katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

samedi, mai 09, 2009

quand ça balance









D’un côté, vaquant à leurs occupations entre des pierres serties de mousse, un ragondin et quelques crabes ; de l’autre, derrière la vitre, un moineau ne comprenant pas comment il est tombé dans ce traquenard.


Accoudé à la barrière de la terrasse tout en longueur des quais de Sodré, mon inattention alterne entre mes petits amis animaux et le flot d’humains que les bateaux larguent à deux pas.


J’ai hésité à écrire flop d’humain, je m’en suis gardé, je me contente de les regarder s’égoutter, flic, floc.


Au bord de l’eau, on distingue à peine mes potes qui clapotent, c’est leurs déplacements qui les dévoilent; lieutenant Fontaine avait raison, dans la nuit, c’est le mouvement, sa vitesse, qui trahit l’explorateur.


Réminiscence militaire qui me fait sourire, d’autres s’y ajoutent, je repense à caporal GI Joe, blaireau chargé par mon lieutenant de m’apprendre les saluts formels puisque lui n’arrivait pas, ma tête le faisait trop rire.


Ce brave homme m’avait appris par la suite que, bon Suisse qu’il était, quand il avait vu mon nom dans la liste de sa section, il avait eu une appréhension ; puis j’avais débarqué, étais allé directement lui demander où est-ce que je pouvais lire les journaux, le matin.


Deux minutes plus tard, j’étais nommé « Chef info », gagnais ainsi le privilège de me lever plus tôt pour écouter la radio, puis je « faisais le topo », rapidement, devant la Compagnie, juste après l’appel.


Au milieu de près de deux cent pelés, ce qui me donnait l’impression d’exister, c’est que l’on savait qui j’étais, le petit bout de papier lu en souriant m’individualisait ; exactement le principe contraire de l’armée.


Les bateaux continuent d’arriver, les gens de se bousculer.


Stylo noir dans la main, je ne sais par où commencer ; depuis que Luca est là, c’est une effervescence de tous les instants, pouvoir partager nos questionnements sur nos moyens d’expressions respectifs, sur nos petits jardinages introspectifs, n’a pas de prix.


L’écriture est un état d’esprit et Lisbonne génère, dans les regards, un coup d’état, difficile donc d’assurer la transition entre le fleuve des pensées et la mise en mots de frère Océan ; je me laisse alors flotter dans mon delta imaginaire, pêchant ça et là quelques éclairs pas toujours débonnaires.


Ariane, la semaine dernière, m’a fait comprendre que j’étais souvent bien sévère ; Lise, de superbe manière, m’a redonné un peu d’air.


Au questionnaire Proust, à la question « Le fait militaire que j’admire le plus », Gary avait répondu la fuite.


Est-ce que mon départ est une fuite ?


Fuir, c’est refuser de se confronter ; si j’ai pris l’option de cheminer dans l’ailleurs, sans plan, évitant ainsi de rester comme deux ronds de flanc, c’est précisément pour affronter mes limites, pour interroger ma confiance et mes ressources.


Ce que j’ai fui, c’est une certaine complaisance, une rengaine de la plainte dans l’opulence, un génie dans l’invention de nouvelles souffrances.


Je balance donc ma patte aux sons d’autres danses, y aiguise mes irrévérences, y défie le règne de la méfiance, le royaume de la défiance.


Déjà fait de lumineuses connaissances venues confirmer qu’il fallait saisir chaque chance.


J’aime quand ça balance.



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