katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

jeudi, janvier 10, 2008

Le singe, un être humain comme les autres

Le texte à venir s’est présenté à moi lorsque Raphaël a fermé la porte, mercredi. Juste avant, en cinq minutes, il avait été question d’un article, paru mardi dans « La Liberté », qui traitait de l’exploitation/exportation massive de singes mauriciens. On pouvait y lire, entre autres merveilles, ceci :

« Relativement propre, le singe mauricien serait un animal de premier choix, très recherché par les laboratoires étrangers. »

On y apprend que des militants "écolos" sont également contents de voir le nombre de ces animaux diminués puisqu’ils sont « écoeurés » de voir leurs investissements financiers (pour réintroduire certains oiseaux indigènes) réduits à néant par ces prédateurs. Là encore, je cite texto, il s’agit donc, au risque de me répéter, d’une personne s’engageant dans des organisations écologiques :

« Le singe est certainement une nuisance pour la conservation. »

On peut ajouter que le chef de département Recherche et développement chez Noveprim a qualifié d’ « utopique » de croire qu’on peut mener des recherches médicales sans ces animaux.

Ce qui me dérange fortement, entre autre, dans cette formulation, ce qui a fait dire à ce brave Raphu que je ferais mieux d’aller habiter dans une grotte, proposition à laquelle j’ai repensé intensément devant « Into the wild » le soir-même, un film dont dire qu’il m’a touché serait un euphémisme, tant cette flamme nichée au cœur du bonhomme est puissante, tant exister vraiment, devenir acteur de ses rêves, pendant deux ans, plutôt que de subir jusqu’à l’âge le plus avancé possible, me fait penser à cette phrase de Brel qui m’accompagne depuis un moment : « Ce n’est pas la durée d’une vie qui compte, c’est l’intensité d’une vie » ; ce qui me dérange fortement, puisqu’il s’agit de ne pas perdre le fil trop longtemps, c’est cette manière de poser la nécessité de faire encore des recherches médicales non seulement comme une évidence, mais comme quelque chose qui ne doit même pas être discuté, parce que c’est comme ça, parce que tant que nous ne maîtriserons pas complètement la mécanique humaine, ce qui permettrait, précisément, de n’être plus qu’une mécanique, tant que nous ne pourrons pas avoir tous le même corps, parfait, il nous faudra continuer à faire de la Science ce Dieu sans conscience, toujours, toujours plus.

Ce qui amène un membre de la commission d’éthique nationale à dire qu’il ne voit pas au nom de quoi on pourrait refuser aux parents d’exiger un fœtus parfait, peu importe les manipulations nécessaires, il s’agit d’entrer dans le monde avec toutes les chances de son côté, et cela se joue, bien entendu, au niveau du physique. Pas du spirituel.

Spirituel, c’est le terme qu’a utilisé Raphu quand il m’a parlé de la grotte, il m’a dit c’est bien, c’est bien pour l’épanouissement spirituel, l’air de dire, ben on va aller loin avec ça. C’est marrant parce que personnellement, le terme d’épanouissement, je ne vois même pas avec quoi je pourrais l’utiliser d’autres qu’avec cette notion de spiritualité, idée où se mélange la capacité à s’apprécier dans la solitude et à ne pas se sentir trop noyé dans la multitude. La possibilité d’estimer que le terme de responsabilité s’attache à sa propre personne plutôt qu’à un cahier des charges, la faculté de penser que tout apprentissage découle de la vie et pas du catalogue de marches à suivre qui sont en vogue depuis que l’on a réussit à convaincre l’animal social qu’il y a, pour tout, une "bonne" manière de faire et que c’est des gens dans des bureaux qui sont compétents pour la déterminer.

« Or les hommes n’ont pas besoin de davantage d’enseignement. Ils ont besoin d’apprendre certaines choses. Il leur faut apprendre à renoncer, ce qui ne s’apprend pas à l’école, apprendre à vivre à l’intérieur de certaines limites, comme l’exige par exemple la nécessité de répondre à la question de la natalité. La survie humaine dépend de la capacité des intéressés d’apprendre vite par eux-mêmes ce qu’ils ne peuvent pas faire. Les hommes doivent apprendre à contrôler leur reproduction, leur consommation et leur usage des choses. Il est impossible d’éduquer les gens à la pauvreté volontaire, de même que la maîtrise de soi ne peut être le résultat d’une manipulation. Il est impossible d’enseigner la renonciation joyeuse et équilibrée dans un monde totalement structuré en vue de produire toujours plus et de créer l’illusion que cela coûte toujours moins cher. »

Ivan Illich a écrit ceci il y a bientôt quarante ans.

