Après "Se souvenir des belles choses"
Il y a, souvent, des phrases qui s’inscrivent dans ma tête pendant un certain temps, pour différentes raisons que parfois je ne m’explique pas.
« Comme une ruine magnifique que l’esprit rebâtit à la lumière du jour", celle-ci est restée inscrite depuis le début de l’année, elle raisonne en moi tel un poème parfait, un instant de beauté dérobée au crépuscule.
Cette semaine, absorbé par un entretien accordé par Laurent Mauvignier au Matricule des anges à l’occasion de la parution de « Dans la foule » (que je n’ai pas lu mais cela ne saurait tarder, car j’avais aimé le ton, étouffant mais prenant, de son « Apprendre à finir »), je me suis arrêté sur cette affirmation troublante de vérité:
« La famille, dans le moment qu’elle vous constitue, vous destitue de tous les possibles ».
J’y ai repensé plusieurs fois, notamment hier soir, devant « L’homme de sa vie », deux belles heures de cinéma pendant lesquelles Zabou Breitman filme ave une subtilité exemplaire la question de l’homosexualité, explorant la frontière entre le trio amitié, amour, désir et l’incompréhension qui souvent l’accompagne.
Bernard Campan joue un père de famille qui commence à être troublé par la relation qu’il noue avec son nouveau voisin, Charles Berling, un type affichant ouvertement son homosexualité et ses doutes concernant la valeur du couple sur le long terme.
Presque tous les soirs, ils terminent les deux devant la maison, passablement imbibés, refaisant le monde. Campan, peinant à trouver les mots justes, est impressionné par la fluidité de pensée de son acolyte.
« Le problème, alors que leur enfant souffre, terriblement, c’est que les parents gardent en tête une seule image, celle de leur fils en train de se faire mettre », Berling dixit.
Je ne sais pas très bien comment conclure ce message. Je n’ai pas envie d’une « petite morale pour la route », parce qu’il y a encore bien d’autres passages de ce film dont j’aimerais parler.
Je pourrais aussi disserter un moment, pas tout à fait à côté du sujet, sur le livre que je suis en train de lire, « Le mal de Montano », livre génial d’Enrique Villa-Matttas, encyclopédie vivante de la littérature.
Je vais donc me contenter de vous en servir une nouvelle tranche, pour la route :
« La famille, dans le moment qu’elle vous constitue, vous destitue de tous les possibles ».
Libellés : Pensées vagabondes
4 Comments:
Oh là ! Mais c'est qu'il y aurait des tonnes de choses à dire là-dessus.
Sur la phrase de Mauvignier, je ne suis pas d'accord. Pas qu'il soit dans l'erreur, mais je suis devenu allergique à ce genre de phrases absolutistes, totalitaires. Elle suppose une destinée inéluctable et pour des raisons de survie personelle, je refuse absolument de croire à ça. Il y a des exemples d'individus écrabouillés par leur famille, parfois par un seul membre de leur famille, des histoires de domination/subjugation, des failles personelles, des individus perdus MALGRÉ l'amour des proches, des écheveaux inextricables, des incompréhensions qui mettent parfois des vies entières à se comprendre. Il y a parfois des héritages lourds, des qui vous plombent, d'autres qui vous permettent de voler très loin, des ressources qu'on ne sait pas qu'on a et qui vous servent CONTRE votre famille, mais qui, plus tard, vous serviront POUR elle. Bref, c'est une affirmation par trop simpliste, qui évacue totalement les histoires. Au nom d'une singulière perception, prisonnière d'un JE, qui ramème tout à elle-même.
Le film dont tu parles, j'espère qu'il traversera l'Atlantique, parce que j'ai déjà dit, texto, ce que dit Berling. La "tolérance" n'est possible que si onblie pourquoi on doit être tolérant. L'imagerie sexuelle est parfois au coeur du rejet. Et rejeter sa progéniture parce qu'on ne peut pas supporter l'image, en dit infinimement plus long sur la "normalité sexuelle" des uns que la "déviance sexuelle" des autres.
Je commence un roman qui s'annonce fabuleux, L'histoire de l'amour (oui, un peu tarte comme titre) de Nicole Krauss. On est loin des émois du je-me-moi. Une structure qui n’a rien de simple tout en étant totalement maîtrisée (autant que celle du magnifique Lignes de faille de N. Huston) mais qui n'entrave en rien le il était une fois.
C'est vrai que cette phrase, sortie de son contexte, a un côté totalitaire un peu rebutant.
Il y a un nombre incalculable d'exemples qui s'écartent de ce schéma, grand bien leur en prend, mais, pour ma part, elle reflète extrêmement bien ce que je ressens et elle exprime à merveille la souffrance larvée que je vois énormément autour de moi, une douleur dont il n’est possible de sortir qu’en déployant ses ailes contre la famille, ce qui équivaut malheureusement trop souvent à se dresser contre tout les points de repères proposés depuis l’enfance, ce qu’il est difficile d’accepter.
Absolutiste mais pas simpliste, en ce qu'elle ne refuse pas la possibilité de lui échapper, elle se rapproche plus, pour moi, d'une constatation qu'il est sain de faire à un moment donné pour se donner les moyens de grandir vraiment.
Elle raisonne plus, dans ma tête, comme le début d'histoires que comme leur évacuation
Tu apportes la nuance que je ne percevais pas du tout dans le post orginal.
il était beau ce film et le duo d'acteurs aussi, je me rappelle qu'avant de connaître les inconnus (oui je sais c'est à l'envers) c'est isabelle carré que j'avais découvert dans un petit film où elle fréquentait un homme marié. Là-bas, son homme marié c'était la caméra. C'est ce genre de films qui rendent la vie plus humaine.
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