Le souvenir de ce qui n'a pas été
Cette semaine, une information m’a particulièrement interpellée, une petite dépêche qui est sans doute passée inaperçue aux yeux des personnes que le foot intéresse peu, voire agace, souvent à juste titre.
Sébastien Deisler, footballeur allemand incroyablement talentueux, a annoncé qu’il mettait un terme à sa carrière. Il a 27 ans.
On pourrait penser qu’il a subi des blessures à répétition, qu’il veut, doit, épargner son corps, ou alors que, vu les sommes astronomiques générées par ce milieu, il en a marre et a tout simplement assez d’argent pour vivre tranquille le reste de ses jours.
Il y a de cela, des blessures et de l’argent, beaucoup trop d’argent, mais il y a malheureusement aussi une certitude : il y a déjà des années que la tranquillité ne s’attache plus à sa vie, bien au contraire, sa décision ressemble plutôt à l’ultime corde lui restant pour essayer de terminer son existence ailleurs que dans une clinique psychiatrique.
Les meurtrissures que Deisler traîne depuis quelques années se situent à un niveau que l’on pense souvent inexistant chez les footballeurs : l’esprit.
Lorsqu’il a été transféré au Bayern Münich en 2003, la dépense du club est disséquée par la presse, les calculs commencent pour savoir combien de buts et de passes de génie il devra réaliser pour que l’investissement soit rentabilisé.
Mais tout cela semble être des détails, tant les qualités du joueur, appelé à porter la Mannschaft jusqu’à la consécration mondiale devant son pays trois ans plus tard, sont immenses.
Mais Deisler lit, entend, rêve tout cela, sa tête ne se contente plus de dévier habilement le ballon, elle se met à réfléchir, elle comprend que ses pieds ne sont plus des pieds, mais une usine à générer des millions, que même ses sourires, tellement important les sourires, ne lui appartiennent plus mais font partie de la panoplie du rôle qu’il a accepté sans même s’en rendre compte, tant ce sport lui coule dans les veines depuis ces heures perdues où la distinction entre vestiaires, balançoires et toboggans n’existait pas encore.
De place de jeu, le terrain de foot se transforme en territoire du cauchemar, en immense rectangle vert générant plein de petits rectangles verts.
La brillante carrière de Deisler, celle que tout le monde lui prédisait, celle que plein de gens bien intentionnés avaient écrite pour lui, restera donc du domaine de l’hypothétique, elle ferme ses volets pour se retrouver dans le château de ce que Christiant Garcin appelle l’ « autre monde ».
« Qu’est-ce que j’appelle l’ « autre monde » ? Le saisissement mêlé à l’effacement. Le souvenir de ce qui n’a pas été. »
Libellés : Pensées vagabondes
3 Comments:
Plaisir de voir que tu lis encore un peu les news footballistique... Même si ce n'est pas franchement le genre de brève qu'on aime lire! Un gâchi énorme tel pourrait être le titre de sa carrière, malgré des débuts fracassants au Bayer Leverkusen, et des qualités bien supérieurs à celles d'un certain Ballack gagnant maintenant 1million€ par mois... C'est quand même pas plus mal qu'il aie pris cette décision avant et plutôt que de tomber dans des travers alcoolisés et "droguisés" comme certains l'ont fait avant lui (Gascoigne, Adams...) Dommage tout de même et bon vent à lui!
Eh bien c'est d'un certain sens une bonne nouvelle, la preuve qu'il y aura au moins eu un footballeur dont la tête sert à autre chose que taper (éventuellement sur un ballon) et qui ont cerveau entier à l'intérieur...
Bonne chance à lui.
Et bises à toi
le foot un business, les clubs des entreprises, les entraineurs des managers, les joureurs des employers...
c'est vraiment dommage que ca s'applique au sport, et ca ne va pas en s'améliorant.
"L'Olympique lyonnais, premier club de football francais à entrer en Bourse"
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3242,36-859963@51-859166,0.html
Enregistrer un commentaire
<< Home