront jamais de me faire frissonner.

Ce qui m'attriste, c'est que le regardant se ridiculiser, parce que c'est vraiment de cela qu'il s'agit, je sais qu'il y a bon nombre de personnes, en Suisse, voyant cette émission, qui le considère comme un "type qui dit tout haut ce que certains pensent tout bas".

Qui dit très fort, effectivement, ce que certains macèrent tout pas, il serait judicieux de laisser la pensée en dehors de cela.

15 mars, 2009 11:20  
Blogger Ondine said...

J'arrive de trente heures passées dans une ville qui dort en quasi permanence et tes écrits m'éveillent, me reconnectent à ce qui est essentiel, me confortent qu'il faut continuer de s'indigner. Merci!

16 mars, 2009 14:33  
Anonymous Anonyme said...

Une maman se doit de savoir une bonne fois pour toutes qu'elle n'a pas besoin d'un outil de communication pour joindre ses enfants... puisqu'ils savent toujours la "contacter" en temps opportun...
Donner la vie, c'est pour eux, pas pour soi !

Marie-Christine TOUCHEMOULIN

16 mars, 2009 18:16  

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