katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

jeudi, juillet 26, 2007

Partout sauf sur le pont

« Traverser une rue pour s’enfuir de chez soi
seul un enfant le fait, mais cet homme qui erre,
tout le jour, par les rues, ce n’est plus un enfant
et il ne s’enfuit pas de chez lui. »

Ces mots de Cesare Pavese reposaient, auréole de douceur, sur les têtes de Raoul et moi pendant notre petit périple en Avignon.

Tout content, samedi matin, je pensais pour une fois à prendre le chargeur de mon appareil photo. Seul hic, constaté dans le train, l’appareil n’était pas dans le bon sac.

C’est quoi un bon sac ?!?

Je ne sais pas, mais, sur ce coup, j’en étais un sacré, de sac, dirait ma grand-maman chérie.

Dans le train, « Demande à la poussière » de John Fante, bien, mais l’extrêmement élogieuse préface de Bukowski m’avait trop promis, sans même le savoir.

Une fois terminé, je glissais vers tout autre chose, « Le désarroi » de Remy de Gourmont (que l’on doit aux superbes éditions du clown lyrique), avec moins d’attentes mais un plein bol de curiosité.

« C’était la jeunesse dans toute sa glorieuse bêtise, faisant l’amour comme on apprend à nager, exerçant ses muscles et d’abord ceux de la parole et du cri, particulièrement estimés chez les peuples libres. »

Après quelques pages, je me savais en bonne compagnie.

« Car, s’il faut vivre, il faut vivre libre, - et quelle plus affreuse prison qu’une conviction, quel plus terrible bagne qu’une croyance ? »

Il ne m’en a pas fallu beaucoup plus pour être pleinement convaincu par cette prose magistrale au service de propos anarchistes sulfureux bienvenus.


Hormis un chanteur un peu déjanté (http://www.myspace.com/davidlafore), tout seul avec sa guitare, nous avons plus lu que vu pendant notre séjour provençal.

Petit pas de course au réveil, immense et excellent petit déjeuner proposé par nos hôtes avant de franchir les remparts et de nous poser sur une terrasse avec livres et journaux.

Au festival, les artistes viennent à vous, nous n’allions pas nous en priver.


« - Le dernier degré de la littérature, c’est le silence.
- Le silence n’est jamais vide. C’est pourquoi il fait si peur. C’est ce qui t’arrive. »

Il y avait une adaptation de « Ma famille » de Carlos Liscano (http://www.lelitteraire.com/article1395.html) , j’hésitais à aller voir ce que cela donnait, j’ai préféré lire « Souvenirs de la guerre récente ».

Le problème du grand exalté que je suis, c’est que, dans une effervescence pareille, je n’arrête pas de tomber amoureux.

De Sylvestre et de sa collègue lorsque nous avons mangé en compagnie de Gandus et Pauline lundi soir, du musicien marseillais à l’air de rien qui nous a raccompagné un peu plus tard alors que nous étions sur le point de mettre nos principes dans nos poches pour rentrer en taxi, fatigue avancée des jambes oblige, de Chadia, responsable en communication d’une troupe qui, par la grâce d’un sourire, m’a pratiquement rendu aphone pour le reste du séjour, et, last but not least, de Raoul à chaque fois qu’il me gratifiait d’une de ses grimaces dont il a le secret.

Dans le tas, c’est le seul qui a dû subir mes ronflements chaque nuit, je lui dédie donc une petite pensée émue.

Pour le retour, je m’étais gardé « Patraque » de Frédéric Boyer, je n’ai pas été déçu.

« Ce qui nous distingue, nous les hommes, des individus des autres espèces vivantes, c’est que nous sommes des personnages. Des individus en permanence tentés par la représentation d’eux-mêmes. Avec des rôles, des habits, des fonctions. Des personnages. Toute l’humanité dedans. Les gens ne s’y reconnaissent pas et pourtant c’est eux, c’est bien eux. Quelle farce.

La littérature commence de cette façon.

Avec six milliards de coupables. »



Arrivé à Yverdon, je prenais le mauvais bus.

Il faut se réveiller petit bonhomme.




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2 Comments:

Anonymous Anonyme said...

le mauvais sac, le mauvais bus... surtout ne retrouve jamais ta tête sinon tu ne serais plus toi!

26 juillet, 2007 14:15  
Anonymous Anonyme said...

Généralement quand on lit une histoire pareille on se dit "Oh le con", "mais j'y crois pas" ou autre exclamantion... Mais sachant que c'est toi, cela en devient d'un banal c'est effrayant !! ;-)

26 juillet, 2007 15:29  

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