« Substituer le réveil de l’éducation à l’éveil du savoir, c’est étouffer dans l’homme le poète, geler son pouvoir de donner sens au monde. Pour peu qu’on le coupe de la nature, qu’on le prive de travail créatif, qu’on mutile sa curiosité, l’homme est déraciné, ligoté, il se fane. Surdéterminer l’environnement physique, c’est le rendre physiologiquement hostile. Noyer l’homme dans le bien-être, c’est l’enchaîner au monopole radical. Pourrir l’équilibre du savoir, c’est faire de l’homme la marionnette de ses outils. Englué dans son bonheur climatisé, l’homme est châtré : ne lui reste que la rage qui lui fait tuer ou se tuer. »

Ceci aussi, mais je pourrais copier l’ouvrage (« La convivialité ») qui est une des bases des mouvements de « simplicité volontaire » et de « décroissance soutenable » qui tentent de faire entendre leur voix au milieu du carnaval altermondialiste, avec djembè et autres feux de joie.

Je pourrais continuer encore longtemps, parce qu’il y a encore beaucoup de choses qui se bousculent pour venir s’ajouter, mais je pense que peu de monde m’a suivi jusque là, alors je vais m’arrêter ici, en terminant sur ceci, puisque, de l’aveu de Raphaël, une fois de plus, souvent il lit les premières lignes de mon blog, puis saute au dernier paragraphe et aux commentaires, s’il y en a.

« La poursuite permanente du mieux-être est l’obstacle principal du bien-être. »

Je pense que vous avez deviné qui a écrit cela.

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7 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Et bien moi, j'ai tout lu ! Et j'en aurais pris encore un peu plus. Faut pas s'arrêter et penser aux lecteurs ou au nombre de lecteurs qu'il y aura. Sinon, comment on fait pour écrire le premier mot ?..

11 janvier, 2008 05:23  
Blogger Unknown said...

youououuo....
clin d'oeil à Benoît...Pareil pr moi... ;-)

Même pas venu à l'idée d'arrêter...plutôt envie de relire..

(tiens comme l'extrait de Ménine..mais pas pour les mêmes raisons....disons le texte de Mme pour être près de l'essentiel, au coeur des détails qui comptent...un peu comme avec Ellenberger...
ton texte pour la réalité, la justesse de tes propos...j'sais pas...ça raisonne avec plein de combines…que je n’arrive pas à exprimer sans m’emporter et cafouiller…zut et mince de mine… alors yououou….merci pour ton texte, que du bonheur…)

ah là là, c’est bien de retrouver tes mots ;-), me réjouis de remonter le temps ;-)

11 janvier, 2008 18:28  
Blogger Raphu said...

C toi karim qui a ecrit ça hein? Bon Tu viens d'arrêter de ronfler, je peux aller me coucher now... Demain on part a la chasse au Singe des montagnes!!!

13 janvier, 2008 01:20  
Blogger cat said...

Ha karibou,
Comme je t’adore. Comme j’aime la façon dont tu me fais réfléchir sur mes propres valeurs et vision de la vie. Moi aussi j’ai lu ton texte entièrement et j’aurais bien aimé avoir encore plus de détails sur tes pensées.

J’ai décidé de me dégêner et de te répondre directement sur ton blog plutôt que par courriel.

J’ai l’impression que tu parles énormément dans ce texte de phronesis (je crois que c’est un mot anglais que je ne sais pas traduire). C’est vraiment le premier mot qui m’est venu en tête lorsque je lisais tes questionnements sur les recherches et sur les singes.

Je ne crois pas que tu as besoin d’aller t’isoler dans une grotte, car je suis sure que bien plus de gens que tu ne le crois sont en accords avec tes principes et tes idéaux. De plus, je m’ennuierais bien trop de toi!

Je ne sais pas exactement où et quand il a été question d’un fœtus parfait, mais tu te doute bien que cela m’a fait réagir au plus haut point. Je suis tellement fâchée lorsque j’écoute certaine personne parler de grossesses parfaites, d’accouchements sans douleur, de bébés parfaits qui ne pleurs jamais… Il n’y a rien de parfait dans la vie et par chance sinon ca serait plate en… ostie (hihi un petit sacre québécois). Les gens désirent avoir de plus en plus de contrôle sur leur vie, avoir un horaire fixe, décider de la journée et l’heure de la césarienne pour pouvoir planifier quand elles pourront retourner au travail. Pourquoi faire un bébé si nous ne prenons pas le temps d’ÊTRE avec lui. La première leçon qu’un bébé nous donne c’est que nous ne pouvons plus rien planifier ou contrôler une fois que nous sommes enceintes. Il décide lui-même quand il arrive et l’accouchement est toujours surprenant. Il faut laisser son corps faire le travail nécessaire, il faut être avec le bébé qui lui est en train de trouver son chemin et il ne faut surtout pas essayer de « gérer » ou planifier sont accouchement. Mais quel beau cadeau pour la mère. Elle se rend compte comment elle est forte, et comment elle est femme. Les femmes qui accouchent doivent puiser à l’intérieure d’elles même, aller chercher l’animal en elle pour accoucher. C’est fantastique. Les femmes qui accouchent sont les personnes les plus belles que j’ai rencontrées. L’accouchement est énormément spirituel, il épanouie la femme, son conjoint ou la personne qui l’accompagne et bien sur la nouvelle famille. Je trouve cela vraiment triste d’enlever ce pouvoir et cette chance aux femmes et aux familles en médicalisant au maximum les accouchements. Tout cela parce que nous sommes dans une société mené par la peur et par la performance. Pour comprendre un peut plus ce que je veux dire, va voir le trailer du film que je vais aller voir à New York : http://www.thebusinessofbeingborn.com/


Je crois que la chose essentielle que l’humain doit apprendre c’est comment être, comment être réellement avec lui-même et comment être réellement avec les autres. Cela a peut être l’air simple ou anodin, mais je n’ai pas rencontré beaucoup de gens qui prennent vraiment le temps et l’énergie « d’être ». Cela est une chose vitale pour entretenir des relations vraie avec les autres.

