Oeuvre d'un virtuose du fiasco, l'homme a été raté sans doute, mais raté magistralement.
Aspiration.
Un dimanche à la toiture mitigée, deux livres, on ne saurait rêvé plus bel objet de piété, sont le chapelet de ma journée sainte dont j’égrène les pages au gré de mes envies, bercé par un bol de café qui me détourne régulièrement des lignes, m’invitant à méditer sur leur contours.
Une église incontournable d’Avignon, la librairie « La mémoire du monde », a glissé dans ma besace « Le commandement » de Michèle Desbordes, je couple donc mes inégales prières à cette prose musicale qui émeut tant mon âme d’ami des thés.
Des thés à la menthe areligieuse.
« Les ombres, le vent et les odeurs portées par le vent, tout nous dit que les histoires sont là pour longtemps, pour toujours peut-être, et si nous venons à l’oublier une bourrasque, un souffle d’air mouillé des pluies qui arrivent nous rappellent que ce qui doit revenir revient, comme reviennent les hivers et les brumes de novembre, tout ce qu’avec le temps nous finissons par redouter. »
Respiration.
Le second ouvrage (« La chute dans le temps » de Cioran) qui se joint à mes incantations dominicales est moins aéré, moins éthéré, on en sort au contraire avec une impression d’être enterré, entraîné malgré soi, contre soi, par la fuite dans le progrès de notre monde civilisé, dans la recherche incessante du mieux qui nous a fait oublié le bien, pas un bien empreint de moralité mais un bien tourné vers soi, un bien qui se noie aujourd’hui entre ésotérisme et manuels de savoir-vivre.
Un bien-être qui s’est bien fait avoir par le biens-avoir.
« Nous sommes là pour nous débattre avec la vie et la mort, et non pour les esquiver, ainsi que nous y invite la civilisation, entreprise de dissimulation de maquillage de l’insoluble.»
Inspiration.
Il est pas très drôle le katchon aujourd’hui, non mais franchement, il pourrait tout de même faire un effort, je sais pas moi, aller courir un bout histoire de revenir un peu plus détendu.
Expiration.
Mon seul « impératif » du jour était de rédiger quelques lignes de présentation pour deux potes qui mettent sur roue un service de coursier à vélo (spécimens de taille passe-partout, plutôt de nature souriante, qui fait de l'efficacité son maître mot afin de se présenter comme l'alternative proprement (eh oui) indispensable aux moteurs en surchauffe), je me suis acquitté de ma tâche de manière non conventionnelle, ce qu’ils souhaitaient, mais probablement avec moins de « retenue » que ce qu’ils espéraient.
Qu’à cela ne tienne, ils picoreront ce qui leur semble utilisable, je vais pour ma part effectivement aller m’aérer l’esprit en faisant quelques foulées.
Je vous laisse sur un autre passage de Cioran qui servira de compliment à mes pieds, parce qu’il faut les motiver ces petiots.
"L'usage des jambes étant aboli, le marcheur, au milieu de ces paralytiques au volant, a l'air d'un excentrique ou d'un proscrit; bientôt il fera figure de monstre. Plus de contact avec le sol: tout ce qui y plonge nous est devenu étranger et incompréhensible. Coupés de toute racine, inaptes en outre à frayer avec la poussière ou la boue, nous avons réussi l'exploit de rompre non seulement avec l'intimité des choses, mais avec leur surface même. La civilisation, à ce stade, apparaîtrait comme un pacte avec le diable, si l'homme avait encore une âme à vendre."
Libellés : Littérature, Pensées vagabondes
2 Comments:
Le problème avec toi Karim, c'est que tu arrives toujours à donner l'envie d'aller se ruiner dans une librairie!
les "remèdes" pour retrouver le "bien tourné vers soi" et éviter l'esquive... simplement...: respirer, marcher, courir, donner des coups d'main, lire, écrire, penser en buvant un thé, rire et sourire...
Mélange actif essentiel de pied de nez efficaces...et de tendresse...
Parce qu'il est suffit parfois de fermer les yeux en se laissant porter par la douceur des notes et des voix...merci pr Damien Rice ...
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