katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

dimanche, mai 24, 2009

dans cette évasion la plus grande présence




Au mur, une photo magnifique de Romain Gary et Jean Seberg, arrivée jusqu’ici grâce à ma mamimourette.


Ils sont sur une plage, ils regardent au loin, Jean a ses chaussures dans la main droite, de l'autre elle tient le bras de son mari ; Romain qui a l’air perdu dans ses pensées, comme toujours.


"Un homme qui peut s'adapter à la réalité n'est qu'un enfant de pute", a-t-il écrit dans "Adieu Gary Cooper".



Des fleurs, un schtroumpf, un soleil,… Plein de fautes d’orthographes.


Ma maman m’a dit que, dans son prochain envoi, elle glisserait un dessin que j’avais fait pour mon grand-papa, quand je n'avais encore pas toutes mes dents ; tu seras content d’avoir ça, un jour, elle a ajouté.


J’ai à côté de moi une carte que ma grand-maman m’a écrite, illustrée par une aquarelle de Jean-Luc Berger, « Chemin du Chapon à St-Saphorin ».


St-Saphorin, Le Lavaux, un de ces nombreux endroits qui font de la Suisse un pays où on se réconcilie avec la beauté kitsch ; une beauté presque irréelle de propreté qui rayonne de partout ; une beauté qui suffit à expliquer pourquoi l’occupation du paysage, par certains propriétaires peu délicats, m’horripile.


Une beauté trop lisse qui est aussi un des moteurs de mon envie de me confronter à autre chose, de rendre mes yeux plus rauques.



« Dans le fond, je pars d’une source, je la connais, je la suis, trop d’artifices me répugnent, je ne veux pas m’inquiéter du béton. »


A main gauche, un livre d’entretiens entre Jean Quinodoz et Maurice Chappaz, transcrits par Corinna Bille.


Leurs voix se confondent, préciser quels mots sont de qui semble superflu tant leurs paroles s’harmonisent.


« Mon désir de paix, d’adaptation au monde était très net, mais je me suis trouvé dans l’impossibilité d’accepter et mon père et la société actuelle. Cette dernière massacre tout ce que j’aime. L’espace et le temps vus de l’intérieur se sont rétrécis au point de nous étrangler. L’écriture a été une seconde naissance. »


« Que le ciel et la terre se balancent » en est le titre, déjà après cela on ne peut faire que silence.


Dans ses lignes manuscrites, dont l’ourlé des mots suffit à me faire voyager dans le siècle précédent, ma grand-maman me dit que maintenant qu’elle est vieille, elle se rend compte qu’il y a un racisme contre les vieux.


Prenez un moment pour aller lire « Le clown triste » de Foglia, quand ses chroniques respirent comme celle-ci, je monte sur un tabouret, je m’oriente en direction de Montréal, et je hurle pour demander à sa plume de bien vouloir nous offrir un livre de ce tonneau, histoire de pouvoir avoir sa voix qui tonne toujours dans la poche.


« Qui dit vocation dit évasion et dans cette évasion la plus grande présence.


Une rupture mais une fidélité, car on part avec son origine. Il n’y a pas de cassure comme dans l’événement social appelé « le progrès » et qui s’achèvera par une cassure, un abîme. Et je veux dire cette origine. »


Un de mes problèmes avec la Suisse, c’est que j’aime trop ce pays, c’est aussi ce qui se dégage des lignes sur Béatrice, des lignes au sujet desquelles je n’ai pour l’instant pas de nouvelles.


Hier, j’ai eu pour la première fois depuis cinq mois une grande envie de fermer les yeux et de me retrouver entre Fribourg et la place de jeu de mon enfance ; envie de serrer bien des gens que j’aime dans mes bras.


Envie de laisser le sel de mes larmes devenir insignifiance en s’égouttant dans le lac de Neuchâtel ; envie de sentir ce duvet d’eau devenir mon plus beau déguisement, mon plus précieux « doudou ».


« L’évadé a la piété du passé, piété aussi vaste et ferme que le chalet. »


Je ne prie pas, enfin non, je ne prie plus ; j’ai longtemps pensé que Dieu était caché dans la paume de mes mains, alors le soir, dans mon lit, après que ma maman m’avait bordé, je les joignais, j’y glissais mon visage et, enivré par la chaleur de mon souffle, je discutais avec lui, je lui promettais plein de choses ; on riait beaucoup.


Je ne prie plus, mais avec ferveur.


Je ne prie plus, mais je reste attaché aux promesses que je nous faisais.


Je ne prie plus, mais, quand je me sens fantôme sans âge, quand je m’accroche à mes sourires, je crois que cela y ressemble tout de même beaucoup.


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4 Comments:

Blogger Alexandre said...

J'ai connu ce sentiment de vouloir retrouver mon canton, mon lac et mes amis à Stockholm.

Alors que le soleil, sur les îles de Stockholm, caressait une dernière fois ses bâtiments jaunes et rouges j'avais envie de voir nos îles à l'horizon; celles illuminées de blancs, celles qui touchent presque le soleil.

Ou alors j'aurais voulu embrasser celle que j'aime au lieu de voir les couples se caresser.

J'ai fermé les yeux, le vent, frais venant du Nord, m'a amené un peu de l'air des alpes. J'ai ouvert les yeux. Je voyais alors les îles de Stockholm installé devant les îles alpestre...

J'ai juste fermé les yeux et je les ai rouvert...

Au plaisir d'entendre de tes nouvelles!

24 mai, 2009 17:48  
Anonymous Anonyme said...

la nostalgie nous fait sentir incroyablement proche de ce qui est loin: elle nous offre un souvenir comme un cadeau, mais elle le garde finalement pour soi.

Pénélope tissat sa toile pour Ulysse, Calypso le laissat partir à jamais:ainsi font les pays et les gens qui nous regardent venir au monde et dans le monde marcher.

je t'embrasse fort

g.

24 mai, 2009 18:31  
Anonymous Anonyme said...

Merci pour le tendre image de petit Karim , traitant , négociant avec Dieu sur um pied
d'égalité.....


« Or , je le dis , dit Dieu , je ne connais rien d’aussi beau

dans tout le monde

Qu’un petit enfant qui s’ endort en faisant sa prière

Sous l’aile de son ange gardien

Et qui rit aux anges en commencent de s’endormir.

Et qui déjà mêle tout ça ensemble et qui n’y comprend plus rien

……………
Pendant qu’un voile descend sur ses paupières. »

(‘ Le mystère des saints Innocents ‘ Charles Péguy 1912 )


Et une pensée de P.Picasso

« Every child is an artist .

The problem I how to remain an artist when he grows up “

25 mai, 2009 12:34  
Blogger Unknown said...

Tu crois ça toi, qu'il y a un racisme contre les vieux? C'est aussi ce qui ressort parfois des lignes d'Alice Rivaz et qui me fait mal au coeur.
Hier j'ai fait de la couture avec ma grand-mère...le prêt à porter tjs trop long au niveau des jambes...ah là là, le progrès...mais cette fois il n'était pas cassure mais lien... fidélité?... peut-être... ce qui est sûr c'est que c'était bon ;-)

26 mai, 2009 07:26  

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