katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

mercredi, septembre 05, 2007

Bildungsroman

Je me suis baladé depuis lors sur des routes littéraires d’un tout autre ordre. Béatrice m’a proposé de lire Hermann Hesse avec un œil neuf, puisque je lui avais avoué n’avoir que moyennement apprécié « Demian », décortiqué au gymnase, de même que « Siddhârta », feuilleté par la suite pour tenter, en vain, de comprendre la révélation qu’il avait constitué pour un ami. Elle m’a donc offert « Le Jeu des perles de verre ».

Je répète souvent qu’un des éléments qui m’intrigue le plus lorsque j’observe et interroge les gens que je côtoie, c’est de comprendre à quel moment une information qui leur a été donnée devient effective et prend place dans leur quotidien. Quand est-ce que, triant dans le déversement continuel et insensé d’informations et d’images qui nous submerge, nous « faisons quelque chose » d’une partie de cette « réalité » qui nous touche? J’ai tendance à utiliser un terme qui ne me convient que moyennement, parce que plus technique que poétique, celui d’actualisation.

Hesse, plus ésotérique que moi, mais ça je l’avais compris depuis un moment, décrit cet état, qu’il appelle un « éveil », de la manière suivante: « […] ce qui éveille l’âme, la métamorphose ou la sublime, c’est toujours qu’à la place des rêves et des pressentiments intimes soudain un appel du dehors, un fragment de réalité s’impose et agit. »

Ce qui me dérange dans ces romands dits « de formation », c’est que la vie semble s’y apparenter à un enchaînement d’étapes clairement définies, l’existence serait un escalier dont chaque marche permet de remplir sa ou ses « missions ». Ce qui donne quelque chose de bien construit, donc, par cela même, d’assez éloigné de la vie qui m’apparaît plus comme un pont (ne serait-ce que par l’idée de traversée, plus que d’ascension toute relative) avec d’énormes trous que l’on arrive pas toujours à dépasser.

Dans « Le Jeu de perles de verre », nous sommes en présence d’une communauté imaginaire (Castalie), tenue et entretenue hors du monde par l’état dont elle fait partie, qui ne s’intéresse qu’à tout ce qui traite, de près ou de loin, à l’esprit. Ceci dans une hiérarchie stricte et indiscutable.

Une des inventions des castaliens est le Jeu des perles de verre, une activité qui conjugue les principes et connaissances des toutes les sciences pour en faire un sommet éthique et esthétique. Cela semble très abstrait, je vous l’accorde d’autant plus que cela n’est pas éclairci après plus de 500 pages, et hormis des réflexions pertinentes, mais pas bouleversantes, sur le sens de l’Histoire et sur la musique, nous restons dans un flou relatif malgré bien des répétitions. De plus il y a un côté, de l’aveu même de son auteur, très éducatif qui me dérange particulièrement.

Il est assez rare que je ne lise qu’un livre à la fois, surtout s’il s’agit d’un ouvrage, comme celui-ci, assez « lourd » et qui demande une certaine attention, je m’aérais donc l’esprit en parcourant « Fracas », le dernier livre de Pascale Kramer, dont excepté un talent certain dans le déploiement de phrases superbes (« Sa volonté face au manque, qui lui travaillait la gorge comme un étranglement, lui fut d’un soutien inattendu devant l’inconfort où commençait cette journée. C’était sur la certitude de sa ténacité qu’elle imaginait pouvoir venir à bout d’une vie entière. »), je n’ai pas retiré grand chose.

Par contre, et c’est là que je veux en venir, je me suis laissé subjugué par une revue sur Octavio Paz, et plus précisément par une table ronde avec le poète et quelques invités de choix dont j’ai extrait ceci qui me semble bien résumer ce qui me dérange chez Hesse (même si je me promets de lire encore « Le loup des steppes »). C’est Claude Esteban qui parle:

« […] Je crois que c’est le fait même de la définition de l’intelligence, qui consiste à éclairer son objet plutôt qu’à s’en emparer pour le conceptualiser. »

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1 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Pas lu tous les auteurs que tu cites...
mais j'aime ce que tu en dis...
j'aime les livres qui éclairent...certains éclairent un escalier, évoquant un passage étroit, comme obligé, des marches trop hautes ou peu sûres qu'on n'imagine même pas pouvoir (dé)passer un jour... et alors pourquoi s'engager dans un tel chemin qui si fermé?... en haut / ou en bas de l'escalier...l'auteur nous laisse toujours le choix de refermer la porte...
Parfois on ne l'ouvrira plus, rien que de penser ce qu'il y a derrière, on passe notre chemin (miam les portes de Botero dans l'Autre me reviennent en mémoire, vivement que je chope le tome II à la biblio)...
... parfois on l'entrouvre curieux de voir si "c'est l'moment de l'"actualisation", qu'on (com)prendra enfin...que les mots prendront sens enfin..et...grr...on referme vite, zut déçu...toujorus pareil, dommage, j'avoue j'aime pas ça, me dire :"zut, j'croyais que ce s'rait différent, mais non, les mots ne m'invitent toujours pas, n’éclairent rien, mince de mine et zut...grr...donne pas envie de réessayer ;-).."

Et puis...un autre jour... par hasard...on tente à nouveau l'coup...et...et...on est ébloui.. on cligne des yeux pour s'habituer à ce nouvel éclairage... il y a soudain une ouverture le long du mur…la lumière qui filtre au travers...nous prend par surprise... nous invitant... à sa manière... ces rayons se faufilant, courant à travers la poussière magnifient les couleurs….adoucissent les angles…

….envie d’enlever mes souliers et de gravir ces marches de pierre chaude…
… pour atteindre cette fenêtre et l'ouvrir...
…l'ouvrir pour sauter dans le pré...s'évader, yououou, que du bonheur ;-)...Pfff

05 septembre, 2007 18:35  

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