Ok je crois que je commence à m’emporter un peu trop… j’arrête.


Dernière petite chose, je veux absolument que toi et raph regardiez ce post (je l'adore) : http://ca.youtube.com/watch?v=a15KgyXBX24&eurl=http://widget-c0.slide.com
/widgets/sf.swf

14 janvier, 2008 01:17  
Anonymous Anonyme said...

Voilà bien une première que la planète internet risque malheureusement d'oublier: je poste un commentaire sur le blog d'un ami et qui d'autre que mon bon vieux katch pour commencer!
N'étant pas un grand écrivain mais un bon lecteur, je ne me perdrais pas en longue phrase et comme je n'ai pas non plus une plume mirifique (mais que me reste-t-il alors?) je me contenterais de vous soumettre ma version de ce que m'apporterais ma grotte à moi et comme une personne a dit la phrase que je trouve parfaite pour l'occasion, je vous la colporte gaiement:

"S'éloigner de tout rapproche un peu de l'essentiel" Loïck Peyron

14 janvier, 2008 22:10  
Blogger katch said...

Eh bien merci pour les commentaires, c'est vraiment très agréable de savoir que quelques personnes embarquent à mes côtés à chaque fois.

Je profite donc d'ajouter juste un petit quelque chose pour compléter mon message, une précision qui vise à illustrer pourquoi je ne pense pas qu'il aurait été plus judicieux de ne jamais faire de la recherche, mais, au contraire, il me semble qu'il aurait été (serait) important de se poser la question des limites.

Ne peut-on pas considérer que nous avons déjà largement assez de connaissances scientifiques pour continuer à vouloir jouer les petits dieux (merci pour le lien, Cat, j'ai bien aimé)?!?

L'idée principale d'Illich, dans "La convivialité", c'est qu'une société conviviale est une société où l'homme utilise l'outil est n'est pas utilisé par lui comme c'est le cas depuis un moment.

Quand j'entends, ou que je vois, l'utilisation que certains jeunes font de MSN (1h30 à la maison à midi, 1h15 devant l'ordinateur à chater avec ... des copains de classe...), quand on constate la place que prend le téléphone portable ou la voiture. Le pire étant que ces objets sont ensuite rapidement rendus indispensables par la société, puisque l'on ne peut bientôt plus espérer se tenir au courant sans internet, ni être tenu au courant sans téléphone portable.

Et comme notre conception des droits de l'Homme vise, pour se donner bonne conscience, à rendre toutes ces merveilles disponibles partout sur la planète, ben il ne rste plus qu'à crier vive la démocratie et la culpabilité...

La dépression, après la Chine (qui a déjà "néolibéralisé" son économie), va bientôt se propager en Afrique, ils sont trop forts ces singes!

15 janvier, 2008 06:51  
Blogger Unknown said...

Ouf je respire...la recherche c'est chouette quand même ;-)...surtout en biologie...
Même s'il une fois dans le chaudron, j'ai l'impression qu'il y a un peu une perte de distance critique...cette impression m'avait fait peur (fuir?)...

Impression que d'autres chercheurs laissent souvent ces interrogations se loger dans leurs méandres neuronaux...

les limites, l'éthique, le sens...

Ils aiment ce qu'ils font, mais que de questions...

Qu'en font-ils? Sont elles relégués au fond du tiroir, font-ils des compromis au jour le jour, choisissent-ils de vivre avec, les acceptent-ils, se battent-ils contre, changent-ils...

Miam, j'aime...
que de réponses possibles...
que deviennent-ils, nos chercheurs, avec leur réponses uniques et différentes....
...yououou j'adore....

Ah là là...
Il y en a plein qui défilent dans mes hémisphères...
....des vrais et des imaginaires...
je me demande dans de quel côté ils sont plus nombreux...

ce que je sais c'est qu'ils demeureront
...semblables, uniques et différents.... youou que du bonheur


PS: merci pinpin pour ta vision de la vie...de la femme, de la grossesse et de l'accouchement... Tu as lu "Parole de femme" d'Annie Leclerc...


PSS: A bas les cervelas...c'est pas bon...ce qui est bon c'est de faire un feu après avoir ramassé des branches en forêt, d'y griller des combines et de manger ensemble...les cervelas sont remplaçable...l'essentiel demeure (yaka ;-)...yououou ;-)...)

18 janvier, 2008 16:57  

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